L’euthanasie au détour des Jeux paralympiques de Rio

L'euthanasie au détour des Jeux paralympiques de Rio

Le Monde
| 12.09.2016 à 13h51
Mis à jour le
12.09.2016 à 14h37
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Par Luc Vinogradoff

L’athlète belge Marieke Vervoort a ajouté une ligne à son déjà riche palmarès, en obtenant, ce week-end, la médaille d’argent du 400 m (T52), la première de son pays, aux Jeux paralympiques de Rio. A 37 ans, elle possède désormais trois titres mondiaux, une médaille d’or olympique et désormais deux médailles d’argent, avant l’épreuve du 100 m, la semaine prochaine.

Ce sera sa dernière course, comme elle l’avait raconté avant la compétition à l’agence Belga. La maladie dégénérative musculaire incurable avec laquelle elle vit depuis son adolescence s’est aggravée et l’empêche de continuer les entraînements rigoureux nécessaires à la pratique du sport à haut niveau :

« Ma maladie dégénérative progresse et il n’y a aucune chance que cela s’améliore [‘]. Je sens que mon corps n’en peut plus. J’adore être sur mon fauteuil, mais je perds souvent conscience pendant les entraînements, en raison de la douleur. Mon corps me dit : Arrête ça’. »

Bien avant les JO, Marieke Vervoort avait exposé ses projets de vie post-carrière sportive : voyager, écrire un deuxième livre, peut-être ouvrir un musée pour raconter son histoire. Et, quand les souffrances ne seront plus supportables et que son corps sera proche de la rupture, se faire euthanasier.

« L’euthanasie ne veut pas dire meurtre’ pour moi »

A Rio, où s’est recréé un microcosme du monde entier le temps de la compétition, son parcours, ses performances sportives, ses médailles ont donc été discutés à l’aune de cette décision prise depuis des années, courageuse pour certains, choquante pour d’autres. « Le sujet difficile de l’euthanasie l’a propulsée dans une lumière intense dont elle semble finalement s’amuser », écrit le journal Le Soir. D’autant plus que Marieke Vervoort aborde facilement le sujet, argumente son choix avec le sourire et retourne la symbolique et le champ sémantique qui entoure habituellement ce mot, euthanasie. Elle en fait un terme associé à la vie et pas à la mort.

« Tout le monde sait que j’ai mis en ordre mes documents pour une euthanasie en 2008. Si je ne les avais pas eus, je me serais suicidée depuis longtemps [‘]
L’euthanasie ne veut pas dire meurtre’ pour moi, mais signifie repos’. J’étais déjà très concernée, bien avant que j’aie ces papiers. En Belgique, c’est long, difficile pour obtenir les papiers. Vous devez passer par tout un processus. On ne trouve pas ces papiers au magasin.
J’espère que mon cas prouve que l’euthanasie peut assurer la sérénité et même contribuer à prolonger la vie. Et j’espère que cela inspirera d’autres pays à introduire cette législation. »

L’euthanasie est actuellement légale en Belgique, sous certaines conditions strictes, depuis 2002 (elle l’est aussi aux Pays-Bas et au Luxembourg). Près de 1 500 Belges choisissent de mourir de cette façon tous les ans, en grande majorité des malades du cancer et, d’après des chiffres de 2013, des victimes d’affections psychiques dans 5 % des cas seulement.

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« Quand le moment viendra’ »

Ce « sujet de société » reste mal compris et souvent tabou. A Rio, Marieke Vervoort a dû faire preuve de pédagogie face aux questions de la presse mondiale qui voulait savoir pourquoi, comment et quand. Au lendemain de sa médaille d’argent, le Comité paralympique belge s’est senti obligé d’organiser une conférence de presse pour que l’athlète dise, entre autres, qu’elle n’avait jamais voulu pratiquer cette procédure médicale juste après les JO, un récit presque tiré d’un film que certains médias s’étaient empressés d’écrire.

« Partout dans le monde, on pense qu’on pratiquera l’euthanasie sur moi après les Jeux. Ce n’est pas absolument pas ainsi. Cela doit être rectifié [‘]. Quand le moment viendra où il y aura plus de mauvais jours que de bons jours, j’aurai alors mes papiers d’euthanasie sous la main. »

Pour l’instant, elle pense surtout à « la dernière fois [qu’elle prendra] place dans [son] fauteuil de course ». Après, « il y aura quelque chose pour le remplacer ».

« Je crois que je vais tenir des discours sur la motivation. Pourquoi ne les donnerais-je pas aussi en dehors de la Belgique ‘ J’espère inspirer beaucoup de gens avec mon histoire. »

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