A la frontière entre la Grèce et la Macédoine  les enfants aussi deviennent fous 

A la frontière entre la Grèce et la Macédoine  les enfants aussi deviennent fous 

Le blog Making-of de l’AFP est un exutoire pour les journalistes et photographes de l’agence, leur permettant de vider, en quelque sorte, leur sac émotionnel devant le lecteur. Leur faire comprendre l’envers de leur travail, les côtés parfois humainement insupportables qui sont passés sous silence au nom de l’objectivité journalistique.

Le photojournaliste Bülent Kiliç couvre la crise des réfugiés « depuis des années », depuis que la guerre civile a fait fuir des millions de Syriens, et donne des visages aux chiffres et aux faits décrits par les journalistes. Il a d’ailleurs obtenu un Visa d’or en 2015, au festival de photojournalisme Visa pour l’image (Perpignan), pour son travail sur les réfugiés syriens à la frontière turque.

Il écrit depuis Idonemi, village grec à la frontière avec la Macédoine, devenu un immense camp de réfugiés depuis que, l’un après l’autre, les pays par lesquels passait la route des Balkans ont fermé leur frontière. Entre 11 000 et 12 000 personnes « s’entassent ici » depuis trois mois, dans des conditions déplorables.

« La première chose qui vous frappe ici, c’est l’odeur. Des effluves de toilettes mêlées à de puissantes odeurs corporelles. Les gens vivent, dorment et mangent près des toilettes, au milieu de leurs excréments. Que pourrais-je dire de plus [‘] Nous sommes en Grèce, un pays en paix dans l’Union européenne, et des gens y vivent exactement comme s’ils étaient restés au c’ur de la Syrie ! Cet endroit, c’est vraiment la honte de l’Europe. »

Une des photos de Bülent Kilic à Idomeni.

Les incidents avec la police macédonienne y sont de de plus en plus fréquents. D’ailleurs, les mots un peu désespérés de Bülent Kiliç sont entourés par ses photographies, une série titrée « Gaz lacrymogènes à Idomeni ».

« Une des choses qui me frappe le plus chez tous ces réfugiés bloqués depuis des mois à la frontière gréco-macédonienne c’est de les voir, lentement, perdre la raison. [‘] Ce n’est pas étonnant. Vous aussi vous deviendriez fou à leur place. Jour après jour, leur comportement change.

Et même moi, qui ai couvert d’innombrables situations de ce genre, qui suis ici pour faire mon travail, qui sais qu’au bout de deux semaines je retrouverai ma maison et ma famille, je me sens de plus en plus déprimé, de plus en plus agressif au fur et à mesure que le temps passe. Je ne fais pas que sentir l’ambiance. Je la sens qui pèse sur moi, de tout son poids. »

Pour Bülent Kiliç, « le pire, dans cette histoire », ce sont les conséquences sur les jeunes enfants qui survivent à Idomeni. La Grèce a commencé à évacuer des familles vers des centre d’accueil de la région, mais un nombre importants de jeunes enfants y sont toujours.

« Ce sont les images d’enfants qui vous restent à jamais gravés dans la tête une fois que vous êtes rentré chez vous, surtout si vous avez des enfants vous-même. Leurs visages reviennent vous hanter, encore et encore. Bien sûr ils ne vont pas à l’école. Et vous savez ce qui se passe quand un enfant ne va pas à l’école ‘

Son comportement change. Son cerveau change. [‘] Les enfants, ici, passent leurs journées à jouer dans la boue, ou sur la voie ferrée. Ils viennent vers vous, vous poussent, vous crient dessus. Eux aussi deviennent fous. »

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