Periscope , le direct partout par tous

La scène se déroule un soir de février. L’ancien Lensois Serge Aurier, aujourd’hui défenseur au Paris-Saint-Germain, partage une chicha avec un ami et répond en direct aux questions de ses fans. Ses équipiers, son entraîneur Laurent Blanc, tout le monde en prend pour son grade.

Mais le joueur, persuadé que ses confidences s’évanouiront dans les volutes de fumée, n’imagine pas la polémique qu’il est en train de déclencher. Ni le coup de pub qu’il offre à Periscope, l’application grâce à laquelle ses confidences sont retransmises en live.

« Periscope donne une voix à tout le monde »

C’est là tout l’intérêt de l’appli : tout un chacun peut diffuser en direct une vidéo filmée depuis n’importe où avec son smartphone. «
Periscope donne une voix à tout le monde, que vous soyez dans la Silicon Valley, au Pakistan, en Arabie Saoudite ou dans les bidonvilles de Rio. Si vous avez un téléphone, vous devez avoir une voix
», déclare même son cofondateur et PDG, Kayvon Beykpour, à L’Obs.

Concrètement, comment ça marche Sur Twitter, une rapide recherche du mot-clé Periscope (#Periscope) permet d’accéder à certains lives, sans inscription préalable. L’application, gratuite, s’installe très rapidement. Une fois ouverte, elle affiche un planisphère où les points rouges représentent tous les directs en cours dans le monde entier. Lundi après-midi, on pouvait par exemple assister à la séance de sport d’une habitante de Los Angeles ou suivre l’avancement d’un chantier sous le soleil de Marseille, maçons torse nu en prime. L’utilisateur peut partager sa propre retransmission vidéo ou s’abonner à des comptes de membres influents.

Le réseau permet également de poster des commentaires. François Hollande en a d’ailleurs fait les frais : alors que la communication de l’Élysée se servait de Periscope pour retransmettre un déplacement du président, une pluie de remarques injurieuses s’est abattue sur lui. Idem pour Nicolas Sarkozy, taclé par les internautes à propos des différentes affaires dans lesquelles il est impliqué.

Dix millions de comptes créés

Il n’y a pas que les personnalités publiques qui font les frais de Periscope. À Villeneuve-d’Ascq, deux employés de SFR ont été licenciés après avoir détruit en direct le téléphone d’un client «
désagréable
». En parallèle, le réseau a aussi dévoilé les coulisses de l’Opéra de Paris ou permis de suivre les assemblées générales de la Nuit debout à Paris.

Les possibilités restent nombreuses car Periscope est encore jeune. Créée en mars 2015, elle a été rachetée par Twitter dès le premier mois de son lancement. À l’occasion de l’anniversaire de l’appli, le 26 mars, le géant affirmait diffuser quotidiennement l’équivalent de 110 années de vidéos en live. Aucun chiffre actualisé sur le nombre d’utilisateurs n’a été dévoilé, mais en août 2015, ils étaient dix millions à avoir ouvert un compte. Rien n’indique pour autant qu’ils soient réellement actifs sur le réseau. Appli à suivre, donc.

Vous n’êtes pas sur Periscope Ce que vous loupez (ou pas)

Plutôt secret, Periscope ne communique pas sur l’âge de ses utilisateurs. Pourtant, un rapide coup d »il sur l’interface révèle qu’un public bien particulier a fait de l’application son terrain de jeu :les adolescents. En se connectant, on voit beaucoup d’extraits de soirées, d’après-midi entre copains et autres selfies vidéos reliés à’ aucun événement en particulier. Certaines diffusions sont parfois même sobrement intitulées «
Je m’ennuie

».

Très fréquents également, les « défis » conditionnés au nombre de spectateurs que parvient à attirer un utilisateur : «
À 150 personnes Jojo court nu dans Bayonne
», «
À 50 je me drogue en direct
» et autres «
Donnez des gages, on fait tout
». Le problème, c’est que ce genre de challenge ne s’arrête pas aux portes des classes. Le phénomène, récent, est pour l’instant difficile à mesurer. Un cas aurait été rapporté dans un lycée de la région et depuis, l’établissement surveillerait les directs lancés sur l’application depuis son secteur, pendant les cours.

Le ton de certaines diffusions peut aussi beaucoup rebuter. «
J’ai vu ce week-end des filles de 12 ans dessus qui twerkaient à la Rihanna et à la Miley Cyrus et qui pleuraient parce qu’elles se faisaient insulter, témoigne Caroline, 20 ans, depuis Mouvaux. Periscope devrait être interdit aux moins de 16 ans. Avant cet âge, on est trop fragile pour maîtriser l’état dans lequel on peut être à cause du regard des gens. Periscope est un endroit où le plus horrible de tous est reconnu comme un roi.
»

Jérémy, 26 ans, a, lui, trouvé un bon usage à l’application : «
Je l’utilise au stade bollaert en début de match, au moment où on chante La Lensoise, Les Corons, et au clapping. Aussi au moment des buts. Les gens qui habitent loin sont ravis de partager notre joie et l’ambiance du stade.
»

Au final, l’application est un sacré fourre-tout. «
Entre les défis des ados, les streaming de match de foot de plus en plus nombreux , les gens à l’autre bout du monde qui font des balades magnifiques’
», énumère Christophe, Lillois de 27 ans utilisateur régulier. Pour trouver des contenus intéressants, mieux vaut donc faire un minimum de tri.

Nolwenn Guyon

La réponse de Facebook

Si vous avez l’application Facebook sur votre téléphone, vous avez peut-être vu apparaître récemment un nouveau bouton en haut de votre fil d’actualité. Une petite silhouette en pictogramme, entourée d’ondes, s’affiche maintenant à l’endroit depuis lequel vous pouvez poster un statut. En cliquant dessus, Facebook vous demande un titre, votre appareil photo se lance et c’est parti, ce que vous filmez est diffusé en direct à vos amis.

Avec cette nouveauté, le réseau de Mark Zuckerberg élargit un peu plus les options offertes à ses utilisateurs et… répond directement à Periscope.

La firme américaine a déjà annoncé que ces vidéos en direct s’afficheront en priorité dans le fil d’actualité.

L’option n’est pas encore disponible pour tout le monde, le déploiement étant en cours.

À terme, plus d’1,5 milliard d’utilisateurs y auront accès.

Du très lourd face aux 10 millions d’inscrits sur Periscope.

N. Gu.