Quatre morts sur l’A1 en octobre dernier , l’absence du routier reste sans explication

Quatre morts sur l'A1 en octobre dernier ,  l'absence  du routier reste sans explication

Les mains nouées derrière le dos, il parle de longues minutes devant le tribunal, tentant d’apparaître comme un parangon d’honnêteté. «
Je suis désolé, je ne vous dirais pas des choses qui ne sont pas vraies. Je n’ai pas l’habitude de mentir’
»

Il parle, mais il ne dit pas grand-chose, S. A., le routier trapu jugé ce jeudi pour homicide involontaire après cette funeste soirée d’automne. Il est précisément 23 h 03 lorsque son camion 33 tonnes lancé à près de 90 km/h emboutit une voiture, puis une autre, à l’arrêt sur l’A1. Un homme de 45 ans dans la première auto, un autre de 49 ans, sa fille de 6 ans, et sa compagne de 48 ans, dans l’autre véhicule, poussés sous la remorque d’un camion devant eux, sont tués sur le coup.

Devant lui, derrière lui, tout le monde a vu «
la foultitude de véhicules à l’arrêt et les feux de détresse depuis au moins 500 m
», rappelle la présidente Élise Hibon. Mais pas S. A.. Le routier expérimenté de 33 ans n’avait pas bu, pas fumé, ni dépassé ses heures légales de conduite. Il ne téléphonait pas. Il écarte catégoriquement la somnolence. Bref, il ne présente pas l’once d’une explication à son absence de réflexe. Si ce n’est «
le trou noir, une absence’
» Il répète ce mot de nombreuses fois.

« Il va devoir changer de métier »

L’argument ne satisfait personne dans la salle. «
500 m à 90 km/h, ça fait 20 à 25 secondes d’absence, c’est très long !, tente le procureur Chodkiewicz. Comment l’expliquez-vous
» Le routier n’en dira pas plus. A-t-il consulté un neurologue , questionne une avocate. Non. En fait, même s’il présente ses excuses, S. A. ne semble pas bien se rendre compte du terrible drame dont il est à l’origine, malgré les mines défaites des parents des victimes assis dans son dos. Quelques semaines seulement après, il a repris le volant d’un camion pour une autre société’ «
Il a une bonne capacité de résilience, grince le procureur. J’ai été stupéfait de l’entendre dire qu’il ne savait faire que ce métier et que reprendre une formation, ça coûte cher. L’intérêt de l’audience est de lui faire comprendre qu’il va devoir changer de métier. »

LE JUGEMENT

Il sera rendu le jeudi 16 juin. Hier après-midi, le procureur a réclamé trois ans de prison, dont la moitié avec sursis à l’encontre du prévenu, ainsi que trois ans de suspension de permis de conduire.

Les mots pleins de douleur des familles

Veste grise, cheveux poivre et sel, le père d’une des victimes a tenu à lire une lettre à la barre pour raconter son fils’ «
Mon fils rentrait du travail. Il venait d’avoir une promotion. Il avait des projets. S’occuper de son fils, de son éducation. Il ne souhaitait pas trop s’éloigner de lui et avait pour projet de construire une maison. De transmettre à ses neveux et nièces son amour pour la musique. Tout cela s’est arrêté le 22 octobre sur l’A1. Mon épouse et moi pleurons tous les jours de la douleur que Monsieur A. nous a infligée. Faites en sorte qu’il ne puisse plus refaire ça à d’autres.
» La mère d’une autre victime écrase des sanglots. «
Ce monsieur aurait pu faire attention, quand même’
» Elle pleure. Puis fait un malaise quelques instants plus tard. Une avocate lit quelques mots rédigés par d’autres parents. «
Nous ne nous ne nous remettrons jamais de ce drame. F. était un pilier de la famille.
»

Difficile de ne pas être ému par ces poignants témoignages.

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