Un an avant la présidentielle , emploi logement agriculture pour conclure cinq jours de rencontres

Un an avant la présidentielle , emploi logement agriculture pour conclure cinq jours de rencontres

Étape 5/5 : Olhain – Saint-Pol-sur-Ternoise

C’est une belle voiture, noire, luisante. Une Ford Mustang, commandée aux États-Unis, qu’ils associent à Steve McQueen, au mythe américain. «
Mon père est mort le jour de sa retraite, explique Pierre, je me suis dit qu’il fallait que j’en profite avant. Je suis fou de bagnoles depuis tout petit.
» D’où, peut-être, son métier de chauffeur de taxi à Bruay.

Bref, il y a trois ans, il s’est fait plaisir : Stéphanie, sa femme, était d’accord : «
Je l’ai même poussé.
» Tous deux viennent de rejoindre un autre couple de « mustangers » «
Je ne sais pas si le mot existe
» à la sortie du parc d’Olhain. Face aux deux bolides, nos vélos semblent un peu misérables. Ça les fait rire : «
Ah ben c’est sûr, c’est pas pareil.
»

Tous les quatre vont à Wingles, pour un rassemblement de voitures américaines. «
On sort la Mustang tous les week-ends, les gens la prennent en photo, ils viennent nous voir, c’est très sympa, raconte Stéphanie. Elle aussi est chauffeur de taxi
: «
On transporte surtout des malades. J’aime bien, on se sent utiles. À la campagne, il n’y a pas de problème avec Uber. Certains ont essayé mais ça n’a pas marché. Comme ils ne peuvent pas faire de pub’
» Non, ce qui la met en colère c’est la suppression des classes bilangues dès la 6e. «
Soi-disant parce que c’est trop élitiste ! Notre fille Calista est en bilangue allemand et c’est très mélangé dans sa classe. Cette mesure a été pondue par des gens qui ont leurs enfants dans des écoles super-chics ! Où est la logique
»

On roule, il fait de nouveau très beau et nos visages révèlent une couleur étrange, entre le rouge et l’orangé, avec deux ronds blancs à la place des lunettes. Sur la droite, une barrière marque le début de la braderie d’Houdain. Avec des trottoirs submergés et quatre têtes blondes assises au soleil.

Soit Léa, 16 ans, sa mère Paulette, sa tante Isabelle et sa mamie Francine. «
On est là pour rigoler sinon la vie est tellement bête !
» Léa confirme : «
On vient de Lumbres avec ma mère, c’est sympa d’être en famille.
» Les hommes vont arriver pour l’apéro, quand elles auront vendu leurs babioles.

Plus tard, Léa veut être gendarme : «
Je voudrais mettre en sécurité la vie des gens, les aider.
» Oui, le chômage l’inquiète déjà : «
Mon père a été licencié économique deux fois. Aujourd’hui, il fait de l’intérim pour la cristallerie d’Arques.
» En dehors du lycée, Léa joue de la flûte traversière dans l’harmonie municipale : «
La musique me prend tout mon temps ! Mon frère est à la trompette, on est au moins cent, c’est une deuxième famille.
»

« Aujourd’hui, si tu bosses pas 70 heures, ça ne marche pas »

Entre deux villages endormis, on cueille le jaune vibrant du colza, le souffle d’un troupeau de vaches. C’est celui de Pierre, 50 ans, agriculteur-éleveur à La Comté. Engagé depuis plus de quinze ans à la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (il est président pour le Pas-de-Calais), il se montre intarissable sur les quotas laitiers : «
Le syndicat, on met le petit doigt dedans et après on est avalés.
» On le suit dans l’étable où travaille son fils Benoît.

Diplômé de l’École supérieure d’agriculture d’Angers, ce salarié de 24 ans veut se passer de labour grâce à un disque qui plante directement les graines dans le sol : «
C’est plus naturel. » Et refuse toute responsabilité syndicale : « J’ai toujours vu l’engagement de mon père pénaliser l’exploitation. Aujourd’hui, si tu bosses pas 70 heures, ça ne marche pas.
», lâche Benoît. Pour la présidentielle, ce blond solide et souriant aimerait une harmonisation européenne fiscale, sociale et environnementale : « Si on était tous d’accord, on serait beaucoup plus compétitifs. »

Des rafales de cyclistes colorent la route jusqu’à Saint-Pol-sur-Ternoise où un petit parc accueille nos sandwichs. Il n’y a que deux autres occupants : Laurent, 33 ans et William, 38 ans, « Ternois depuis toujours.
»

Des amis de quinze ans aux expériences communes : prison (huit ans pour l’un, un peu moins pour l’autre), trafics de stups, violences et quotidien sous méthadone. Leurs souhaits dans un an Redevenir boucher pour William, aujourd’hui gravement handicapé et trouver un boulot pour Laurent : « Quand tu sors de prison, c’est impossible. Tout se sait à Saint-Pol. » Ils en racontent beaucoup, on promet de ne pas tout dire.

Sur la route, près de la gare, Stéphanie, 29 ans, profite de ce jour férié pour laver sa voiture. Elle accepte volontiers de raconter sa vie de maman d’un petit de deux ans gardé le vendredi par ses grands-parents, son trajet d’une heure pour aller travailler à Arras comme gestionnaire de sinistres dans une boîte d’assurances : « J’ai l’impression d’aider les autres. »

Pour la présidentielle, la jeune femme aimerait simplement que les logements abandonnés soient réattribués. « Dans mon métier, je vois beaucoup d’habitations insalubres avec des bailleurs qui ont du mal à payer les rénovations. »

C’était notre dernière rencontre. Le train pour Lille part dans une heure. Dans un an et un jour, le 7 mai 2017 (l’élection présidentielle se tiendra les 23 avril et 7 mai), tous ceux que nous avons rencontrés connaîtront le nom de leur prochain président.

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