Les dockers du port de Dunkerque passionnés par leur métier même s’il reste physique (VIDÉO)

Les dockers du port de Dunkerque passionnés par leur métier même s'il reste physique (VIDÉO)

«
À voir, ça paraît de la rigolade, mais au bout du tapis, c’est autre chose’ C’est quand même 50 kilos.
» Yeux clairs, visage rieur, Guillaume s’est accoudé à la cale du navire, comme hypnotisé par le spectacle de ses camarades à l »uvre au fond, des dizaines de mètres plus bas, on dirait des fourmis sur un océan de sucre blanc. Le « sac à sac », c’est l’un des boulots restés les plus manuels chez les dockers. Pourtant «
moi, je resterais bien à faire ça toute l’année. J’aime bien, c’est physique
». Il éclate de rire : «
Je suis pas un bureaucrate !
»

Ça fait douze ans il en a 30 qu’il est docker sur le port de Dunkerque. Comme son père. C’est ce qu’on est à Dunkerque, depuis toujours, docker de père en fils. Et on tutoie, avec un naturel désarmant. Il dit : «
J’ai eu l’occasion de commencer avec les vieux, ils me disaient «
Gamin, fais pas comme ça, tu vas te tuer.
» Aujourd’hui c’est à nous de montrer comment travailler.
»

On le sent fier, et heureux. Il n’y a pas d’école pour devenir docker, on est formé sur le tas, explique Franck Gonsse, cinquième génération de docker, leur chef, à la tête du CNTPA, leur syndicat. Tous les dockers du port, sans exception, sont syndiqués. Toujours fortes têtes alors Gonsse sourit mais explique, ferme : «
On a compris qu’il faut être solide pour se battre. Mais dans un esprit de dialogue social, on préfère négocier d’abord, plutôt que de sortir la hache de guerre. C’est dur avec les patrons, on ne se laisse pas faire, on a notre caractère, mais on n’arrête pas le port. La grève doit être le dernier recours.
»

« C’est du flux tendu »

Quand cet homme-là parle du port, des marchandises, des navires, des grues, des tonnages, il dit «
on
», le « on » enveloppant de celui qui parle d’un monde qui lui est vissé au c’ur, de son monde, ainsi : «
On doit se battre pour développer le port. On est systématiquement confronté à la concurrence des ports belges, et plus bas, on a Le Havre : un navire n’est pas obligé de s’arrêter chez nous. Il ne gagne d’argent qu’en mer, alors quand il s’arrête, il doit être chargé ou déchargé le plus vite possible, c’est du flux tendu.
»

Et c’est partout gigantesque. Sous le ciel miraculeusement bleu de ce lundi matin, au sommet des grues, au pied des montagnes de charbon, de minerais, de sel, sur le pont des monumentaux navires marchands, contre les containers, les dockers semblent tout petits face à ce gigantisme.

Les machines ont remplacé leurs mains nues et soulagé leur dos. Pas complètement pourtant. Depuis la cabine de son engin, Benjamin, 26 ans, nous tend un visage souriant et gris de plusieurs couches de poussières où irradie le saphir de ses yeux gentils. Bah, la poussière partira avec la douche, il la préfère «
au métier à la chaîne dans une usine
». Ici, le boulot est «
diversifié
», «
physique
». Et puis, il est «
dans son élément
». «
Libre
», dit Pierre-Yves, à la man’uvre au déchargement d’une péniche gorgée de blé. Ce soir, les rats viendront finir les restes, à ses pieds. Comme depuis la nuit des temps, maîtres des quais, après les dockers.

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