Les dernières heures de Dilma Rousseff à la tête du Brésil

Les dernières heures de Dilma Rousseff à la tête du Brésil

Dilma Rousseff vit ses dernières heures à la tête du Brésil : sauf invraisemblable coup de théâtre, les sénateurs voteront mercredi 31 août à Brasilia sa destitution pour maquillage des comptes publics au terme d’une procédure juridico-politique hautement controversée.

Michel Temer, 75 ans, ancien vice-président de Mme Rousseff, dont il a précipité la chute, assumera alors pleinement la présidence. Il l’exerce déjà à titre intérimaire depuis la suspension, le 12 mai par le Sénat, de la première femme élue, en 2010, à la tête du cinquième pays le plus peuplé de la planète.

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Le géant émergent d’Amérique latine, englué depuis la réélection de Mme Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de méga-scandale de corruption, tournera ainsi la page de treize ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT, gauche) initiée en 2003 par Luiz Inacio Lula da Silva, l’ouvrier-syndicaliste devenu président.

Procès marathon

Le verdict va tomber au sixième jour d’un procès marathon, de dizaines d’heures de débats techniques et parfois passionnés où le droit de la défense et la Constitution auront été scrupuleusement respectés sur la forme, sans forcément convaincre de la culpabilité de Mme Rousseff au plan strictement juridique.

Le premier magistrat du Brésil, le président du Tribunal supérieur fédéral (STF) Richard Lewandowski, qui dirige les débats, lira d’abord son rapport résumant le procès. On passera ensuite au vote électronique. Les 81 sénateurs devront répondre à la question : « Dilma Rousseff a-t-elle commis un crime de responsabilité ‘ ». S’ils sont 54 (les deux tiers) à voter « oui », elle sera écartée définitivement du pouvoir. Dans le cas contraire, elle réintégrerait immédiatement ses fonctions.

Selon un décompte effectué par le quotidien Folha de Sao Paulo, le plancher est déjà atteint, avec 54 sénateurs pour, 20 contre et 7 indécis. Pour la défense de Mme Rousseff, tous ses prédécesseurs ont eu recours aux man’uvres budgétaires incriminées sans avoir été inquiétés. Il s’agirait donc d’un « coup d’Etat » institutionnel orchestré par l’opposition de droite et Michel Temer.

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Jugement politique

La démonstration de combativité administrée lundi par Dilma Rousseff, répondant pendant plus de 14 heures au feu roulant des questions des sénateurs avec calme et fermeté, n’aura été selon toute vraisemblance qu’un baroud d’honneur pour la postérité.

Le motif officiel de cette destitution annoncée ‘ Le maquillage des comptes publics pour camoufler l’ampleur du déficit, via un tour de passe-passe faisant incomber certains frais à des banques publiques, et l’approbation de trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement.

Mais en réalité, Dilma Rousseff est attaquée « pour avoir osé remporter une élection qui contrariait les intérêts de ceux qui voulaient changer le cap du pays et ne pas avoir empêché la poursuite des enquêtes sur la corruption au Brésil », a affirmé mardi son avocat, l’ex-ministre de la justice José Eduardo Cardozo.

G20 pour le successeur

Sans hésiter à invoquer « Dieu », l’avocate de l’accusation Janaina Paschoal a au contraire préconisé la destitution comme « remède constitutionnel auquel nous devons recourir quand la situation devient particulièrement grave ».

Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer se prépare à prêter serment au Sénat dans la journée. En quête d’adoubement international, il devrait ensuite s’envoler immédiatement vers la Chine pour participer à un sommet du G20, où il tentera de redorer le blason terni du Brésil et de faire oublier les huées dirigées contre lui lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Rio de Janeiro.

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