Opposition et pouvoir revendiquent la victoire en Macédoine

Opposition et pouvoir revendiquent la victoire en Macédoine

Alors que les résultats officiels ne sont pas encore tombés, le VMRO-DPMNE, le parti de a déjà proclamé sa victoire. Les partisans de l’opposition sont, eux, dans la rue.

Ceux qui espéraient, à l’issue d’une campagne électorale frôlant l’hystérie, un dénouement paisible à la profonde crise politique qui frappe la Macédoine en seront pour les frais. Les résultats très serrés des élections législatives anticipées de dimanche 11 décembre devraient accentuer la tension qui règne dans la petite République balkanique.

Selon des décomptes partiels, les nationalistes du VMRO-DPMNE, au pouvoir depuis dix ans, conserveraient une légère avance, avec 41 % des voix contre 36 % à leurs rivaux sociaux-démocrates (SDSM), mais ces résultats nationaux, qui plus est incertains, ne disent pas tout des rapports de force dans les différentes circonscriptions, et donc de la répartition des sièges au Parlement.

Signe de la fébrilité, les deux camps s’arrogeaient dans la nuit la victoire, appelant leurs partisans à descendre dans la rue. Vers 23 heures, plusieurs centaines de sympathisants du SDSM s’étaient rassemblés devant le siège du gouvernement, pour écouter leur chef de file, Zoran Zaev, annoncer dans une ambiance survoltée la « chute du régime » de Nikola Gruevski.

Le vainqueur final aura un avantage indéniable mais pas forcément décisif pour former une coalition gouvernementale. Les différents partis de la minorité albanaise (25 % de la population) devraient ainsi se retrouver en position de faiseurs de roi, avec toutes les incertitudes que comporte une telle situation. Ces partis s’étaient montrés ces derniers jours réticents à s’associer au VMRO-DPMNE, éclaboussé par de nombreux scandales, mais la réalité des négociations de coulisses sera toute autre.

Un scrutin sans incident majeur

Il faudra également attendre les conclusions de la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), lundi à la mi-journée, mais l’apparent bon déroulement du scrutin, qui s’est tenu sans incident majeur, est en soi une réussite importante, tant la campagne s’est déroulée dans un climat délétère. Le 8 décembre, M. Gruevsi avait été jusqu’à laisser entendre de façon très explicite « qu’en d’autres temps » son rival aurait mérité la mort.

Le fossé s’est creusé tout au long de l’année 2015, après les révélations sur un scandale d’écoutes massives d’environ 20 000 citoyens mises en place par le gouvernement de Nikola Gruevski, au pouvoir depuis 2006.

Obtenues par l’opposition, ces écoutes avaient été utilisées contre leurs auteurs par Zoran Zaev, le chef du SDSM. On y entendait le premier ministre réclamer le versement d’un pot-de-vin de 15 millions d’euros pour la construction d’une autoroute, le chef des services secrets évoquer sur un ton guilleret la possibilité de faire violer un opposant emprisonné. Il y était aussi question de pressions sur des journalistes, de nominations d’amis à des postes de magistrat, et… de manipulation d’élections.

Ces « bombes », comme les a nommées l’opposition, confirmaient le trou noir dans lequel est tombée la Macédoine après dix années de pouvoir Gruevski un système clientéliste et corrompu, teinté d’autoritarisme. Un « Etat captif », a aussi conclu la Commission européenne dans son dernier rapport annuel. Ce sont aussi les « bombes » qui ont conduit à l’organisation d’élections anticipées, sous le patronage de l’Union européenne et des Etats-Unis, avec la signature, à l’été 2015, des accords de Przino.

Contrôle du pouvoir sur les institutions

Ceux-ci ont conduit le gouvernement à accepter un contrôle conjoint des deux partis sur les ministères et les institutions sensibles, mais aussi sur les médias, ainsi qu’une mise en retrait de Nikola Gruevski, qui a cédé son poste début 2016 à son numéro deux. Ce sont ces mesures, couplées à un nettoyage en profondeur des listes électorales, qui ont permis la bonne tenue du scrutin, même si le VMRO-DPMNE a conservé de ses pratiques clientélistes une emprise évidente sur de larges segments de l’électorat, et en premier lieu les fonctionnaires.

« La question sera maintenant de voir si cette dynamique peut durer après l’élection,confiait avant le vote un diplomate européen. Il faut que les deux partis oublient leur rancoeur et, au minimum, arrivent à travailler à nouveau dans le cadre du Parlement. »

Le SDSM refusait en effet d’y siéger depuis les élections de 2014, qu’il juge frauduleuses. « Si le camp de M. Gruevski parvient à se maintenir au pouvoir, l’essentiel est aussi qu’il n’y ait pas de retour en arrière démocratique. »

Un tel voeu n’a rien d’évident. La journaliste et écrivaine Santa Argirova, désignée comme une figure « neutre » à la tête des actualités de la télévision nationale, dans le cadre des accords de Przino, décrivait au Monde les immenses pressions qu’elle a eu subir de la part du pouvoir dans le cadre de sa mission pour rééquilibrer le traitement médiatique jusque-là exclusivement en faveur du VMRO-DPMNE.

Cette mission se terminait dimanche soir à minuit, et la tentation sera grande pour le pouvoir de chercher à reprendre la contrôle sur ces institutions qu’elle avait patiemment, en dix ans de règne, mises à sa botte. A l’unisson d’une partie de la société civile, Mme Argirova évoquait même le risque d’une « vengeance généralisée contre tous ceux perçus comme ayant trahi ».

La question se pose de façon similaire pour la procureure spéciale, désignée pour enquêter sur le scandales des écoutes, et dont la mission est limitée à 18 mois. Celle-ci a d’ores et déjà expliqué qu’il lui faudrait plus de temps, mais le VMRO-DPMNE, particulièrement menacé par les enquêtes, pourrait être tenté en cas de victoire de ne pas accéder à la requête.

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