Où l’on reparle de la déduction fiscale obtenue par la Société générale lors de l’affaire Kerviel

Où l'on reparle de la déduction fiscale obtenue par la Société générale lors de l'affaire Kerviel

La question de la déduction fiscale de 2,2 milliards d’euros dont a bénéficié la Société générale, en 2008, du fait des pertes liées à l’affaire Kerviel, se voit une nouvelle fois relancée.

Le bien-fondé de cette déduction appliquée par la banque française est sujet à controverse, depuis l’origine tant semblent partagées les responsabilités du trader à l’origine de la fraude, Jérôme Kerviel, condamné définitivement au pénal, et celles de la banque, dont les contrôles ont été défaillants et sanctionnés comme tel par le gendarme des banques. Chaque nouvel épisode judiciaire de cette longue saga remet le sujet en débat.

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Mais vendredi 1er juillet, ce sont cette fois des informations parues simultanément dans Médiapart et 20 Minutes, ainsi que sur France Inter, qui l’ont à nouveau mis à l’avant-scène.

Tous trois ont, en effet, publié les grandes lignes d’un rapport qu’ils estiment défavorable à la Société générale, qui aurait été adressé, en mai 2008, au procureur du parquet de Paris de l’époque, Jean-Michel Aldebert, par un « assistant spécialisé  » mandaté en tant qu’expert, avant d’être « promptement enterré » et « broyé », selon ces médias.

Démontrer à tout prix « une fraude complexe »

Ce rapport daté du 14 mai 2008, qu’a également pu consulter Le Monde, souligne alors que « la Société générale apparaît particulièrement intéressée à faire connaître l’existence d’une fraude complexe, rendant inopérants les systèmes de contrôle interne, sous peine de supporter un décaissement supplémentaire de 2,197 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés au titre de 2008 ». Le moyen, pour la banque, font valoir Mediapart, 20 Minutes et France Inter, de pouvoir prétendre au dispositif d’aide fiscale réservé aux entreprises victimes de fraudes impossibles à parer…

L’avocat de l’ex-trader, David Koubbi, n’a pas tardé à commenter ces informations. « Ce document de mai 2008 mettant gravement en cause la Société générale et les 2,2 milliards d’euros d’argent public qu’elle a indûment perçus a été sciemment dissimulé et non versé au dossier pénal par le Parquet », a-t-il déclaré, vendredi.

« Hold-up fiscal »

Dans la sphère politique, Julien Bayou, élu écologiste (EELV), a demandé, vendredi, au ministère des finances, de publier le résultat d’une enquête « menée en interne en 2012 par Bercy » sur cette réduction fiscale, dont il avait déjà réclamé la publication par le passé. Il entend porter l’affaire devant une cour administrative d’appel.

« C’est à M. Sapin de lever les doutes qui pèsent sur les décisions de l’administration fiscale », a-t-il déclaré, évoquant « un hold-up fiscal ».

Le parquet de Paris, dont M. Aldebert ne fait plus partie, n’a pour sa part fait aucun commentaire, une source judicaire relevant toutefois que les rapports d’assistants spécialisés, qui sont des documents de travail, sont rarement versés aux dossiers judiciaires.

Bercy n’a pas non plus commenté. Mais le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, que ce sujet fiscal pourrait être réexaminé le 23 septembre, une fois connu le jugement dans le procès en appel sur le volet civil de l’affaire Kerviel.

La question du remboursement des 2,2 milliards d’euros

En clair, selon Bercy, si la Société générale devait être reconnue coupable, au civil, du préjudice financier de 4,9 milliards d’euros subi à cause de ses fautes de contrôle, comme le réclame l’avocat général, alors la question du remboursement des 2,2 milliards d’euros de déduction fiscale accordée par l’Etat pourrait se poser.

Dans un communiqué publié vendredi, la banque française s’est quant à elle insurgée contre des « pratiques de harcèlement médiatico-judiciaire » dont elle ferait l’objet dans cette affaire Kerviel. Elle « réitère que le traitement fiscal de la perte occasionnée par les agissements de M. Kerviel a été opéré en toute transparence et conformément à la législation ».

La banque rappelle qu’elle n’a jamais demandé à Bercy de bénéficier d’une remise fiscale, mais a appliqué les textes, conformément à la loi, et après validation de la part de différents cabinets d’avocats, comme tout contribuable aurait pu le faire dans une telle situation.

L’impôt sur les sociétés versé par la banque française aurait été plusieurs fois contrôlé par l’administration fiscale, sans que cette dernière trouve à redire, précisent des sources proches de la banque. La jurisprudence du Conseil d’Etat conforterait sa position.

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