A quoi ressembleront les  enseignements pratiques interdisciplinaires  du nouveau collège ‘

A quoi ressembleront les  enseignements pratiques interdisciplinaires  du nouveau collège '

Le Monde
| 29.08.2016 à 06h48
Mis à jour le
31.08.2016 à 16h03
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Par Mattea Battaglia et
Aurélie Collas

Définir un sujet commun aux programmes, mêler au moins deux disciplines, réaliser un projet collectif concret’ Ce pourrait être la recette des « enseignements pratiques interdisciplinaires », ces EPI instaurés par la réforme du collège et qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre.

Dès la rentrée, les collégiens suivront ces modules de la 5e à la 3e, à raison d’une à trois heures par semaine. La Rue de Grenelle a fixé le cadre, en définissant huit thèmes de travail, du développement durable au monde économique et professionnel, en passant par la citoyenneté et, point le plus polémique, les « langues et cultures de l’Antiquité ».

Les enseignants opposés au nouveau collège n’y voient rien de moins qu’un coup porté aux enseignements disciplinaires. Un signe de ce « nivellement par le bas » reproché à la politique éducative de la gauche. Ceux, en revanche, qui soutiennent la réforme attendent de ces EPI qu’ils redonnent du sens aux apprentissages ; un moyen, pour reprendre les mots de la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, de « lutter contre l’ennui », de motiver les élèves, de les rendre actifs.

Des ovnis, ces modules ‘ Pas tout à fait. D’abord parce que plusieurs dizaines d’établissements ont fait le choix, dès l’année 2015-2016, de les expérimenter dans les académies de Toulouse et de Rennes notamment, et partout où les équipes ont eu envie de « se lancer ». Ensuite, parce que le « croisement des disciplines », le « travail en décloisonné », comme on dit dans le jargon de l’école, même s’il se faisait sur la base du volontariat et non de manière imposée, existe déjà.

Enseignant de lettres classiques, Fabrice Roux a élaboré tout au long de l’année écoulée « huit ou neuf exemples » d’EPI dans le cadre d’ateliers inter-établissements qu’il anime et auxquels prennent part une vingtaine de professeurs. « Une façon de se motiver, le moral des collègues n’était pas au beau fixe », dit-il.

Dans son collège de Ganges (Hérault) un « établissement rural et tranquille » de 600 élèves , c’est un module baptisé « Héros et héroïsme » qui s’apprête à voir le jour, en collaboration avec des professeurs de français, d’histoire-géographie et d’arts plastiques. Parmi les objectifs : faire découvrir des textes patrimoniaux autour de la figure du héros antique et médiéval, comprendre l’évolution du héros et de sa représentation héritage antique, christianisation des valeurs, résurgence par des « super-héros » , décrypter sa place dans le récit historique’

« Dénominateur commun »

Un voyage interdisciplinaire d’Hercule aux comics, de Persée à Jeanne d’Arc, proposé, en classe de 5e, à raison de dix-huit heures par élève sur un semestre, et qui pourra se concrétiser par la création d’une bande dessinée, d’un story-board ou d’un petit film.

Deux groupes de latinistes par niveau suivront, en outre, l’« enseignement de complément » qui s’est substitué à l’option latin, « mais avec un horaire très allégé », pointe Fabrice Roux. « Du point de vue de la langue et de son enseignement stricto sensu, il n’y en a pratiquement pas dans l’EPI, reconnaît-il, hormis l’étymologie. La priorité, c’est bien d’offrir au plus grand nombre une initiation solide. »

Au collège Jean-Jaurès de Damparis, près de Dole (Jura) un petit établissement de 260 élèves , le projet d’EPI initié par Clémence Maurin, professeure d’histoire-géographie, et par sa collègue d’histoire , en lien avec une dizaine de professeurs de français, de mathématiques, de physique et d’allemand , est ambitieux. Il s’agit de proposer aux élèves de 3e, sur un semestre, d’aborder des moments-clés du XXe siècle à travers le témoignage de figures féminines : Lucie Aubrac, Sophie Scholl, Simone Veil, Marie Curie, Julia Robinson’

« Nous sommes parties de cette approche novatrice selon laquelle l’histoire n’est pas faite uniquement d’hommes, mais qu’il y a des femmes emblématiques dans des pans entiers de celle-ci », explique Mme Maurin. Le projet donnera lieu à un diaporama collectif des figures abordées, réalisé par les élèves en binôme, et une présentation écrite, individuelle, d’un personnage au choix.

Le collège Jean-Gay de Verfeil (Haute-Garonne), 400 élèves, a, lui, pris un peu d’avance : il compte parmi la trentaine d’établissements « pionniers » de l’académie de Toulouse. Ici, le premier ministre, Manuel Valls, et Mme Vallaud-Belkacem étaient venus, en septembre 2015, saluer l’engagement de l’équipe.

« Quatre EPI impliquant dix-huit enseignants ont été mis en place dès 2015, et 210 collégiens ont pu en bénéficier », s’enorgueillit David Marcos, le principal. Parmi les modules expérimentés, il en est un qui a particulièrement séduit les élèves : « Il part d’un scénario mettant en scène une voiture roulant trop vite, en infraction en pleine nuit, et qui est contrôlée par un policier », explique le chef d’établissement.

En sciences physiques, les élèves interrogent la couleur du véhicule ; en SVT, l’ADN du conducteur ; dans le cadre de l’enseignement moral et civique (EMC) dispensé par le professeur d’histoire-géo, c’est la composition d’un tribunal qui est étudiée ; puis, en français, la prise de parole. Le « grand final » voit les élèves mettre en scène un procès, en cours d’histoire.

« Il nous faut trouver un dénominateur commun entre collègues, parfois ça marche très bien’ et parfois moins, explique Sophie Cassignol, enseignante de lettres classiques. Etre pionnier nous a permis de tester les EPI sans pression. Mais mettre autant de profs autour d’une table et leur demander d’être d’accord sur tout le sujet, sa progression, ses horaires’ , honnêtement, ça ne va pas de soi. Sans temps pour se coordonner, c’est une gageure ! »

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