Primaire des Républicains , pourquoi il faut (toujours) se méfier des sondages

Primaire des Républicains , pourquoi il faut (toujours) se méfier des sondages

Le Monde
| 21.03.2016 à 17h16
Mis à jour le
29.08.2016 à 15h11
|

Par Samuel Laurent

Alain Juppé au coude-à-coude avec Nicolas Sarkozy, suivis de Bruno Le Maire ou François Fillon : tel est, selon les sondages, le quarté de tête de la future primaire du centre et de la droite de novembre en vue de la présidentielle de 2017. C’est le cas de la dernière étude, publiée le 29 août, le baromètre TNS Sofres-OnePoint pour RTL, LCI et Le Figaro. Dans quelle mesure peut-on se fier à ces sondages ‘

La question se pose pour tous les sondages, notamment électoraux. On sait que nombre de biais (échantillon, collecte, formulation des questions, etc.) altèrent les résultats d’une enquête d’opinion, que celle-ci n’est qu’« une photographie des opinions à un instant T », selon l’expression consacrée’ Mais les enquêtes d’opinion autour de cette primaire présentent d’autres biais encore.

1. Le biais des questions : intention de vote ou choix dans l’absolu ‘

Premier biais important, celui de la question. Le 14 février, une enquête BVA pour Orange et i-Télé confortait l’avance d’Alain Juppé comme favori à droite. Mais à y regarder de plus près, ce n’était pas là la question posée par le sondage.

Ce dernier ne demandait en effet pas aux sondés s’ils avaient l’intention de voter pour M. Juppé à la primaire, mais bien : « Quelle personnalité préférez-vous voir représenter les Républicains à l’élection présidentielle de 2017 ‘ » Ce qui n’est pas tout à fait la même chose que de demander : « Pour qui avez-vous l’intention de voter à la primaire républicaine ‘ »

2. Le biais de l’échantillonnage : sympathisants ou électeurs potentiels ‘

Pour une primaire, il n’y a pas de listes électorales. On peut voter à condition de signer une charte. Dès lors, difficile de prévoir combien de Français feront le déplacement, car cela tient aussi à la campagne, à la difficulté ou non à venir voter, etc.

Dans l’enquête du 13 février par BVA, l’échantillon ne porte pas sur des sympathisants de droite susceptibles d’aller voter, mais sur un panel de toutes sensibilités politiques. Et si les Français « de gauche » peuvent exprimer leur préférence pour le candidat « d’en face », ils ne viendront normalement pas participer à sa sélection lors de la primaire, théoriquement réservée aux sympathisants de droite.

C’est un biais important : un candidat potentiel sera souvent d’autant plus populaire dans un sondage portant sur un corps électoral « complet » qu’il est consensuel et donc aimé à la fois à gauche et à droite. Un candidat « clivant », détesté par le camp d’en face, sera forcément moins populaire dans l’ensemble de l’opinion.

De fait, ce type de sondages donne une légitimité plus forte au plus populaire. Mais même si l’on se limite aux seuls sympathisants de droite, combien iront réellement voter ‘

Ainsi que le précise l’institut Odoxa, dans son enquête sur la primaire publiée le 19 mars : « Le taux de participation final à une primaire ne recouvre que difficilement l’équivalent de la moitié des personnes se déclarant certaines de participer’. Beaucoup de certains’ ne participeront finalement pas. » L’institut explique donc sélectionner, parmi un échantillon initial de 4 000 personnes, toutes celles qui disent « envisager de participer ». Soit 965 personnes, dont 426 « absolument certaines ».

Autre institut, autre méthode : l’IFOP a réalisé en janvier pour Le Figaro un sondage sur la primaire. Il s’est basé sur un échantillon de 5 989 personnes, pour déterminer combien seraient prêtes à participer à la primaire. L’institut parvient ainsi à un score de « 9 % », soit 539 personnes « certaines d’aller participer ». C’est sur ce sous échantillon, d’une taille 10 fois inférieure à l’échantillon de départ, que sont basées les intentions de vote.

L’enquête électorale réalisée par le Cevipof et Ipsos Storia Steria, en partenariat avec Le Monde, fonctionne un peu différemment. L’échantillon de départ est très élevé (21 326 personnes), ce qui permet de parvenir à un échantillonnage de « certains d’aller voter » à la primaire à droite important, 1 333 personnes.

3. Le biais des marges d’erreur : de 1,5 à 4,5 %

Autre élément essentiel à prendre en compte : les marges d’erreur. Toute mesure comprend une marge d’erreur. Pour un sondage, elle dépend, entre autres, de la taille de l’échantillon sondé. Odoxa, par exemple, publie ces précisions :

Dans le cas de son échantillon de sympathisants de droite, la marge d’erreur varie de 1,4 % à 3,1 %. Ce qui n’est pas rien. Mais qui serait largement pire si l’institut s’était contenté, comme le font parfois d’autres, d’un échantillon de 400 personnes « certaines d’aller voter » à la primaire. On serait alors entre 2,5 % et 5 % de marge d’erreur ! Si on reprend l’exemple de l’enquête IFOP Figaro de janvier, et son échantillon final de 539 personnes, on se situe ainsi entre 1,9 % et 4,5 % de marge d’erreur.

Pour le moment, les écarts donnés par les sondages sont tels qu’ils ne laissent pas de place à l’ambiguïté. Mais dès lors qu’ils se rapprochent, la marge d’erreur peut jouer.

4. Le biais du temps : au-delà des sondages, l’élection est encore loin

Dernier point à prendre en compte : la campagne est loin d’être finie. Il est toujours hardi de prétendre savoir des mois à l’avance qui en sortira vainqueur, quand de nombreux événements peuvent encore survenir.

D’autant que dans le cas d’une primaire, le dispositif lui-même peut modifier les rapports : on le voit dans les enquêtes, les personnes se disant « de droite » n’apportent pas les mêmes réponses que les « sympathisants Les Républicains », ces derniers plaçant Nicolas Sarkozy en meilleure posture. En clair, ce dernier aurait tout intérêt à une primaire qui mobiliserait peu et se limiterait aux seuls sympathisants LR.

A l’inverse, Alain Juppé bénéficie d’une popularité qui va au-delà de son camp, et qui lui octroie un avantage automatique dans les enquêtes d’opinion. Il serait donc avantagé par une primaire élargie au maximum aux centristes et aux sympathisants de droite au sens large. Et on ne peut encore à ce stade anticiper de manière certaine ce que sera la future primaire.

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