Un volcan se réveille lentement près de Rome

Un volcan se réveille lentement près de Rome

Les monts Albains vus depuis Rome. © Patafisik.

L’ACTUALITÉ est venue le rappeler cruellement avec le séisme survenu dans le centre de l’Italie le 24 août, qui, selon un dernier bilan établi lundi 29, a coûté la vie à 292 personnes, la grande botte n’est pas une zone de grand calme sur le plan de la géophysique. Sous elle, petit à petit mais avec une constance inexorable, la plaque tectonique africaine rencontre la plaque eurasienne et s’enfonce sous elle.

Ce lent mouvement souterrain provoque des séismes comme celui du 24 août ou celui très semblable tant dans la magnitude que dans le nombre de victimes de L’Aquila le 6 avril 2009, mais il est aussi à l’origine des nombreux volcans qui parsèment le territoire italien. On a évidemment en tête les célébrissimes Vésuve et Etna ainsi que les îles Eoliennes (avec notamment le Vulcano et le Stromboli), mais ces « vedettes » volcaniques ne doivent pas occulter d’autres acteurs comme les champs Phlégréens, près de Naples, et les monts Albains qui trônent aux portes orientales de Rome et sur les flancs desquels est installée la résidence d’été du pape à Castel Gandolfo.

Comme les monts Albains ne sont pas manifestés au cours de l’époque historique, on a pu les croire éteints, se dire que la dernière éruption en date, qui s’est déclarée il y a 41 000 ans pour s’achever 5 millénaires plus tard, était la dernière d’une série commencée il y a 600 000 ans. Mais pour un volcan, 36 000 ans d’arrêt peuvent signifier 36 000 ans de sommeil. Ainsi que l’explique une étude italo-américaine publiée en juillet dans les Geophysical Research Letters, il faut toujours se méfier d’un volcan qui dort, surtout quand il dort aux portes d’une grande agglomération. Mais, écrivent ses auteurs, évaluer les risques et élaborer d’éventuels plans d’urgence implique de connaître les processus volcaniques à l »uvre ainsi que l’histoire éruptive de la région, notamment pour estimer avec précision la récurrence moyenne des cataclysmes.

Comme une bulle dans un gâteau

Pour accumuler ces connaissances, ils ont travaillé sur deux tableaux. Ces chercheurs ont tout d’abord prélevé et analysé des échantillons de roches afin de préciser le rythme des éruptions sur la période d’activité la plus récente, c’est-à-dire au cours des 100 derniers millénaires. Et ils ont aussi décortiqué les données topographiques enregistrées par trois satellites (ERS-1 et 2 et Envisat) au cours de la période 1993-2010.

Les résultats de ces deux axes de recherches vont dans la même direction, celle d’un réveil en cours des monts Albains, du démarrage d’un nouveau cycle éruptif. La datation des roches montre en effet qu’au cours de la dernière phase d’activité, les éruptions se produisaient tous les 31 000 ans en moyenne. Etant donné que la zone volcanique sommeille depuis 36 000 ans, on peut considérer que le système est en retard mais aussi que le délai de grâce est sur le point de prendre fin. Par ailleurs, les données des satellites montrent que la région est en train de « gonfler ». Sur certains secteurs, qui correspondent aux derniers volcans entrés en éruption, l’altitude augmente de plus de 2 millimètres par an. Selon d’autres travaux, les monts Albains auraient grandi d’une cinquantaine de mètres en 200 000 ans. Comme si du magma était injecté sous le sol. « Il y a une claire convergence d’éléments de preuve indépendants qui suggèrent le début d’un nouveau cycle volcanique, qui pourrait conduire à des troubles éruptifs susceptibles de toucher la région de Rome », conclut l’article des Geophysical Research Letters.

Interrogé le Scientific American, le géologue Alberto Malinverno (université Columbia), qui n’a pas participé à l’étude, a trouvé une jolie image pour décrire la situation actuelle : « C’est comme lorsque vous cuisez un gâteau et qu’une bulle se développe dans ce gâteau. A un moment, vous pouvez voir que la croûte à la surface va se fendre. » Nous sommes à peu près à ce moment. Heureusement, un volcan cuit beaucoup moins vite qu’un gâteau. Selon le premier auteur de l’étude, Fabrizio Marra, de l’Institut italien de géophysique et de volcanologie, « il est important de dire qu’il n’existe pour l’instant aucun signe indiquant qu’une éruption pourrait survenir bientôt. Un tel événement est très peu probable pour au moins 1 000 à 2 000 ans. » La Ville éternelle a encore du temps.

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

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