Trente ans de réclusion requis contre  l’empoisonneuse de Chambéry 

Trente ans de réclusion requis contre  l'empoisonneuse de Chambéry 

L’avocat général s’est rangé derrière l’avis des experts psychiatriques ayant conclu à une « altération du discernement » chez Ludivine Chambet, qui devrait donc échapper à la prison à perpétuité. Verdict mardi.

Le Monde
| 22.05.2017 à 12h18
Mis à jour le
22.05.2017 à 13h13
|

Par Henri Seckel (Chambéry, envoyé spécial)

« Je vous demande évidemment de déclarer Ludivine Chambet coupable de l’intégralité des faits qui lui sont reprochés. Je vous demande de la condamner à la peine de trente ans de réclusion criminelle. » Lundi 22 mai, devant la cour d’assises de Chambéry (Savoie), Pierre Becquet n’a pas requis la peine maximale, à savoir la réclusion à perpétuité, qu’encourt Ludivine Chambet, l’aide-soignante accusée d’avoir empoisonné treize résidents dont dix sont morts de la maison de retraite où elle travaillait entre 2012 et 2013.

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L’acovat général a par ailleurs demandé au jury « d’ordonner à l’égard de l’accusée une mesure de suivi socio-judiciaire avec injonction de soins pendant dix ans », et « l’interdiction définitive d’exercer la profession d’aide-soignante ».

« Ludivine Chambet est une tueuse qui agit avec détermination, mais pour des motifs obscurs », a estimé Pierre Becquet dans son réquisitoire long de plus d’une heure et demie, au bout duquel il a consenti à « se ranger à l’avis des experts : Ludivine Chambet était consciente, mais son discernement était altéré. » Les différents collèges d’experts psychiatriques, au cours de l’enquête, avaient effectivement conclu que l’ancienne aide-soignante, aujourd’hui âgée de 34 ans, ne présentait pas de « pathologie mentale », mais pouvait être « considérée comme atteinte d’un trouble psychique » ayant pu « altérer son discernement et le contrôle de ses actes » au moment des faits.

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Une peine de trente ans d’enfermement constitue la peine maximale si le jury et la cour reconnaissent l’altération du discernement de l’accusée. « Vu la gravité des faits et le pronostic pessimiste qu’on peut tirer de tout ça, le maximum encouru devient également le minimum », a insisté Pierre Becquet, qui avait ouvert son réquisitoire par cette mise en garde à l’adresse de jurés : « C’est difficile de regarder l’horreur en face, mais le pire, ce serait de passer à côté sans la voir. C’est un gros risque dans ce dossier si particulier. »

« Manipulatrice »

Sur le ton sec qui aura été le sien lors de ses rares prises de paroles tout au long du procès, Pierre Becquet a fustigé « le discours incohérent de l’accusée, qui nous laisse sur notre faim ». Audience après audience, Ludivine Chambet a répété qu’elle n’avait pas l’intention de tuer les résidents de l’Ehpad, mais de les « soulager », et qu’elle ne « faisai[t] pas le lien » entre l’administration des médicaments et les malaises puis les décès qu’ils provoquaient.

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Confronté à un « mobile flou, qui ne rentre dans aucune catégorie », « on aimerait bien, a expliqué l’avocat général, que Ludivine Chambet nous réponde sur les raisons du passage à l’acte. Mais la grande absente du procès, c’est l’accusée elle-même ! Son discours, il n’y a rien à en tirer. Pas une explication, rien du tout. »

« Les débats ont été pollués par l’accusée elle-même », a encore estimé le magistrat, pour qui Ludivine Chambet est une « manipulatrice » qui a « entretenu la confusion » : « Attention à Ludivine Chambet, Ludivine Chambet est dangereuse, pas seulement quand elle agit, mais aussi quand elle parle. Attention à sa voix et à ses manières de petite fille. »

Les plaidoiries de Me Ségolène Franc et de Me Thomas Bidnic, les deux avocats de Ludivine Chambet, sont attendues dans l’après-midi. Les six jurés et les trois magistrats de la cour se retrouveront mardi pour délibérer, et rendre leur verdict dans la foulée.

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