‘Sur France Inter une génération laisse la place à une autre’ 

'Sur France Inter une génération laisse la place à une autre' 

Le Monde
| 11.06.2016 à 09h42
Mis à jour le
11.06.2016 à 10h17
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Propos recueillis par Alexis Delcambre

Vous aviez fait des changements importants à votre arrivée en 2014. Comment envisagez-vous la prochaine rentrée ‘

La chaîne fonctionne tellement bien que ce serait une folie de faire la révolution. Je pense au « 7-9 » de Patrick Cohen, qui est une très belle vitrine et auquel on ne peut guère apporter qu’une ou deux touches d’éclat. La mue opérée il y a deux ans avec l’aide d’Emmanuel Perreau, notre directeur des programmes, s’avère extrêmement positive, et la nouvelle génération qui l’incarne réussit. Je ne vous cache pas qu’ils ont été démarchés ces dernières semaines’ Mais Léa Salamé, Augustin Trapenard, Sonia Devillers, Nagui, Charline Vanhoenacker et sa bande ou Nicolas Demorand souhaitent rester sur Inter.

Qu’est-ce qui les fait rester, selon vous ‘

C’est une bande, des gens qui ont plaisir à travailler ensemble et qui s’estiment. C’est ce qui fonctionne sur Inter, et que notre succès conforte. Ils savent qu’une image, ça se construit dans le temps. Ils profitent aussi d’une grande liberté. Je ne les assomme pas avec des études « quali ». Je les ai choisis pour leur personnalité, je leur fais confiance et, par ailleurs, ils sont tous excités par la perspective de la présidentielle.

A l’inverse, les anciens d’Inter partent les uns après les autres, comme Pascale Clark, Paula Jacques, Philippe Meyer, Stéphane Paoli’ C’est votre volonté ‘

Ces départs ont des motivations variées, mais c’est vrai qu’une génération laisse progressivement la place à une nouvelle.

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Pascale, c’est la radio même : une écriture, une intensité, un culot’ Mais j’ai compris que les preuves d’estime que je pouvais lui donner ne seraient jamais suffisantes. Notamment les moyens, car j’ai un budget à tenir et une loyauté à l’égard de la maison. Alors, oui, c’est une rupture. Mais elle reviendra quand je ne serai plus là’

L’émission de Philippe Meyer, « La prochaine fois je vous le chanterai », est très appréciée des auditeurs. Pourquoi y mettre fin ‘

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La direction générale considère que chaque producteur doit incarner une seule chaîne. Or, Philippe est aussi présent sur Culture. Je sais que son départ sera un drame pour certains auditeurs, mais nous allons proposer une nouvelle émission présentée par Jean-François Zygel et consacrée à la musique classique et à la chanson.

Votre offre musicale va-t-elle évoluer ‘

La soirée du vendredi sera consacrée à la chanson francophone, au live et aux nouveaux talents, sous la conduite de Didier Varrod, qui quitte, dès lors, sa fonction de directeur de la musique. Nous allons proposer une nouvelle émission le soir avec Michka Assayas, qui viendra après « L’Humeur vagabonde », où Kathleen Evin, qui a souhaité basculer en hebdomadaire, laisse la place à Laure Adler (par ailleurs membre du conseil de surveillance du Monde). Nous avons besoin de nouveautés et de standards, c’est pourquoi je crois dans l’idée de Didier Varrod de proposer, chaque mois, un concert qui réunit un grand artiste confirmé et un nouveau talent.

Vos changements sont-ils motivés par un souci d’économies ‘

Non. J’ai tranché la question des économies radicalement, en décidant de faire de la multidiffusion à partir de minuit, que nous permet la richesse de nos programmes.

Avez-vous un objectif assumé de rajeunissement ‘

Si vous ne préparez pas le renouvellement des producteurs d’émissions, vous perdez vos auditeurs, qui ont besoin de changement. Il faut un mélange de générations. Nous constatons un début de rajeunissement de l’audience, avec un peu plus de 35-49 ans. L’autre levier de ce rajeunissement, c’est la viralisation des contenus, avec la forte progression de nos vidéos vues sur le Web.

Comment voulez-vous aborder la politique à un an de la présidentielle ‘

Ce sera l’axe majeur de la prochaine saison. Nos auditeurs adorent la politique, mais ils sont aussi dégoûtés, comme tant de Français, par les personnalités qui la composent. L’un de nos enjeux est de faire entrer les citoyens dans le « match ». Ils doivent pouvoir poser des questions, avoir un droit de suite. J’ai donc choisi de confier à Nicolas Demorand notre nouvelle émission politique du dimanche midi, qui prendra une forte dimension interactive.

Il y a un an, en lançant « Agora » avec Stéphane Paoli, vous en appeliez déjà à l’interactivité, qui n’a pas vraiment pris corps’

C’est en partie une question de générations. Avec un grand succès, Stéphane Paoli a su créer un dialogue intelligent entre les politiques et les intellectuels. Mais, en période électorale, il faut aborder plus frontalement les programmes. Notre nouvelle émission gardera l’ambition d’être sur le temps long de la politique, sur les programmes plus que sur les petites phrases. Je pense à « L’Heure de vérité », qui était un modèle du genre. Nous voulons prendre la politique au sérieux, interroger les hommes et les femmes qui la composent sur le chômage, l’Europe, la régulation du Web’

Ne faut-il pas faire entendre d’autres voix que celles des responsables politiques ‘

On ne peut pas se priver d’interroger le personnel politique. Mais il y a aussi les chefs d’entreprises, les scientifiques, la société civile, des penseurs comme Marcel Gauchet, Dominique Méda’ D’ores et déjà, avec Patrick Cohen et Léa Salamé, le « 7-9 » a élargi le spectre de ses invités. Nous aurons la même attention le vendredi soir, dans une émission présentée par Claire Servajean, qui reviendra sur l’actualité de la semaine. Le matin, à 10 heures, nous allons également proposer une nouvelle émission centrée sur les modes de vie, que présentera Ali Rebeihi son prédécesseur sur cette case, Bruno Duvic, prend le journal de 13 heures. Enfin, nous proposerons davantage de reportages le week-end et, peut-être, de la fiction. Tout cela doit nous permettre de diversifier les points de vue.

Cette approche plutôt sérieuse est-elle compatible avec le rire ‘

L’humour est notre second axe majeur. Nous avons une bande sensationnelle : Charline Vanhoenacker, Alex Vizorek, Nicole Ferroni, Vincent Dedienne, Pierre-Emannuel Barré, Nora Hamzawi, Frédéric Fromet, Thomas VDB’ Ils ont réinventé quelque chose, qui va du « flingage » au rêve. On nous a reproché de prendre trop d’humoristes, mais le rire est le sel de la vie !

L’indépendance des médias est scrutée. Comment abordez-vous cet enjeu ‘

Nous avons une rédaction de 109 journalistes, des tempéraments comme Patrick Cohen ou Léa Salamé, le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui nous surveille’ Je n’ai aucune demande du président de Radio France, jamais. Et je fais absolument confiance à la rédaction de France Inter.

Un an après la grande grève de 2015, comment va Radio France ‘

La maison s’est apaisée, il y a eu des efforts des deux côtés. Des préoccupations ont été prises en compte. Elles se traduisent notamment dans le renoncement à faire un plan de départs. Cela dit, nous sommes en période de restriction de postes, car cette maison doit retrouver son équilibre financier.

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L’audience des radios généralistes baisse. Est-ce le début de leur déclin ‘

Je ne le crois pas. Leur audience dépend des périodes et de la richesse de l’actualité. Et il n’est pas facile d’agréger des publics nouveaux.

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