On découvre 2 000 espèces de plantes par an

On découvre 2 000 espèces de plantes par an

Dendrobium cynthiae, une des nombreuses espèces d’orchidées découvertes en 2015. © Steve Beckendorf.

C’est à une entreprise d’ampleur planétaire que se sont attelés plusieurs dizaines de chercheurs qui, sous l’égide des Jardins botaniques royaux de Kew (Royaume-Uni), ont publié le 10 mai le premier rapport annuel sur l’état des plantes dans le monde. Ils ont passé en revue toute la littérature scientifique et écumé les bases de données non seulement pour faire le point sur ce que savent les botanistes mais aussi, dit l’introduction de ce rapport, pour mettre en lumière « ce que nous ne savons pas. Cela nous aidera à décider où il faut augmenter l’effort de recherche, dans quel domaine accentuer les régulations afin de préserver et d’améliorer le soutien essentiel qu’apportent les plantes au bien-être de l’humanité. »

La plante carnivore Drosera magnifica. © Paulo Gonella.

Un chiffre souligne l’immensité de notre ignorance : depuis une grosse décennie, la botanique découvre chaque année, avec une régularité de métronome, quelque 2 000 espèces de plantes dites vasculaires c’est-à-dire celles qui possèdent des vaisseaux où circule la sève. Ainsi, en 2015, 2 034 nouvelles espèces ont-elles été répertoriées, ce qui donne un total de 391 000 plantes vasculaires, dont 369 000 plantes à fleurs. L’Australie, le Brésil qui regroupe à lui seul plus de 32 000 espèces, soit plus qu’aucun autre pays et la Chine forment le podium des contrées où l’on décrit chaque année le plus de nouveaux végétaux. C’est par exemple du Brésil qu’est originaire une grande plante carnivore, Drosera magnifica (en photo ci-dessus), qui fait partie de la cuvée 2015 mais dont l’identification comme espèce nouvelle est assez peu banale car elle s’est faite’ sur Facebook ! C’est en effet là qu’un botaniste l’a découverte, en passant en revue des photos prises, des années auparavant, par un chasseur d’orchidées’

Cette anecdote montre que la science ne se fait pas forcément sur le terrain les réserves des muséums recèlent souvent des surprises et qu’elle peut aussi être assez lente. Si lente même que, parfois, les espèces qu’elle décrit comme nouvelles sont déjà éteintes. C’est le cas d’un arbre africain (Ghana et Côte d’Ivoire), Tarenna agnata. De la famille des rubiacées, qui comporte notamment le caféier ou le gardénia, il poussait dans des forêts qui ont été détruites soit par l’homme, pour les transformer en terres agricoles, soit par des incendies : cet arbre n’a plus été vu depuis un demi-siècle. C’est aussi en Afrique (précisément en Angola) qu’on trouvait une minuscule plante aquatique, Ledermanniella lunda, mais les chercheurs qui l’ont décrite en 2015 estiment que ses chances de survie sur le seul site où elle a été identifiée sont plus que compromises : en raison de l’installation d’un barrage et de l’exploitation d’un gisement de diamants, les eaux de la rivière sont devenues turbides, ce qui est synonyme de condamnation à mort pour des végétaux de cette famille.

Parmi les nombreux angles qu’il aborde (espèces invasives, maladies, génomique, etc.), le rapport des Kew Gardens souligne notamment l’apport des plantes à l’humanité. On estime ainsi que plus de 30 000 espèces sont exploitées par Homo sapiens. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser de façon intuitive, la majorité de ces espèces ne sont pas des plantes dédiées à l’alimentation mais à la médecine. Le texte précise que 17 810 végétaux entrent dans la composition de médicaments alors que « seulement » 5 538 sont mangés par les humains. Plus de 11 000 plantes servent de matériaux (textiles, construction, pâte à papier, etc.) et avec plus de 2 500 on fait des’ poisons.

Tout comme on mesure mal les services que nous rend le monde végétal, on peine à quantifier les menaces que nous faisons peser (de manière un peu suicidaire, du coup) sur lui. Ce rapport rappelle que, selon la célèbre Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature, quelque 20 000 espèces de plantes sont en plus ou moins grand danger d’extinction. Ce qui représente un peu plus de 5 % du total. Une proportion que les chercheurs estiment largement sous-estimée étant donné la difficulté qu’il y a à surveiller et à évaluer chaque année l’état de santé de près de 400 000 espèces. Selon eux, la proportion des plantes menacées d’extinction tournerait plutôt autour des 20 %. Longue est en effet la liste des menaces, du changement climatique qui modifie tant les températures que les systèmes hydrologiques à la déforestation. Même si la disparition de l’Amazonie brésilienne se fait désormais sur un rythme moins élevé (mais pas nul’), on estime qu’entre 1990 et 2015, près de 10 % de la forêt tropicale mondiale a été rasée. Bientôt viendra le jour où les botanistes ne découvriront pas certaines espèces parce que nous les aurons détruites avant.

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

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