Les cinq mesures phares de la loi qui veut révolutionner la lutte contre la prostitution
Soixante-dix ans après la loi de 1946 sur la fermeture des maisons closes, la France devrait faire un pas supplémentaire vers l’abolitionnisme, ce mercredi, avec ce texte qualifié de «
réforme sociétale majeure
» par ses partisans. Aujourd’hui, on compterait entre 30 000 et 40 000 personnes prostituées en France, selon les estimations officielles.
> La pénalisation du client
La principale mesure de ce texte a enflammé les débats. «
L’achat d’acte sexuel
» sera sanctionné par une amende de 1 500 euros, portée à 3 750 euros en cas de récidive. Les sénateurs, en majorité de droite, ont rejeté cette mesure «
qui transforme les clients de prostituées en délinquants
». La France suit ainsi l’exemple de la Suède qui pénalise les clients de prostituées depuis 1999.
Un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution, dont les contours devraient être définis par décret, est également créé pour aider les clients à prendre conscience de «
l’envers du décor de la prostitution
».
Les syndicats de policiers se montrent très sceptiques sur l’application de cette mesure et estiment qu’elle ne sera d’aucune utilité pour lutter contre les réseaux de proxénétisme. Les associations de terrain se sont également élevées contre ce changement. «
La pénalisation des clients pénalisera avant tout les personnes se prostituant. Pour conserver leur clientèle, elles devront d’autant plus se cacher.
» L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel n’est pas la mesure la plus efficace pour «
réduire la prostitution et pour dissuader les réseaux de traite et de proxénétisme de s’implanter sur les territoires
», a également jugé le Défenseur des droits, Jacques Toubon.
> La suppression du délit de racolage passif
C’est l’autre mesure phare de la loi. La fin de ce délit, qui avait été institué par la loi de sécurité intérieure du 18 mars 2003, permet de considérer les prostituées « comme des victimes et non plus comme des délinquantes », estiment les auteurs de la nouvelle proposition PS. Les personnes prostituées pourront ainsi témoigner sans être reconnues coupables d’infractions, a également fait valoir Guy Geoffroy, député LR cosignataire du texte. Les associations d’aides aux prostituées et le Défenseur des droits ont salué la disparition d’une mesure qui «
a largement dégradé les conditions de santé et d’exercice des personnes qui se prostituent
».
> Des mesures d’aide et d’accompagnement
La loi créé un droit pour toute personne victime de la prostitution à bénéficier d’un système de protection et d’assistance. Ce droit passe par la mise en place d’un parcours de sortie de la prostitution et la création d’un fonds de 4,8 millions d’euros annuels, sur le budget de l’État, pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. Le montant est jugée trop faible par les associations pour aider un nombre conséquent de prostituées.
> Un titre de séjour pour les prostituées étrangères
Des titres de séjour d’au moins six mois pourront être délivrés aux personnes prostituées de nationalité étrangère engagées «
dans le parcours de sortie de la prostitution
». Un «
chantage
», selon le Strass, syndicat des travailleurs sexuels, opposé au texte dans son intégralité et qui a prévu de manifester mercredi à proximité du Palais Bourbon.
> La création d’une nouvelle instance dans les conseils départementaux
Elle sera chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains. Le mouvement du Nid, association favorable au texte, estime que cette mesure permettra de créer un maillage territoriale efficace pour porter et faire appliquer cette nouvelle loi.