S’engager dans une association fera bientôt gagner des points à tous les étudiants

S'engager dans une association fera bientôt gagner des points à tous les étudiants

Le Monde
| 08.06.2016 à 10h59
Mis à jour le
09.06.2016 à 12h55
|

Par Nathalie Brafman

Bientôt, tous les étudiants qui donnent de leur temps à une association verront cet engagement récompensé. L’article 14 du projet de loi « égalité et citoyenneté », qui devrait être discuté à l’Assemblée nationale fin juin, prévoit une ­validation obligatoire de l’engagement des étudiants au sein des formations de l’enseignement supérieur. Les compétences, connaissances et aptitudes acquises par un engagement dans une activité bénévole, dans une mission de service civique ou dans la réserve opérationnelle de la défense donneront automatiquement lieu à l’attribution de quelques crédits d’enseignement 60 crédits équivalent à une année universitaire.

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Jusqu’à maintenant, cette reconnaissance était laissée au bon vouloir des universités. Seule une circulaire de novembre 2011 sur le développement de la vie associative et des initiatives étudiantes se bornait à définir un cadre national à l’expansion de l’engagement étudiant et laissait à chaque établissement la liberté de reconnaître les compétences acquises selon leurs propres modalités. Il y avait donc les universités qui estimaient que l’engagement étudiant « est le socle de tout apprentissage universitaire », comme Paris-III-Sorbonne-Nouvelle. Ou celles, comme Paris-II-Panthéon-Assas, pour qui cet engagement n’a pas réellement de caractère pédagogique.

Une reconnaissance encadrée

De nombreuses universités n’ont pas attendu le projet de loi  « égalité et citoyenneté » pour reconnaître l’engagement de leurs étudiants et ont mis en place des unités d’enseignement (UE) spécifiques. Pour valider ces UE, les étudiants doivent mener un projet dans une association et rendre un petit dossier écrit, puis le soutenir.

Selon le bilan 2013-2014 de l’uti­lisation du Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE), la reconnaissance de l’engagement étudiant continue sa progression régulière : 53 établissements étaient engagés dans cette voie, 12 ne le proposaient pas et 16 étaient en cours d’étude. Il y a quatre ans, seulement 13 établissements avaient mis en place un dispositif de reconnaissance.

«’Responsabilisés dans le cadre de ces activités, les étudiants prennent confiance’» Maud Perez-Simon maître de conférences en littérature à Paris-III

Le mode de reconnaissance le plus retenu est la validation sous forme d’attribution de crédits d’étude (ECTS) et/ou d’unité d’enseignement. Le nombre d’ECTS attribués s’échelonne entre 2 et 8, la formule la plus répandue étant 3 crédits dans une vingtaine d’établissements. Quelques universités accordent 5 ou 6 crédits. Une seule va jusqu’à 8.

D’autres ont opté pour une majoration de la moyenne des notes sur le semestre, faute d’avoir intégré dans leur maquette d’enseignement le dispositif d’engagement citoyen. En général, cette majoration est comprise entre 0,2 et 0,5 point. Au total, selon le bilan du FSDIE, 4 050 étudiants ont bénéficié en 2013-2014 d’une reconnaissance. Une quinzaine d’universités concentrent 90 % d’entre eux. Paris-Sud est l’université qui comptait le plus d’étudiants engagés : 1 580.

Avant de valoriser ces compétences acquises au sein d’une association étudiante dans l’établissement ou dans une association ­extérieure, il a fallu poser quelques règles. Certaines universités, comme Cergy-Pontoise, ont décidé que l’engagement devait durer au moins un an pour une association en dehors de l’établissement et que celle-ci devait avoir un but solidaire ou humanitaire.

Et si les universités exercent assez peu leur droit de veto, elles ont tout de même un droit de regard. « En début de semestre ou d’année, nous vérifions que l’engagement de nos étudiants est conforme à une charte de l’engagement que nous leur remettons, indique ­Pierre-Olivier Toulza, vice-président vie étudiante à Paris-VII-Diderot. L’engagement ne doit être ni politique ni confessionnel. »

Des engagements tous azimuts

Dans cette université, il y a dix ans, une centaine d’étudiants étaient engagés dans des associations. Ils sont aujourd’hui trois fois plus et suivent une unité d’enseignement libre pendant leur licence. Ils bénéficient de trois ECTS sur tout le ­cycle. « Plus, cela aurait été difficile à faire accepter par la communauté des enseignants », reconnaît ­Pierre-Olivier Toulza. A Paris-III-Sorbonne-Nouvelle, ce sont deux ECTS. L’université compte entre 25 et 35 étudiants investis par semestre, issus des départements de langues et de lettres, de la première à la troisième année de licence.

« Ça m’a ouvert l’esprit. J’ai également acquis des notions juridiques’» Guillaume Biot étudiant en master

Les universités n’ont pas mesuré l’impact de cette expérience sur la réussite de leurs étudiants, mais toutes reconnaissent que l’engagement associatif est un élément incontournable de la vie universitaire pour la maturité de l’étudiant, à même de faciliter son insertion professionnelle. « L’engagement permet aux étudiants d’acquérir de nouvelles compétences : organisation, prise de parole’ toujours utiles dans leur parcours universitaire, explique Maud Perez-Simon, maître de conférences en littérature médiévale à Paris-III-Sorbonne-Nouvelle. Surtout, responsabilisés dans le cadre de leurs activités associatives, ils prennent confiance et reviennent motivés vers leurs cours à l’université. » Les étudiants, eux, sont nombreux à estimer que, même bénévole, cette expérience préprofessionnelle leur donne le sens des responsabilités et de l’organisation.

S’ils s’orientent souvent vers le soutien scolaire, les étudiants s’engagent tous azimuts : accompagnement de personnes âgées, voire handicapées, organisation d’un festival culturel, lutte contre l’illettrisme’ Etudiant en master de biologie cellulaire et moléculaire du micro-environnement, Guillaume Biot a décidé de rejoindre l’association Solidarité Jean Merlin, qui offre une domiciliation aux personnes sans abri. Très loin de sa formation ! « Ça m’a ouvert l’esprit. J’ai également acquis des notions juridiques en lien avec les activités de l’association », dit-il. Quant aux ECTS, il trouve logique que, au « vu de l’investissement demandé en temps et en travail, cet engagement rapporte quelque chose, qu’il soit évalué en fonction du travail fourni ».

Un statut national de responsable associatif étudiant

Entre 2014 et 2016, deux universités, Paris-III-Sorbonne Nouvelle et Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand, ont signé avec Animafac, un réseau d’associations étudiantes, une convention visant à l’expérimentation d’un statut national de responsable associatif. L’objectif : aller au-delà de la seule attribution de crédits (ECTS) qui servent à valider une année universitaire. Et bénéficier d’un certain nombre d’aménagements à la scolarité, comme les sportifs de haut niveau en quelque sorte : dispense d’assiduité, choix du contrôle terminal intégré ou continu’ A l’université de Clermont-Ferrand, le statut d’étudiant responsable associatif a été attribué à dix étudiants sur douze demandes. Il va être reconduit à la rentrée 2016. Ce statut est désormais un dispositif pérenne à Paris-III.

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