Le Front national veut un 1er-Mai apaisé… mais ce n’est pas gagné

Le Front national veut un 1er-Mai apaisé... mais ce n'est pas gagné

Le Monde
| 30.04.2016 à 07h39
Mis à jour le
01.05.2016 à 09h46
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Par Olivier Faye

Dernière station avant campagne présidentielle. Dimanche 1er mai, le Front national réunit ses troupes pour son traditionnel hommage à Jeanne d’Arc. Un ultime rendez-vous avant le début des hostilités en vue de l’élection présidentielle de 2017, qui vont monter en puissance à partir de la rentrée de septembre. Pour Marine Le Pen, l’événement doit illustrer la séquence de communication qu’elle a ouverte depuis le mois de janvier : le parti d’extrême droite se veut « au travail » pendant que droite et gauche se déchirent sur le nom des personnes qui porteront leurs couleurs en 2017 et sa présidente entend incarner une figure « apaisée », à même de rassembler les Français. Tout le contraire de l’image clivante qui lui colle à la peau, et l’a empêchée d’emporter le moindre exécutif lors des élections régionales de décembre 2015.

En matière d’apaisement, le 1er-Mai organisé en 2015, qui avait vu l’irruption non désirée de Jean-Marie Le Pen et de militantes des Femen, représente le contre-modèle absolu. La direction du parti frontiste a donc décidé d’en finir avec le défilé qu’elle organisait depuis vingt-huit ans, pour le remplacer par un banquet de 2 000 personnes, porte de la Villette, à Paris, à l’issue duquel Marine Le Pen prononcera un discours. Les treize présidents de groupe FN dans les conseils régionaux seront eux aussi invités à prendre la parole. Au-delà des considérations politiques, le FN met en avant des questions de sécurité pour justifier cette petite révolution. L’organisation Etat islamique a en effet appelé à frapper les militants du parti, soulevant l’inquiétude du ministère de l’intérieur. « Il était nécessaire d’évoluer pour des raisons de sécurité, et je ne suis pas sûr qu’une manifestation soit un message positif. Nous dirons toujours un mot de Jeanne d’Arc, mais nous voulons que Marine soit entendue ce jour-là. Un banquet est plus pertinent en termes de communication », estime David Rachline, maire de Fréjus (Var).

Ravalement de façade

Une gerbe de fleurs sera déposée un peu plus tôt au pied de la statue de Jeanne d’Arc, place Saint-Augustin, à Paris, mais la priorité ne sera clairement pas donnée aux faits d’armes de la pucelle d’Orléans. « Dans son discours, Marine va parler de la sécurité, de la submersion migratoire, du chômage. C’est comme un discours de politique générale. Il y aura une allusion à Jeanne d’Arc, mais elle ne va pas répéter son histoire, de Domrémy jusqu’à Rouen », explique un conseiller de Mme Le Pen. Un ravalement de façade qui ne convient pas à tout le monde. « Il y avait dans l’entourage de Florian Philippot une volonté d’en finir avec le 1er-Mai, comme avec tout ce qui a trait à Jean-Marie Le Pen, s’agace un membre du bureau politique. Mais je ne sais pas si le culte rendu à De Gaulle ne va pas se ringardiser plus vite que celui à Jeanne d’Arc. »

Jean-Marie Le Pen, en tout cas, refuse de se voir rangé dans le placard des idoles du passé. Le député européen de 89 ans a appelé ses soutiens à se réunir sous une autre statue de Jeanne d’Arc, place des Pyramides, dans le 1er arrondissement de Paris, et espère parvenir à brouiller le message délivré par sa fille. Le nombre de participants qui se rendront à son rendez-vous reste pour l’heure inconnu. « Cela va constituer un test en vraie grandeur », reconnaît M. Le Pen, exclu du FN depuis août 2015. Difficile de savoir qui se tiendra à ses côtés. Le président du Parti de la France, Carl Lang, a fait savoir qu’il ne serait pas là. Ses troupes viendront à Paris, dimanche 8 mai, pour un hommage à Jeanne d’Arc, le jour où l’extrême droite radicale défile dans les rues. Et puis, contrairement à ce que certains pourraient espérer, Jean-Marie Le Pen n’entend pas défier d’une quelconque manière sa fille en 2017. Le directeur de l’hebdomadaire pétainiste Rivarol, Jérôme Bourbon, et celui de Radio courtoisie, Henry de Lesquen, devraient, en revanche, être de la partie. « C’est le banquet de Rivarol qui va se tenir dehors, rue de Rivoli », raille Wallerand de Saint-Just, trésorier du Front national.

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« La consigne, c’est de choisir sa maison »

Les membres du parti de Marine Le Pen savent, eux, qu’ils n’ont pas intérêt à assister à l’événement du patriarche. « S’ils y vont, c’est au risque d’être fusillés », plaisante à moitié un dirigeant. De fait, la menace d’une exclusion du FN plane en cas de manquement à la règle. « La consigne, c’est de choisir sa maison. Ceux qui iront à cette manifestation auront fait le choix de la frange la plus extrême de l’extrême droite, juge Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). On ne peut pas être au FN et aller au défilé de Le Pen. » Un avertissement qui résonne de manière particulière aux oreilles des députés européens Bruno Gollnisch et Marie-Christine Arnautu, partagés entre leur fidélité personnelle pour Jean-Marie Le Pen et celle qu’ils conservent à leur parti. Les deux élus n’ont pas encore fait savoir s’ils viendraient ou non écouter le discours de M. Le Pen, avant d’assister à celui de sa fille. « De toute façon, quoi que je fasse, je mécontente », relativise M. Gollnisch, qui s’est vu reprocher une lettre de soutien publique à Rivarol pour les 65 ans de l’hebdomadaire. Le privilège de l’ancienneté au sein du parti ne saurait protéger quiconque. « Il n’est pas question que des adhérents aillent à une manifestation qui nous est hostile. Cela vaut pour tout le monde. Je dirais même que plus on est gradé au sein du parti, plus ça vaut », prévient M. de Saint-Just. « Maintenant qu’ils ont coupé la tête du roi, ils peuvent couper les autres sans problème », veut croire un proche de Jean-Marie Le Pen.

Cette posture de fermeté a en tout cas le don d’agacer l’ancien président du Front national. « S’il n’est pas possible de venir à mon événement en étant membre du FN, cela ouvre un chapitre nouveau de nos relations avec Marine Le Pen, menace M. Le Pen. Je vais sans doute prendre d’autres dispositions. » Dès lundi, un système d’adhésion à ses comités « Jeanne, au secours ! » sera ouvert. La nouvelle ne devrait pas perturber outre mesure les plans de sa fille. « Jean-Marie Le Pen représente un souvenir, et pas un avenir », assure un proche de la présidente du FN. Une sentence que le rendez-vous du 1er-Mai pourrait venir confirmer.

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