A la frontière canado-américaine  les migrants se font prendre pour demander l’asile au Canada 

A la frontière canado-américaine  les migrants se font prendre pour demander l'asile au Canada 

Au Québec, depuis janvier, des milliers de migrants bravent le froid pour fuir l’Amérique de Trump où ils craignent une expulsion.

Le Monde
| 07.03.2017 à 06h42
Mis à jour le
07.03.2017 à 11h16
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Par Anne Pélouas (Saint-Bernard-de-Lacolle (Canada), envoyée spéciale)

Dans la campagne de Montérégie, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Montréal, la neige fond dans les champs et la sève coule depuis quelques jours des érables. Un ballet inhabituel de véhicules de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) répond à un autre : celui de migrants qui franchissent la frontière canado-américaine, à pied, en évitant soigneusement les douanes.

Le Québec compte trente postes frontaliers (sur 117 au Canada) pour plus d’une centaine de routes québécoises menant à la frontière. Le chemin Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle, est l’une des voies privilégiées pour les passages illégaux. Depuis deux mois, près d’un millier de personnes ont bravé le froid pour mettre un pied au Canada via cette petite route. A l’échelle du Québec, 2 527 avaient fait de même en 2016, un chiffre qui a quadruplé en trois ans.

Drôle de retour de l’histoire : cette région bucolique fut d’abord peuplée par les loyalistes, fuyant les Etats-Unis durant la guerre de Sécession. Les nouveaux arrivants, eux, ne restent pas. Ils attendent d’être « cueillis » par la police, puis une fois leur demande d’asile enregistrée, filent à Montréal ou Toronto, d’où ils attendront l’examen de leur dossier.

Frontière poreuse

La filière est de plus en plus connue : la grande majorité arrive légalement aux Etats-Unis avec un visa de touriste ou d’étudiant en provenance de pays comme le Soudan, la Syrie, l’Erythrée, le Yémen, le Tchad, l’Arabie saoudite, la Turquie’ Ceux qui ont accepté de parler affirment ne pas vouloir rester dans l’Amérique de Donald Trump où une expulsion pourrait rapidement les menacer. Ils achètent des forfaits de 10 000 à 15 000 dollars (de 9 500 à 14 000 euros) à des passeurs. A New York, par exemple, ils prennent l’avion ou le car pour Plattsburgh, puis un taxi pour la cinquantaine de kilomètres les séparant d’un point d’entrée discret au Québec.

A un poste-frontière, on les refoulerait, en vertu d’une entente canado-américaine sur les tiers pays sûrs qui exige le dépôt d’une demande d’asile dans le premier pays d’accueil. Du coup, ils passent ailleurs qu’aux douanes, obtenant de facto le droit de poser leur candidature au statut de réfugié au Canada. Le Québec dispose de 813 km de frontière avec son voisin américain, soit 10 % de celle du Canada tout entier. « C’est une situation unique et cette frontière est complètement poreuse », souligne Jean-Pierre Fortin, président…

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