Non le championnat 2015-2016 n’est pas le plus déséquilibré de l’histoire de la Ligue 1

Non le championnat 2015-2016 n'est pas le plus déséquilibré de l'histoire de la Ligue 1

Les propriétaires de ligues et les économistes du sport scrutent avec attention le degré de déséquilibre compétitif (competitive imbalance) des ligues de sports professionnels. Un déséquilibre trop prononcé dans une ligue pourrait en effet conduire à une désaffection durable des (télé)-spectateurs. Depuis les travaux de Rottenberg (1956) et Neale (1964), c’est même la question qui est au c’ur du questionnement des économistes du sport.

Quel indice pour mesurer le déséquilibre compétitif

La plus grande difficulté, lorsqu’il s’agit d’évaluer le degré de déséquilibre compétitif d’une ligue, est de parvenir à un consensus sur les propriétés de l’indice qui doit être choisi pour mesurer, de façon synthétique, ce niveau de déséquilibre. On trouve ici un problème similaire à celui que rencontrent les économistes qui s’efforcent de mesurer les inégalités de revenus. Dans cet optique, l’indice de Gini ou l’indice de Theil pourraient être des outils appropriés. On peut aussi travailler en s’appuyant sur les travaux de l’économie industrielle : utiliser un indice de concentration industrielle (tel que l’indice d’Herfindahl) revient à considérer que le nombre de points obtenus par une équipe dans un championnat est, en quelque sorte, la part de marché obtenue par cette « entreprise ». L’intérêt de cette seconde approche est qu’il est plus commode d’ajuster la mesure pour tenir compte de la possible modification de la taille de la ligue. Le format de la Ligue 1 de football, par exemple, n’a cessé d’osciller entre 18 et 20 clubs depuis 1960. La Serie A italienne a connu des formats à 16, 18 ou 20 clubs, la Liga espagnole à 16, 18, 20 et 22 clubs et la Premier League anglaise à 20, 21 et 22 clubs.

Un classement reconstruit sur la base d’un ancien système d’attribution des points

Owen, Ryan et Weatherstone (2007) et Gayant et Le Pape (2015) préconisent ainsi d’utiliser un indice désigné sous l’appellation Herfindahl Ratio of Competitive Balance (HRCB) [appelé aussi Normalized HHI par Owen et al. (2007)] qui est le quotient de, au numérateur, l’écart entre l’indice d’Herfindahl et sa valeur minimale et, au dénominateur, l’écart entre sa valeur maximale et sa valeur minimale. Gayant et Le Pape (2015) précisent que cet indicateur doit être calculé en se fondant sur un un classement final pour lequel la répartition des points serait fictivement reconstruite sur la base d’un système d’attribution des points 2-1-0 (2 points pour une victoire, 1 point pour un match nul et 0 point pour une victoire) afin de supprimer les biais de mesures engendrés par le système 3-1-0. Le HRCB est donc un indice compris entre 0 et 1, d’autant plus élevé que le déséquilibre compétitif aura été important.

La Ligue 1, championnat le moins déséquilibré du Big 5

En dépit de la domination écrasante du Paris SG, en dépit de l’écart gigantesque de points entre le premier et le second (31 points) ainsi qu’entre le premier et le dernier (78 points), le championnat de Ligue 1 2015-2016 n’aura pas été le plus déséquilibré de l’histoire. Les positions serrées en milieu de classement (6 clubs se tiennent en 2 points entre la 9ème et la 14ème place) y sont pour beaucoup. Sur le graphique ci-dessous figure l’évolution du HRCB entre les saisons 1959-1960 et 2015-2016 :

Le HRCB de 2016, qui atteint un niveau de 0,174, est plus faible que le HRCB de 2015 (0,187) et que celui de 2014 (0,204) qui était le record historique pour la Ligue 1. C’est cependant le sixième plus haut niveau de déséquilibre compétitif enregistré depuis 1960, 5 de ces 6 plus hautes valeurs ayant été enregistrées depuis 2009. La Ligue 1 reste néanmoins la ligue la moins déséquilibrée parmi les 5 grands championnats européens en 2016 (HRCB de 0,199 en Angleterre, de 0,224 en Allemagne, de 0,225 en Italie et de 0,236 en Espagne). Ceci est en conformité avec la hiérarchie observée depuis plus d’un demi-siècle.

Références :
Gayant, J.-P. and Le Pape, N. (2015) « The Metrics of Competitive Imbalance» in Disequilibrium Sports Economics: Competitive Imbalance and Budget Constraints, Edward Elgar Ed., p. 104-130.
Neale, W. C. (1964) The peculiar economics of professional sports: a contribution to the theory of the firm in sporting competition and in market competition’, The Quarterly Journal of Economics, 78, 1-14.
Owen, P. D., M. Ryan, and C. R. Weatherston. (2007) Measuring Competitive Balance in Professional Team Sports Using the Herfindahl-Hirschman Index.’ Review of Industrial Organization, 31, 289’302
Rottenberg, S. The base-ball player’s labour market.’ Journal of Political Economy, Vol.64-3 (1956), 242-258.

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