Meublés touristiques , la Mairie de Paris accusée d’appeler à la délation

Meublés touristiques , la Mairie de Paris accusée d'appeler à la délation

Le Monde
| 11.05.2016 à 06h44
Mis à jour le
11.05.2016 à 08h46
|

Par Isabelle Rey-Lefebvre

La bataille de l’opinion sur les locations touristiques par des particuliers a connu, mardi 10 mai, un nouvel épisode. La Mairie de Paris appelle-t-elle à la délation pour lutter contre les meublés touristiques illégaux ‘ Telle était la question du jour. La veille, lundi 9 mai, la Ville avait mis en ligne la liste des propriétaires autorisés à louer leur logement pour de courtes durées. 156 logements appartenant à 107 propriétaires y sont recensés. « Ce nouvel outil peut exercer une pression, notamment via le syndic (‘). Les voisins vont demander des comptes en demandant pourquoi cette personne qui n’a pas procédé à l’opération de mise en conformité continue à louer son logement », a déclaré le lendemain au micro d’Europe 1, Mathias Vicherat, le directeur de cabinet de la maire, Anne Hidalgo.

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Il n’a pas fallu plus que cette bourde pour relancer le débat. D’autant qu’Europe 1 a également assuré, avant de rectifier, qu’un formulaire en ligne permettrait aux voisins de dénoncer les locations illégales, comme c’est le cas à Berlin. « C’est évidemment faux, cet open data est ouvert à des fins statistiques et de transparence, mais pas pour traquer les fraudes », rétorque le service de presse, précisant qu’« un service de la ville de vingt-cinq inspecteurs est d’ailleurs chargé de cette mission ».

Cela n’a pas empêché les réseaux sociaux de s’embraser. Le site web de l’hebdomadaire Valeurs actuelles a titré immédiatement : « Quand la Mairie de Paris favorise la dénonciation entre voisins ». Et sur Twitter, Nathalie Kosciusko-Morizet, la présidente du groupe Les Républicains au conseil de Paris, s’est interrogée : « Anne Hidalgo crée un nouveau mouvement : le parti des délateurs. Avec un corbeau comme logo ‘ »

« On souhaite que cela provoque une espèce de choc de conscience et de civisme, que les gens se mettent en règle d’eux-mêmes, sans attendre d’être éventuellement signalés par l’un de leurs voisins », avait expliqué sur Europe 1, M. Vicherat. De fait, les premiers informateurs sont souvent les riverains, qui sont aux premières loges pour observer les allées et venues des voyageurs, facilement repérables avec leurs valises à roulettes, comme l’indiquent les bailleurs sociaux parisiens qui, eux aussi, luttent contre ces sous-locations illégales.

Un permis de louer

Face à ces pressions, les sites Internet comme Airbnb, Abritel ou Booking.com sentent l’étau se resserrer. Après Bruxelles, Amsterdam, Barcelone ou New York, Berlin a encadré sévèrement cette activité qui réduit de plus de 10 000 logements le parc accessible aux résidents permanents dans la capitale allemande. Depuis le 1er mai, les locations de courte durée aux touristes y sont interdites, sauf exception (autorisation ou location d’une pièce de son appartement) et les habitants sont invités à signaler en ligne les fraudeurs à la mairie. L’amende peut atteindre 100 000 euros (contre 25 000 à Paris).

La conquête de l’opinion est donc cruciale : dans son berceau américain de San Francisco, Airbnb a remporté une victoire lors du référendum organisé par la municipalité en novembre 2015. La Ville a renoncé à réduire de 90 à 75 le nombre de nuits autorisées par an.

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Mardi, la filiale française d’Airbnb a lancé une pétition pour contrer la volonté des parlementaires de réguler ces meublés touristiques, ajoutant à la polémique du jour. Dans le viseur du site web, un amendement au projet de loi « pour une République numérique » adopté par le Sénat le 29 avril. Les villes de plus de 200 000 habitants et celles de la petite couronne parisienne pourraient instaurer un permis de louer au-delà d’un nombre de nuitées, à définir par chaque commune. Le texte sera réexaminé en commission mixte paritaire fin mai. « Nous sommes contre ce permis de louer, cela va nuire au tourisme et contrarier l’objectif gouvernemental d’accueillir 100 millions de touristes à l’horizon 2020 », plaide Vincent Vermus, directeur général d’Abritel Homeaway, l’autre grande plate-forme de location, et également président de l’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), qui fédère ces grands sites.

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