Pakistan , les talibans revendiquent l’attentat-suicide visant les chrétiens (VIDÉO)
Le bilan s’est alourdi ce lundi pour atteindre 72 morts, dont 29 enfants et six femmes, a indiqué un responsable administratif de la ville, Muhammad Usman. Des centaines de personnes ont été blessées. Selon un porte-parole de la ville, «10 à 15 chrétiens» ont été décomptés parmi les morts, que les autorités s’efforcent toujours d’identifier.
L’attentat a été revendiqué par une faction du mouvement taliban pakistanais, le Jamaat-ul-Ahrar. «Nous avons perpétré l’attentat de Lahore car les chrétiens sont notre cible » a déclaré son porte-parole Ehsanullah Ehsan.
Cet attentat, qui porte un coup sérieux aux nombreuses promesses d’embellie sécuritaire des autorités, est le plus meurtrier cette année au Pakistan. L’armée a rapidement réagi en annonçant une série d’«opérations» dans différentes localités, l’arrestation de plusieurs «terroristes et intermédiaires présumés» et la découverte d’«une énorme cache d’armes et de munitions». «Notre résolution à combattre le terrorisme (…) devient plus forte à mesure que le lâche ennemi s’en prend à des cibles vulnérables», a tonné de son côté le premier ministre Nawaz Sharif.
La déflagration s’est produite dans le parc Gulshan-e-Iqbal, proche du centre de Lahore, particulièrement bondé en ce jour de printemps ensoleillé où la minorité chrétienne célébrait Pâques. «Nous étions allés au parc pour profiter de ce jour de Pâques. Tout d’un coup, il y a eu une énorme explosion, j’ai vu une énorme boule de feu, et quatre à six personnes de ma famille ont été blessées, dont deux grièvement», a témoigné Arif Gill, un homme de 53 ans. Le kamikaze s’est fait exploser près d’une aire de jeux, a indiqué la police.
Les attentats visant les enfants ont une résonance toute particulière au Pakistan, toujours traumatisé par l’attaque perpétrée par un commando taliban dans une école de Peshawar, qui avait fait au moins 154 morts en décembre 2014.
La police a bouclé le site où gisaient toujours dans la matinée des lambeaux de chair sur les balançoires. Morceaux de vêtements et tourniquets tachés de sang témoignaient de l’interruption violente d’un après-midi festif.
Partis jouer au cricket
Les premières funérailles de victimes se sont déroulées dès ce lundi et une veillée d’hommage était prévue en début de soirée sur les lieux du drame.
Au domicile lahorite de Salamat Masih, un jeune homme d’une vingtaine d’années tué dans l’attaque, le désespoir était palpable lors de l’arrivée de sa dépouille. «Oh Salamat, pour quel monde es-tu parti Ne sais-tu pas combien sont tristes ceux que tu laisses derrière toi », s’est écriée la foule de ses proches et de voisins, s’étreignant pour se donner du courage.
La famille a aussi perdu un adolescent de 16 ans. «Leurs amis étaient là-bas (dans le parc) et ils sont partis contents en disant qu’ils allaient faire un match de cricket, mais lorsqu’ils sont arrivés (l’explosion) s’est produite», soupire Yousaf Massih, un chrétien de 55 ans, père et grand-père des deux disparus.
La communauté chrétienne représente un peu moins de 2% de la population de ce pays de 200 millions d’habitants, majoritairement des musulmans sunnites. Elle se savait visée de longue date par les islamistes. Un double attentat suicide perpétré par les talibans contre des églises à Lahore avait fait 17 morts en mars 2015. Mais ses craintes se sont accrues avec l’exécution il y a un mois d’une figure islamiste radicale, Mumtaz Qadri, érigé au rang de martyr par ses partisans. «Nous craignions que quelque chose arrive», a admis Shamoon Gill, un militant chrétien et porte-parole d’une association parlant au nom des minorités du Pakistan.
Le pape François a demandé ce lundi aux autorités du Pakistan de tout faire pour assurer la sécurité de la population et en particulier celle de la minorité chrétienne, après l’attentat «exécrable» de dimanche.
«Pendre Asia Bibi»
Coïncidence ou non, le jour même de l’attentat, une grande manifestation se déroulait dans la capitale Islamabad et sa ville jumelle Rawalpindi, en hommage au même Mumtaz Qadri. Elle s’était muée lundi en un face-à-face tendu entre ses partisans et les forces de l’ordre au coeur de la capitale.
Quelque 3 000 manifestants occupaient le pavé de l’avenue de la Constitution, qui longe le Parlement, la présidence et les bureaux du gouvernement pakistanais, promettant d’y rester jusqu’à ce que leurs exigences soient entendues.
L’exécution de Qadri le 29 février a mis en rage de nombreuses factions islamistes qui avaient érigé ce dernier au rang de héros pour avoir abattu en 2011 Salman Taseer, gouverneur du Pendjab et partisan déclaré d’une révision de la loi sur le blasphème. Les partisans de l’islamiste réclament notamment la pendaison d’une chrétienne accusée de blasphème, Asia Bibi.