Les  guerriers  du rugby fauteuil se qualifient pour les Jeux paralympiques

Les  guerriers  du rugby fauteuil se qualifient pour les Jeux paralympiques

Le Monde
| 21.04.2016 à 17h43
Mis à jour le
21.04.2016 à 18h32
|

Par Anthony Hernandez

Les roues s’entrechoquent, les chocs se multiplient et les chutes ne sont pas rares. La sempiternelle musique de Rocky, Eye of the Tiger, abonnée à toutes sortes de manifestations sportives, n’a jamais semblé aussi opportune. Jeudi 21 avril, le gymnase Louis-Lumière (20e arrondissement de Paris), garni d’environ 250 spectateurs, dont Thierry Braillard, le secrétaire d’état chargé des sports, et Thierry Dusautoir, ancien capitaine du XV de France, a tremblé grâce à des guerriers en fauteuil.

L’équipe de France de rugby fauteuil (quad rugby ou wheelchair rugby, selon l’appellation internationale), s’est qualifiée pour les prochains Jeux paralympiques, qui se tiendront à Rio du 7 au 18 septembre. Les Bleus ont battu la Nouvelle-Zélande 51 à 48. L’autre ticket de ce tournoi de qualification paralympique a été attribué aux Etats-Unis, vainqueurs du Danemark.

Pour le néophyte, assister à un premier match de rugby fauteuil équivaut à un vigoureux coup de poing en pleine figure. Sur le parquet, huit durs, huit tatoués, s’affrontent par équipe de quatre. Deux défenseurs, que l’on reconnaît à la grille qui sert de bouclier devant leur fauteuil ; deux attaquants, que l’on reconnaît à leur faculté d’échapper aux inamicales tentatives de blocages adverses.

Un savant mélange entre plusieurs disciplines

Laissons Ryadh Sallem, l’un des athlètes handisports les plus polyvalents de l’histoire (natation, basket fauteuil et rugby fauteuil), nous présenter sa discipline : « J’avais arrêté le haut niveau quand on est venu me chercher pour le rugby fauteuil. J’ai été super impressionné par l’engagement. Il y a un contraste énorme entre les handicaps lourds et ce sport de combat collectif. ».

Lire le portrait de Ryadh Sallem

Sport de combat que les Nord-Américains, ses inventeurs, avaient baptisé à l’origine d’un nom tout en finesse : murderball. Dans les faits, s’il porte le nom de « rugby », ce sport est en fait un savant mélange de plusieurs disciplines. « Il y a du hockey, du foot américain, du basket, un ballon, de volley et l’âme du rugby », synthétise le Parisien Ryadh Sallem, nanti d’un protège-dents à tête de mort de circonstance. Il faut dire que l’ancien basketteur a perdu des dents dans la bataille l’an passé. Ce soir, il aura gagné un hématome. « J’ai pris une grille dans la cuisse. C’est le jeu », lance-t-il tout en décontraction.

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Avant la rencontre décisive pour voir les plages de Rio, les Wheel Blacks avaient engagé les hostilités avec un haka impressionnant, auquel les Bleus avaient répondu comme leurs camarades du XV de France en leur temps, alignés et unis, formant une rangée de fauteuils.

D’entrée, Cédric Nankin, le numéro trois français, marquait le premier point français à l’issue d’une cavalcade à toute allure. Pour jouer au rugby fauteuil, les champions doivent être atteints aux quatre membres. Ils le sont tous à des degrés divers. Chaque handicap se voit attribuer un nombre de points qui diminue selon sa gravité. Chaque équipe alignée sur le terrain ne doit pas dépasser les huit points. Plus fort encore, le rugby fauteuil est un sport mixte. Dans la pratique, sur les six équipes présentes à Paris, seuls les Finlandais comptaient une femme. Un point est retranché au nombre de points représentés par son handicap.

Rencontre acharnée

La rencontre est acharnée. Les actions de classe s’enchaînent : une-deux, passe longue en avant permise, série de dribbles, de feintes et de slaloms, sans parler des blocs et des réceptions spectaculaires. Le jeu est également tactique. Il faut savoir gérer le chrono (trente secondes par action, douze secondes pour franchir la moitié de terrain), sacrifier une action mal engagée, et surtout les temps morts n’existent presque pas.

Chaque joueur a déjà en permanence le souci de la prochaine action. En défense, il s’agit de bloquer les joueurs adverses, parfois par des prises à deux ou à trois. En attaque, il faut se démarquer ou alors compter sur les brèches ouvertes par ses coéquipiers pour pénétrer dans l’en-but adverse, entre deux plots séparés de quelques mètres.

Christophe Salegui, le numéro treize français, fait admirer sa détermination au prix de blocages virils mais corrects, et d’envolées ballon en mains. Le natif d’Auch (Gers), Toulousain depuis cinq ans, nous raconte ses débuts en rugby fauteuil : « Je pratiquais le basket fauteuil. Lorsque je me suis rapproché de Toulouse, j’ai découvert le rugby fauteuil. Je suis seulement dans le groupe France depuis un an. Et me voilà titulaire sur ce tournoi. La joie est indescriptible. J’ai laissé de côté mon activité professionnelle pour me consacrer à ce sport tous les après-midi’ »

Le sacrifice n’aura pas été vain. Christophe et ses coéquipiers sont la deuxième et dernière équipe de France de sport collectif handisport à se qualifier pour Rio. Seules les basketteuses en fauteuil ont gagné leur billet. Au Brésil, il y aura pourtant six sports collectifs représentés : le volley assis, le football à sept pour les mal-marchants, le cécifoot pour les mal et non-voyants, le goalball (sport de ballon pratiqué par les déficients visuels), le basket fauteuil et bien entendu le rugby fauteuil.

Développer cette pratique en France

Jean Minier, directeur technique national du handisport français, dresse un premier bilan des sports collectifs. « Nous n’avons pas d’équipe de France en goalball, nous pratiquons plus le torball, qui n’est pas paralympique. Nous n’avons pas d’équipe de France en football à sept non plus, explique-t-il. Le volley assis est réservé aux doubles amputés de membres inférieurs. Ce sont souvent les pays qui ont le malheur de compter des blessures par mines qui le pratiquent. »

Dans la perspective d’une éventuelle victoire de la candidature olympique et paralympique parisienne en 2024, la Fédération française de handisports souhaite développer la pratique de ces sports collectifs en France. « Nous serons automatiquement qualifiés pour ces disciplines. Il faut dès maintenant tenter de constituer des équipes. C’est souvent complexe de combiner les différents handicaps », confie le directeur technique national.

En attendant une participation élargie à Paris 2024, les basketteuses et les joueurs de rugby en fauteuil défendront les chances françaises lors des Jeux paralympiques 2016. L’objectif sera de se hisser en quarts de finale. « Les podiums seront difficilement accessibles pour nous », lance Jean Minier.

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