A l’Assemblée de l’OMS ,  La propagation de Zika est le résultat de l’abandon du contrôle des moustiques 

A l'Assemblée de l'OMS ,  La propagation de Zika est le résultat de l'abandon du contrôle des moustiques 

Le Monde
| 23.05.2016 à 20h50
Mis à jour le
23.05.2016 à 21h18
|

Par Paul Benkimoun (Genève, envoyé spécial)

Ebola, Zika, MERS-CoV, fièvre jaune. Alors qu’elle aborde sa dernière année à la tête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la docteure Margaret Chan, a insisté, lundi 23 mai, dans son allocution d’ouverture de la 69e Assemblée mondiale de la santé, sur les failles dans l’état de préparation du monde face aux menaces épidémiques. Elle a rappelé à ce sujet que « dans un monde interconnecté caractérisé par une profonde mobilité des populations et des biens, peu de menaces sanitaires sont encore locales ». D’où le développement d’un nouveau programme de l’OMS consacré aux urgences sanitaires.

Bien sûr, la directrice générale s’est réjouie des succès obtenus à l’échelle mondiale dans le cadre des engagements sur les objectifs du millénaire pour le développement : la mortalité infantile a diminué de 19 000 décès ; la mortalité maternelle a baissé de 44 % ; et 85 % des cas de tuberculose sont guéris. En Afrique, le nombre de morts dues au paludisme a chuté de 60 % et plus de 15 millions de personnes vivant avec le VIH ont à présent accès aux médicaments antirétroviraux salvateurs, contre 690 000 en 2000.

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« Nous aurons toujours des surprises »

Mais, les menaces sanitaires de toutes natures sont bien présentes, là encore à l’échelle mondiale : pollution de l’air, agents pathogènes résistants aux traitements, problèmes de maintien de la qualité des produits pharmaceutiques, difficultés à assurer la sécurité sanitaire, aliments, conflits, épidémies. « Nous aurons toujours des surprises », a mis en garde Margaret Chan en évoquant le monde des microbes.

« La possibilité que la piqûre d’un moustique au cours de la grossesse puisse être liée à de sévères anomalies cérébrales chez les nouveau-nés a alarmé le public et stupéfié les scientifiques, a-t-elle souligné. La confirmation d’un lien de causalité entre l’infection et la microcéphalie a transformé le profil du [virus] Zika de maladie peu grave à diagnostic épouvantable pour les femmes enceintes et menace significative pour la santé mondiale. »

Ces épidémies mondialisées ont mis au jour les faiblesses dans les pays affectés et jeté une lumière crue sur les failles de notre état de préparation, a poursuivi la directrice générale de l’OMS. Comme cela avait été le cas avec Ebola, « pour Zika, nous avons encore été pris par surprise, sans vaccin et sans test de diagnostic fiable et largement disponible. Pour protéger les femmes enceintes, nous ne disposons que de conseils ». Zika a révélé « l’échec à fournir un accès universel aux services de santé sexuelle et de planning familial », a constaté Margaret Chan en pointant que « l’Amérique latine et les Caraïbes détiennent le plus haut taux de grossesses non désirées dans le monde. (‘) Par-dessus tout, la propagation de Zika, la résurgence de la dengue et la menace émergente du chikungunya sont le résultat de la politique désastreuse des années 1970 conduisant à l’abandon du contrôle des moustiques », a déclaré Mme Chan.

Mise en place d’un programme des urgences sanitaires

Pour tenter de remédier aux insuffisances d’une bonne part de ses Etats membres, l’OMS a lancé des évaluations externes des capacités de préparation et de riposte dans différents pays, dans le cadre de son instrument juridique, le Règlement sanitaire international. Plusieurs pays se sont engagés à soutenir les 76 pays qui n’ont pas encore ces capacités, a dit Margaret Chan, avant de les inviter à tenir leurs promesses.

Face aux urgences sanitaires, l’OMS a fait preuve de sérieuses lacunes. Certaines sont imputables à sa gouvernance ce qui a déclenché le lancement d’une réforme dans ce domaine, notamment sur les rapports entre le siège et les six bureaux régionaux , d’autres à ses ambiguïtés. Organisation chargée d’établir des normes et des recommandations sanitaires, l’OMS a aussi vocation à piloter la riposte aux menaces pour la santé mondiale. Mais les coupes budgétaires que ses Etats membres lui avaient imposées ont frappé de plein fouet le département chargé des urgences sanitaires avant l’épidémie d’Ebola.

D’où, là encore, une réforme qui sera débattue lors de cette 69e Assemblée mondiale de la santé, instance suprême de l’OMS, qui se réunit chaque année. Elle crée un nouveau programme des urgences sanitaires, doté d’une « chaîne de commandement claire » (avec la création d’un poste de directeur exécutif, sous l’autorité du directeur général, de personnels spécifiques, d’un budget 334 millions de dollars, soit 298 millions d’euros , d’un ensemble de règles et de procédures et d’indicateurs standardisés d’évaluation de la performance.

« Trois désastres au ralenti »

Une première évaluation de cette mise en uvre sera présentée lors du conseil exécutif de l’OMS qui se tiendra au début de l’année 2017. « Un soutien politique et financier qui ne serait pas total représenterait un handicap pour la réponse de l’OMS aujourd’hui et pour le futur », a lancé Margaret Chan aux Etats membres.

La directrice générale a également mis en garde contre les « trois désastres au ralenti » dus à « la main de l’homme, créés par des politiques qui placent les intérêts économiques au-dessus des préoccupations du bien-être des vies humaines et de la planète sur laquelle ils vivent » : le changement climatique ; l’échec croissant de plus en plus des principaux antibiotiques ; et la montée des maladies non transmissibles chroniques.

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