À Pas-en-Artois soirée de désolation et d’entraide après les inondations (VIDÉOS)

À Pas-en-Artois soirée de désolation et d'entraide après les inondations (VIDÉOS)

«
Quand tu vois ça à la télé, tu te dis que ça ne peut pas arriver.
» Régis Rouvroy est arrivé après coup chez sa mère Gisèle, 92 ans, qui habite à l’arrière de l’ancien salon de coiffure, sur la place, qui a été dévasté. L’eau est montée à plus d’un mètre, jusqu’au-dessus du rebord de la cheminée. Elle a brisé les vitres et une fois redescendue, la boue est partout. «
Ma mère est handicapée, elle a été sauvée par des voisins. Elle avait de l’eau jusqu’au cou.
» En état d’hypothermie, elle a été hospitalisée à Doullens.

D’autres personnes âgées ont eu la vie sauve grâce à la rapidité d’intervention d’habitants courageux. «
Notamment une dame au rez-de-chaussée dans l’eau, qui hurlait, tétanisée
», rapporte le maire, François Lefel.

Deux orages simultanés pour « une crue centenale »

«
On a vécu une crue centenale, comme au début du XXe siècle
», explique le premier magistrat. Deux orages simultanés d’une intensité jamais vue sont tombés sur les deux bassins-versants de la Kilienne (une rivière) et du Beaucamp (un ruisselet), provoquant des ruissellements se transformant en torrents d’eau à la confluence des deux rivières, au niveau de l’église. «
Les accès au village ont été coupés, il a fallu gérer la situation dans l’urgence, avec un civisme remarquable.
»

L’eau est montée jusqu’à 1,50 m sur la place du centre bourg, inondant la mairie, les maisons, les commerces et l’agence du Crédit Agricole. Le «
courant phénoménal
» a emporté les voitures, les dispersant çà et là. Plus loin, le centre de secours a été noyé sous 1,20 m d’eau, empêchant les pompiers d’intervenir.

Quatre cents collégiens confinés à l’étage

Au collège Marguerite-Berger, le principal a vu monter l’eau d’abord «
tout doucement. Puis quand la Kilienne est sortie de son lit, j’ai lancé le PPMS (un plan particulier de mise en sûreté) », raconte Pascal Rogozinski, sur les coups de 21 h, alors que les derniers élèves sont en passe de regagner leur domicile. Les quatre cents collégiens ont été longtemps confinés à l’étage. «
Il y avait beaucoup d’eau, plus d’un mètre
», évalue Laura, élève de quatrième, au moment de retrouver enfin sa maman à la sortie du village, reconduite là dans la benne d’un agriculteur. Avec elle, Anna et Lucas sont soulagés après une longue période d’angoisse. «
On ne nous a pas donnés à manger car la cantine a été inondée.
»

Michel Petit, conseiller départemental du canton d’Avesnes-le-Comte, constate les dégâts avec désolation. «
Les gens sont hébétés.
» Il croise des agents de la collectivité venus évaluer les réparations à prévoir. La boue a souillé tout le rez-de-chaussée, les chambres froides de la cuisine et les chaudières au sous-sol sont hors-service. L’établissement sera fermé au moins jusqu’à vendredi et les profs volontaires étaient invités à venir «
donner un coup de main
» pour nettoyer et remettre les lieux en état. La vice-présidente du Département en charge des collèges est attendue sur place ce mercredi matin.

La salle des fêtes comme lieu d’hébergement

En attendant, une salle à l’étage du collège a été réquisitionnée pour accueillir une cellule de crise. Le sous-préfet Marc Del Grande, avec les services préfectoraux, les pompiers, les gendarmes, le maire, y a coordonné les actions de secours aux victimes des inondations. En décidant en particulier l’ouverture de la salle des fêtes, une fois nettoyée, et la mobilisation de la Croix-Rouge pour accueillir les sinistrés, leur proposer un café chaud, un sandwich et l’hébergement pour la nuit, pour les plus nécessiteux. Une cinquantaine de lits ont ainsi été déployés. «
Le but est de rassurer les gens, mais il y a peu de personnes à la rue
», évaluait finalement le représentant de l’État vers 21 h 30, après avoir constaté que la plupart des habitants préféraient nettoyer leurs maisons et y rester dormir.

« Cinquante ans de vie balayée »

Rue Basse-Boulogne, l’une des plus touchées, Jean Lefevre accuse le coup. «
C’est la première fois que je vois ça, témoigne le retraité, sous le choc. C’est monté d’un seul coup et ça débordait de partout. Ma femme diabétique est montée à l’étage avec mon petit chien et les colombes. Moi, je suis resté en bas pour essayer de sauver ce que je pouvais.
» En fait, rien, ou si peu. Sur la chaussée boueuse, un lit pliant, un fauteuil, deux petits meubles sont sortis par son beau-fils et des voisins. Bientôt la machine à laver toute souillée. «
C’est cinquante ans de vie balayée. Je me demande si on va rester ou si on va partir’
»

Sur le trottoir d’en face, la pharmacienne observe un tuyau évacuant le trop-plein d’eau dans son commerce. «
Il y a 60 cm d’eau’ et 5 cm de boue, évalue Lucie Lenne, qui emploie six salariés. Les ordinateurs, les médicaments sont sous l’eau. On ne sait pas comment on va faire. On essaiera de rouvrir au plus tôt. J’attends d’abord l’assureur demain matin (ce mercredi) pour savoir ce qu’on a le droit de faire.
»

Un agent en charge de la voirie départementale coordonne les travaux d’évacuation de la boue dans les rues, pelle à la main. «
Les plus gros dégâts sont sur la place et rue d’En-Bas, où il y avait 1,50 m d’eau. On a vu des voitures emmenées’
»

La caserne, « point le plus critique »

Durant la nuit, les gendarmes étaient chargés de surveiller les maisons rendues inhabitables pour prévenir les actes de pillage. L’autre priorité concernait la caserne des pompiers, toujours sous les eaux avec des véhicules noyés et des installations électriques hors service. «
C’est le point le plus critique
», admettait Dominique Loyer, commandant des opérations de secours pour le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS). Un pompage devait être mis en uvre afin de pouvoir rétablir l’activité du centre au plus vite.

En effet, les délais d’intervention pour les secours depuis Auxi-le-Château, comme pour l’homme retrouvé noyé à Mondicourt, sont longs, trop longs. Seule « satisfaction », finalement, à Pas-en-Artois : les inondations n’y ont pas fait de victime.

Et demain

«
La priorité, ce sera de nettoyer tous les réseaux
», déclarait le maire, peu avant 22 h, en songeant à d’éventuelles pluies supplémentaires. «
Et puis des cuves de gasoil ont explosé. Il n’y a pas de pollution pour l’instant. C’est géré.
»

La demande de déclaration de l’état de catastrophe naturelle devrait intervenir très vite. Et l’instruction des services de l’État sera rapide, promet le sous-préfet. «
Les gens et les entreprises sont complètement ruinés, plaide Arnaud Douchet, adjoint au maire. Chez le menuisier Marc Jannot, par exemple, tout est noyé.
»

La secrétaire de mairie, Claudie Cazin, délaissera vite la raclette et le balai utilisés en urgence pour nettoyer la mairie pour des démarches administratives longues et fastidieuses.

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