Rentrée scolaire sous tension ,  La bunkérisation n’est pas une solution 

Rentrée scolaire sous tension ,  La bunkérisation n'est pas une solution 

Le Monde
| 25.08.2016 à 20h05
Mis à jour le
25.08.2016 à 20h39
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Propos recueillis par Mattea Battaglia

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Comment analysez-vous la communication politique de ce mercredi, consacrée par le gouvernement à la sécurisation des écoles, collèges et lycées ‘ Quelle est, pour votre syndicat, la portée des mesures détaillées ‘

Que le gouvernement communique à la veille de la rentrée sur ces questions, c’est somme toute assez normal. On serait étonné qu’il ne valorise pas son action, ou ne tente pas de rassurer l’opinion publique. Sur les mesures elles-mêmes, il y a en réalité peu de nouveautés et c’est loin d’être un reproche. Se préparer, simplement, à avoir les bonnes réactions face au risque d’attentat, à l’aide de textes et d’exemples concis livrés à la communauté éducative est une bonne chose. Si, quelques mois après les attentats de novembre 2013, on mettait en avant d’autres priorités, d’autres axes que ceux identifiés au lendemain des attaques, ce serait inquiétant.

Cette menace, comment la percevez-vous à la veille de la rentrée ‘

Elle est celle qui plane sur tout le monde et sur tout lieu. C’est vrai que la revue de l’Etat islamique avait cité, dans le sillage du 13-Novembre, l’école comme un lieu diabolique, et visé les enseignants. L’école est présente, au même titre que les musées, les théâtres ou les restaurants, dans la liste de cibles potentielles.

Le risque existe bel et bien, mais il ne faut pas non plus tomber dans l’outrance et revendiquer le « risque zéro ». Préparons-nous, le plus sereinement possible, à cette hypothèse, sans se mettre à croire que l’attaque d’un établissement est certaine et que tout doit être organisé autour de cette seule idée.

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Le gouvernement rend un exercice « attentat-intrusion » obligatoire dans l’année dans les 77 000 écoles, collèges et lycées, si possible avant la Toussaint. Est-ce une bonne chose ‘

L’exercice, si on en a une lecture outrancière, peut poser problème. S’enfuir si on le peut le plus loin et le plus vite possible, ou se cacher pour se barricader : ce sont là les deux seules possibilités. Mais inutile de simuler ou mimer pour que les élèves le comprennent. Cela peut occasionner deux risques aussi dommageables l’un que l’autre : que ça tourne à la franche rigolade, ou, à l’inverse, que ça vire à la psychose ! L’exercice intellectuel, l’explication sobre peuvent suffire, avec des mots adaptés à la maturité des élèves.

Beaucoup de choses reposent sur les épaules des directeurs d’école et des chefs d’établissement’ Est-ce que les politiques ne se défaussent pas un peu sur eux ‘

N’oublions pas que ça repose, aussi, sur les professeurs ! Il y a beaucoup de choses que les chefs d’établissement ne peuvent pas faire, en particulier parce qu’ils ne disposent pas de capacités d’autofinancement. Je pense notamment aux fameuses sonneries différenciées que réclame le gouvernement. Jusqu’à présent, l’établissement en a deux : la sonnerie de fin de cours et celle d’évacuation incendie. L’an dernier, on a fait l’exercice de confinement avec des cornes de brume achetées par les établissements ! Faut-il vraiment une sonnerie de plus ‘ Personne, selon moi, ne mémorisera dans l’année trois sonneries censées induire des comportements différents’

On parle aussi de sécuriser les « espaces vulnérables » des établissements’

Le gouvernement promet 50 millions d’euros, essentiellement, j’imagine, à destination d’écoles primaires point noir en matière de sécurité situées dans des communes aux moyens très limités. Cela représente, je pense, un cinquième du fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires ; peu ou prou 700 à 800 euros par site. C’est un effort intéressant, mais on est encore vraiment loin du compte, d’autant que les collectivités territoriales, propriétaires des bâtiments, se sont vues retirer des milliards d’euros.

Concernant le bâti, la situation est extrêmement contrastée. Les établissements construits entre les années 1950 et les années 1980 l’ont été sur le principe du libre accès, de la large ouverture. Dans les années 1970, il était même question de bâtir des établissements sans clôture. Attention : cela ne veut pas dire qu’on est partout en danger. Beaucoup de collèges-lycées très anciens ont peu d’accès ; beaucoup d’autres, très récents, ont intégré cette préoccupation sécuritaire.

Faut-il des vigiles, des personnels de sécurité dans les collèges-lycées ‘

Les personnels de sécurité n’existent pas dans les collèges-lycées. On a des responsables de sécurité le chef d’établissement et le gestionnaire , mais aucun personnel en plus. Ce constat, nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises au moment de la multiplication des « plans violence » entre 1995 et 2010. Sous le ministère de Vincent Peillon, on a affecté, mais dans quelques endroits seulement, des personnels spécialisés dans la prise en charge de la violence. Antérieurement, il y a eu les équipes mobiles de sécurité.

Dans le climat actuel, un des lieux sensibles est le point d’accueil, la « loge ». Or les personnels qui s’y trouvent aujourd’hui sont ceux de la collectivité territoriale ; souvent des agents d’entretien, certains avec des problèmes médicaux ou physiques impliquant qu’ils soient mis sur un poste statique. Et ce sont eux qui se trouveraient en première ligne en cas d’attentat ‘ C’est bien beau de dire que la sécurité est l’affaire de tous, mais l’affectation de personnels spécialisés peut permettre de résister à la tentation de la « bunkérisation ». Le repli physique, l’enfermement n’est pas une solution.

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