Radiohead crée le désir par l’absence sur Internet

Radiohead crée le désir par l'absence sur Internet

Disparition effective à 65 % (REUTERS/David McNew)

Qu’un groupe qui a chanté « How to Disappear Completely » fasse exactement ça, disparaître, progressivement, d’Internet, paraît approprié.

Les traces numériques de Radiohead ont commencé à s’effacer des réseaux sociaux (même Google+) en milieu de journée, le 1er mai. Leur site s’est vidé petit à petit de tout contenu, redirigeant vers des pages vierges aux URL bizarres. Seul leur compte MySpace survit, sûrement parce que plus personne, y compris Radiohead, ne va sur MySpace.

Personne n’est dupe. On se doute qu’il s’agit d’une stratégie marketing pour préparer la sortie de leur prochain album. On imaginait qu’il était dans les tuyaux parce qu’une série de concerts cet été, notamment au Zénith à Paris les 23 et 24 mai et aux Nuits de Fourvières, à Lyon le 1er juin, était accompagnée de la promesse « d’un nouvel album du groupe britannique Radiohead ». Et parce que le groupe avait démenti qu’il existait.

Radiohead a toujours aimé jouer avec les nerfs de leurs fans dévoués, et adoré montrer à quel point les médias, les labels et les combines habituelles de l’industrie musicale étaient obsolètes. Après avoir demandé à chacun de payer ce qu’il voulait pour un album ou avoir diffusé de la musique gratuitement sur BitTorrent, ils se sont encore servis du Web pour faire passer un message codé, et nous obliger à nous confronter à l’usage que l’on en fait.

On va dire qu’ils sont allés plus loin que d’autres artistes à la stature mondiale qui se sont servis du Web comme d’un tremplin commercial pour créer le désir : Beyoncé et l’album à la sortie surprise accompagné d’un film ou Drake qui a meublé l’attente avant la sortie du sien par tous les moyens possibles. Radiohead crée le désir par l’absence et l’opacité dans un terrain où tout n’est que présence, transparence et partage. Des annonces de concerts, puis le silence, puis le retrait. Pour laisser le monde extérieur deviner et donc fantasmer.

Quitter discrètement les réseaux sociaux pour qu’on parle de vous sur les réseaux sociaux, c’est assez bien vu. On peut écouter le refrain « I’m Not Here, I’m Not Here » de How to Disappear Completely en boucle, en lisant les pages blanches et imaginer que c’est ce que voulait Thom Yorke.

Maintenant on parle beaucoup de Radiohead, sans que l’on sache ce que Radiohead prépare, car Radiohead n’a pas dit le moindre mot. Ils ont tiré une des dernières cartouches situationnistes, trente ans après Malcolm McLaren et le punk. Tout juste ont-ils envoyé une carte postale avec des paroles cryptiques.

Ou alors, comme le fantasme The AV Club, peut-être que tout ça ce n’est qu’une scène de Retour vers le futur dans la vraie vie :

« Il se peut que les membres de Radiohead aient récemment voyagé dans le temps et accidentellement empêché leurs parents de se rencontrer. Le groupe est donc en train de lentement disparaître de la réalité. On ne sait pas vraiment ce qu’il se passe, mais soit Radiohead prépare un truc, soit ils disparaissent à cause d’un paradoxe spatio-temporel. »

Luc Vinogradoff

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