Les Bleus sont comme nous , ils ont eu les jetons

Les Bleus sont comme nous , ils ont eu les jetons

C’est presque rassurant. Adil Rami et Olivier Giroud n’ont pas hésité, samedi en conférence de presse, à admettre que la pression leur avait cisaillé les jambes lors du match d’ouverture contre la Roumanie.

La sourire du type content d’avoir marqué la veille. AFP PHOTO / FRANCK FIFE

La pression « C’est ce qu’on met dans les pneus », expliqua un jour Charles Barkley, basketteur américain vedette des années 1990. « La pression, moi, je la bois », rigolait la tenniswoman suisse Timea Bacsinszky, il y a deux semaines, à Roland-Garros. Verdict : le premier n’a jamais été champion NBA et la seconde attend toujours de faire mieux qu’une demi-finale en Grand Chelem.

Cela ne veut pas dire qu’ils seront champions d’Europe dans un mois, mais les Bleus, eux, n’ont usé d’aucune métaphore pneumatique ni alcoolique pour décrire la pression qui les a étouffés autant que le pressing adverse lors du match d’ouverture, vendredi. Au contraire, en conférence de presse, au lendemain du miracle envoyé dans la lucarne roumaine par Dimitri Payet, Adil Rami et Olivier Giroud n’ont pas hésité, sans se réfugier complètement derrière, à mettre en avant la légère angoisse qui les avait saisis au moment d’entrer sur la pelouse.

« Hier [avant-hier, donc], le premier mot, sincèrement, ça a été soulagement’, a expliqué le défenseur central, appelé de dernière minute en sélection. Parce qu’il y a eu une énorme pression derrière nous, parce qu’on est dans notre pays, on est attendus, pas mal de monde nous met favoris, l’engouement des Français est extraordinaire. Après cette victoire, j’ai senti vraiment tout le monde soulagé, reposé, plus tranquille, et peut-être mieux pour la suite de la compétition. »

Le sourire du type content d’être là alors qu’il avait prévu de regarder l’Euro à la télé. AFP PHOTO / FRANCK FIFE

Dans les jours précédant le coup d’envoi de l’Euro, le son de cloche général évoquait une « pression positive ». Qui a donc positivement coupé les jambes des tricolores, à en croire Olivier Giroud : « Après-coup, c’est sûr qu’on va pas dire le contraire. Pour être honnête, on s’est fait la réflexion après le match, on était très crispés. Je vais pas trop rentrer dans les détails, mais les bouches pâteuses, du mal à déglutir’ Ce sont des symptômes qui témoignent d’une grosse appréhension, d’une crispation, vraiment. On va pas tout mettre là-dessus, mais les passes étaient peut-être moins assurées, moins claquées, moins précises. Voilà, c’est peut-être ce qui explique le surplus inhabituel de fautes techniques. »

« LES GENS NE SE RENDENT PAS COMPTE »

La veille, l’attaquant d’Arsenal, premier buteur de l’Euro, avait déjà souligné : « Vous savez, ce maillot bleu, surtout pour une compétition à la maison, les gens ne se rendent pas compte’ L’équipe de France, c’est le summum et jouer une compétition comme ça devant son public, ce n’est pas facile. »

On ne se rend pas compte, c’est une certitude, de ce qui se joue dans le crâne d’un être humain à qui on demande de bien jouer au football devant des dizaines de milliers de personnes dans un stade, et des dizaines de millions d’autres devant leur écran. On ne se rend pas compte de ce que peut ressentir un joueur qui rate un face à face avec un gardien dans ces conditions. Ou un Patrice Évra qui provoque un pénalty sous les yeux de 75 000 compatriotes.

Faute d’autres points de repère satisfaisants, on suppose que le stress du footballeur ressemble à celui de l’étudiant avant un exposé devant vingt camarades, ou du candidat avant un entretien d’embauche, mais puissance mille. Alors certes, un joueur apprend peu à peu, au fil de sa formation et des matchs, à vivre avec ce stress démentiel. Mais on a parfois des raisons de se réjouir de ne pas être footballeur professionnel, et celle-ci en est une.

« Un match d’ouverture, avait comparé Didier Deschamps vendredi soir, ça ressemble un peu à une finale. » Sauf qu’il reste encore six matchs à jouer pour gagner l’Euro, ce qui explique sans doute que les Bleus n’aient pas fait la bringue sur le trajet du retour à Clairefontaine : « Je ne sais pas si c’est parce qu’on était très fatigués, mais ça a été très sobre, raconte Giroud. On savait qu’on l’avait quand même échappé belle. Il n’y a pas eu de grosse explosion de joie, mais beaucoup d’applaudissements et d’encouragements. Encore une fois, c’était bien, bien, bien de gagner ce match ». Tellement bien, bien, bien que l’équipe de France a eu droit à une haie d’honneur dans de gros cercles bleu fluo à son retour à Clairefontaine vendredi soir.

Henri Seckel

A PART ÇA, quelques leçons de la première conférence de presse bleue depuis le début de l’Euro.

‘ Olivier Giroud porte des claquettes, comme le prouve ce cliché exclusif volé par Les Yeux sur les Bleus.

‘ Adil Rami n’est peut-être pas le plus rassurant des Bleus sur le terrain, mais il est sans doute l’un des plus drôles et des plus touchants en dehors.

‘ Olivier Giroud est honnête : il a reconnu que son but face à la Roumanie, marqué grâce à un subtil coup de coude sur le gardien, n’était pas tout à fait légal. « Sur l’action, je ne vois même pas que je lui touche le bras, mais c’est vrai que ça peut se siffler. Maintenant, vous savez, sauter les bras le long du corps, ça n’a jamais mené personne bien haut’ »

‘ Olivier Giroud se montre parfois philosophe, mais ça n’est pas très spontané. Réponse à une question sur son rendement personnel : « J’estime que’ » Silence. Puis, d’une traite, comme un texte appris par c’ur, et en toisant fièrement les journalistes : « La construction de la route vers la réussite n’est jamais terminée. J’aime bien la sortir celle-là, c’est mon frère qui me l’avait donnée. On pourrait la répéter bien souvent. Je l’aime beaucoup. »

‘ Parmi les deux titulaires de l’équipe de France venus parler à la presse hier, il y avait un type qui était un honnête joueur de Ligue 2 au FC Tours il y a six ans, et un autre qui, il y a dix ans, bossait comme agent de propreté de la ville de Fréjus et était chargé d’effacer les tags sur les murs. Lilian Thuram avait donc raison : tout peut arriver dans le football.

‘ Olivier Giroud surnomme Antoine Griezmann Grizi’, ce qui rime avec Titi’. La veille, Patrice Évra l’avait appelé Grizou’, ce qui rime avec Zizou’. On attend celui qui l’appellera Grizoche’, ce qui rime avec Platoche’. Ou Grizar’, ce qui rime avec Mickaël Madar’.

RIEN A VOIR, mais la chaîne Dailymotion de la FFF est assez chouette, et donne à voir de sympathiques images qui rappellent, d’assez loin quand même, l’ambiance des Yeux dans les Bleus (ou l’ambiance « de Les Yeux dans les Bleus » J’ai un doute).

TOUJOURS RIEN À VOIR, mais Libération publie dans son édition de ce week-end l’un des meilleurs textes écrits depuis le début de l’Euro, sinon le meilleur : Si vous n’aimez pas l’Euro, supportez l’Irlande du Nord, par Robert McLiam Wilson, écrivain local. Si ce texte était un but, ce serait celui de Dimitri Payet : un bijou.

ET ENFIN, il semblerait que la chronique d’hier ait été mal reçue par une partie des internautes de France et de Navarre. Je prie ceux qui ont été blessés dans leur chair de supporter amateur de bière, de kebab et de techno (catégorie à laquelle j’ai moi-même le plaisir d’appartenir, même si ça dépend de quelle bière, de quel kebab et de quelle techno on parle) de m’excuser. Je maintiens que le tumulte, vendredi après-midi, pouvait être vaguement hostile, pour peu que l’on ait mal dormi la veille, et que les abords du stade de France  un enchevêtrement de barrières métalliques, de fourgons de CRS et d’autoroutes n’étaient pas la zone la plus chaleureuse du pays. Peut-être ai-je utilisé un ton inadéquat pour l’exprimer. Si c’est le cas, j’en suis désolé, et je mettrai ça, comme les Bleus, sur le compte de la pression d’un Euro à domicile. La compétition est longue, je vais désormais prendre les matchs les uns après les autres.Allez le foot.Bon Euro à tous.

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