Vivendi en passe de fondre sur Gameloft

Vivendi en passe de fondre sur Gameloft

Le Monde
| 28.05.2016 à 10h05
Mis à jour le
28.05.2016 à 11h22
|

Par Sarah Belouezzane

C’est un peu David contre Goliath. Le combat d’une petite entreprise familiale du jeu vidéo, contre un géant du divertissement et des médias. Vendredi 27 mai se clôturait l’offre publique d’achat (OPA) hostile, lancée mi-février par Vivendi contre Gameloft, l’éditeur spécialisé dans les jeux mobile, fondé par les frères Guillemot qui en détiennent encore 29 %. Si les résultats précis n’étaient pas connus vendredi soir, il ne fait aujourd’hui plus guère de doute que l’opération a été remportée par le groupe de Vincent Bolloré.

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Ce dernier, qui détenait 29,7 % du capital de l’éditeur de jeux, pouvait en effet compter sur l’apport des parts du fonds Amber Capital (15 %), ainsi que sur celles du CIC (3 %). Deux ralliements qui le font grimper à 47 % du capital. « Le résultat fait peu de doute. Vivendi va bien trouver 5 % du capital hyperfragmenté de Gameloft, remarque Pavel Govciyan, analyste chez Natixis, cité par l’AFP. Quelqu’un qui a moins de 20 % n’a aucun intérêt à jouer un rôle dans cette guerre. »

Arguments stratégiques

Pour parvenir à ses fins, Vivendi n’a pas hésité à relever son offre à deux reprises l’amenant à 8 euros l’action, pour une valorisation de 700 millions d’euros. A titre d’exemple, l’action s’échangeait à un peu plus de 4 euros lors de l’annonce surprise de l’arrivée du géant des médias au capital de l’éditeur de jeux.

Le résultat définitif de l’OPA, attendu au plus tard pour le 2 juin prochain, marque la fin d’une bataille acharnée menée par les frères Guillemot pour repousser les assauts de Vivendi sur Gameloft. Pour l’empêcher de s’emparer de l’entreprise qu’il dirige, Michel Guillemot a multiplié les recours : d’abord auprès de l’Autorité des marchés financiers afin d’annuler l’OPA, et aujourd’hui auprès de la cour d’appel de Paris, laquelle devrait rendre sa décision avant la fin du mois de juin.

Michel Guillemot a par ailleurs fait valoir des arguments stratégiques : « Vivendi explique qu’il va nous aider à nous développer à l’international, c’est déjà 96 % de notre chiffre d’affaires ! Ils veulent nous donner du cash, nous en avons déjà. Tout ce dont la société a besoin, c’est de laisser le plus de liberté possible à ses développeurs », indiquait-il au Monde en mars.

Pilier fondamental

Pour justifier l’opération, ce dernier fait en effet valoir les synergies qu’il serait en mesure de créer entre les deux entreprises : une distribution à l’international grâce, par exemple, à Telecom Italia et Telefonica, dans lesquels le groupe a des parts et qui sont des acteurs majeurs de la téléphonie en Europe et dans le monde. Ou alors par l’intermédiaire de la plate-forme de vidéos Dailymotion ou encore de la chaîne Canal+, deux filiales de l’entreprise, dans des modalités qui restent à définir.

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Vivendi souhaite surtout être présent dans tous les domaines du divertissement. Or, le jeu vidéo en est un pilier fondamental. « Ils ont le cinéma, la musique, les contenus télévisuels, il ne manque que le jeu vidéo », commente un proche du dossier. A l’époque dirigé par Jean-René Fourtou, le groupe s’était séparé, en 2013, des parts qu’il détenait dans d’Activision, un champion mondial du secteur. Motif invoqué : une forte pression des créateurs de l’entreprise désireux de retrouver leur indépendance.

« De Gameloft, ils pourraient récupérer les compétences et le savoir-faire dans la publicité sur jeux mobile. Les plus grosses synergies, elles, se trouveraient avec Ubisoft grâce à ses propriétés intellectuelles à dimensions mondiales », commente Richard-Maxime Beaudoux, expert du secteur chez Bryan Garnier.

Pour beaucoup, la vraie proie du groupe de Bolloré a un autre nom : Ubisoft, la pépite de la famille Guillemot. Vivendi possède aujourd’hui 17,6 % de l’éditeur des Lapins crétins et de la très populaire franchise Assassin’s Creed. Il réclame d’ailleurs un ou deux sièges au sein du conseil d’administration de l’entreprise. Pour les analystes, une OPA hostile sur ce champion est de toute façon inenvisageable, tant la présence des fondateurs semble nécessaires à la bonne marche de l’entreprise. A l’inverse, une réconciliation entre le milliardaire et les frères Guillemot, tous bretons, paraît impensable.

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Pour sauver leur joyau, les Guillemot pourraient, selon les spéculations des analystes, apporter leurs parts à l’OPA sur Gameloft pour toucher la prime afin de se renforcer au capital d’Ubisoft. Un sauvetage ‘ Pas sûr. La prime, qui se monterait à 150 millions d’euros, selon les calculs de la banque Bryan Garnier, ne leur permettrait que de passer de 8 % actuellement, à 12 %. L’indépendance du groupe familiale semble aujourd’hui relever du mirage.

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