Nouvelles régions ,  Changer de nom ne modifie pas la perception du territoire 

Nouvelles régions ,  Changer de nom ne modifie pas la perception du territoire 

Le Monde
| 01.07.2016 à 12h59
Mis à jour le
01.07.2016 à 17h04
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Par Anne-Aël Durand

Les nouvelles régions, créées dans le cadre de la réforme territoriale, avaient jusqu’au 1er juillet pour se choisir un nom. Finalement, seules quatre d’entre elles ont opté pour une dénomination complètement neuve. Comment ont été choisis ces noms et quel sera leur impact ‘ L’analyse de Nicolas Lyon-Caen, historien chargé de recherche au CNRS.

Hauts-de-France pour la fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie. « On retrouve une logique assez ancienne consistant à faire disparaître le qualificatif nord’, dépréciatif, comme l’a fait le département des Côtes-du-Nord [aujourd’hui Côtes-d’Armor]. » Grand Est pour Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne. « Il s’agit d’une pure référence géographique pas du tout territorialisée, mais cela peut prendre. Toutefois, les anciennes régions ne vont pas disparaître, ne serait-ce que pour des raisons touristiques : les vignes du Grand Est, ça ne parle à personne, alors que les vignobles d’Alsace ou de Champagne sont connus mondialement. »Occitanie pour Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. « Il s’agit de la définition savante d’une lubie culturaliste qui date des années 1940. Mais, historiquement, le territoire de ceux qui parlent la langue d’Oc va du Poitou à la Provence. C’est bien plus vaste que le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées. » Nouvelle-Aquitaine pour Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes. « La région va probablement être appelée très vite Aquitaine à nouveau, mais les gens continueront à parler du Poitou. » Après des propositions parfois exotiques, comme « Burgondie » ou « Monts de France », les régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes se sont contentées d’accoler sobrement les deux noms, en faisant « le choix de l’unité », comme l’ont fait, assez naturellement Basse et Haute-Normandie, devenues la Normandie. « L’important, politiquement, c’est de préserver l’équilibre entre les différentes régions anciennes. »

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Les départements, des noms qui peinent à s’ancrer

Les habitants vont-ils vraiment utiliser ces nouvelles dénominations ‘ Rien n’est moins sûr, souligne l’historien. « Hauts-de-France servira aux correspondances administratives, mais les gens ne vont pas forcément se l’approprier. Le changement de nom ne modifie pas la perception du territoire. »

Nicolas Lyon-Caen cite l’exemple des départements. Ces entités administratives ont été créées durant la Révolution pour quadriller le territoire de manière rationnelle : un territoire accessible en une journée de cheval avec le chef-lieu au centre. Même s’ils recoupaient souvent d’anciens évêchés ou provinces existantes, ils ont volontairement été nommés à partir des toponymes, en faisant référence aux fleuves ou aux montagnes.

« Deux siècles après, les départements ont une réalité sociale, mais leurs désignations ne marchent pas, car elles ne correspondent pas à un héritage culturel ou à une expérience sociale. Les gens continuent à utiliser des regroupements politiques et culturels nés au Moyen Age et qui ont perduré sous l’Ancien Régime. Quelqu’un qui vient des Deux-Sèvres ne se définit pas comme ça, il dit qu’il est Poitevin. »

Les nouvelles régions, un « pragmatisme administratif »

Par ailleurs, l’historien note que les régions actuelles, qui sont souvent très vastes et ne correspondent que très imparfaitement aux entités historiques, contribuent à créer des ancrages territoriaux multiples. « Nantes a historiquement sa place en Bretagne, mais la région Pays de la Loire a fini par avoir sa propre réalité. »

Si les correspondances ne sont pas parfaites, c’est aussi une volonté de préserver l’identité de l’Etat centralisé. « Si les régions formaient des regroupements territoriaux suffisamment cohérents pour être autonomes, cela changerait la structure pour s’approcher des Länder allemands ou des régions espagnoles comme la Catalogne. Mais ces pays n’ont pas la même expérience historique que la France. »

Selon Nicolas Lyon-Caen, le regroupement de régions et leurs changements d’identité s’apparente donc plus à un « pragmatisme administratif » qu’au retour à un idéal historique ou à un passé prestigieux. En revanche, note-t-il, le gouvernement « se garde bien de faire des référendums sur des regroupements ou des changements de nom en outre-mer, car la situation y est autrement plus compliquée et on se heurterait à de vrais enjeux d’autonomie ».

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