Le tableau mitigé de la réforme des rythmes scolaires

Le tableau mitigé de la réforme des rythmes scolaires

Le Monde
| 11.06.2016 à 07h40
Mis à jour le
11.06.2016 à 14h35
|

Par Aurélie Collas et
Mattea Battaglia

La gauche a-t-elle voulu aller trop vite ‘ Deux ans après la généralisation de la semaine de 4,5 jours d’école, le rapport des inspections générales sur son « efficacité pédagogique » le laisse penser. Il a été rendu public vendredi 10 juin, dans le sillage de plusieurs autres enquêtes sur la fatigue des enfants et sur l’organisation des activités périscolaires. Ensemble, ces travaux brossent un tableau très mitigé de la situation.

Première mise en garde des inspecteurs : non seulement il est trop tôt pour l’affirmer, mais l’éducation nationale ne s’est pas dotée des outils permettant de l’apprécier. Du coup, plus que d’une mesure objective, c’est d’un ressenti qu’ils se font l’écho.

Le retour de la cinquième matinée de classe, que la droite avait supprimée en 2008, est approuvé pour ce qu’il apporte : plus de temps pour traiter et approfondir le programme, aider les élèves en difficulté, mener des projets’ Mais des interrogations demeurent à la fois sur l’alourdissement des semaines et sur l’accroissement de la complexité des journées des enfants soit, précisément, ce à quoi le changement de rythmes devait remédier.

La maternelle, qu’une frange des enseignants et des parents auraient souhaité voir épargnée par la réforme, inquiète : « La réorganisation des après-midi, plus courts qu’auparavant, a réduit les temps d’apprentissage après la pause [du midi]. Cette réduction affaiblit le bénéfice de la matinée supplémentaire », écrivent les rapporteurs. A l’école élémentaire, mathématiques et français les « fondamentaux » , souvent enseignés le matin, y gagnent. Mais au détriment des sciences, des arts, du sport, décrits comme « en danger ».

Parmi les autres « chiffons rouges » agités au plus fort d’une contestation qui a coûté son poste au ministre de l’éducation de l’époque, Vincent Peillon, l’absentéisme des élèves se confirme, en particulier lorsque la demi-journée d’école a été fixée au samedi, et non au mercredi.

Dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Val-de-Marne et de La Réunion, 50 % des effectifs peuvent manquer à l’appel en maternelle ; 20 % en élémentaire. Le mercredi, le taux peut dépasser les 20 %. « Une augmentation de l’absentéisme, si elle se confirmait, serait de nature à remettre en question l’intérêt pédagogique de la réforme », écrivent les inspecteurs. Et de rappeler que le phénomène ne porte pas seulement préjudice aux absents mais à toute la classe, l’enseignant ajustant ses cours et son rythme en conséquence.

Les petits Français sont-ils moins fatigués ‘

Journées chargées et morcelées, siestes tronquées, et plus de mercredi pour souffler’ Ces effets supposés de la réforme sont largement ressentis sur le terrain, notamment en maternelle, apprend-on à la lecture d’une étude menée, à Arras, par l’Observatoire des rythmes (Ortej). A l’échelle nationale, c’est le même constat que dresse l’Inspection générale, avec pour conséquence : moindre attention des enfants, énervement, augmentation des incidents, retards’

Le ressenti est sévère. Il n’empêche : quand il s’agit de mesures scientifiques, les résultats sont plus positifs. La seconde partie de l’étude menée à Arras, conduite par le chronopsychologue François Testu, tend à démontrer que la nouvelle organisation « respecte les rythmes naturels des enfants ».

Début février, il a mené des tests d’attention dans huit écoles, quatre fois par jour, pendant une semaine. « Nous n’avons pas évalué la fatigue en tant que telle, qui n’est pas mesurable, mais l’attention des élèves et son évolution au fil de la journée et de la semaine », précise M. Testu.

Sa conclusion : les activités périscolaires n’entraînent pas de baisse de vigilance chez les enfants. Ceux qui y participent y gagnent même un peu sur le plan de l’attention. La réforme n’a pas non plus perturbé le rythme biologique « classique » des enfants, avec ses pics d’attention en fin de matinée et en fin d’après-midi. Enfin, « il n’existe pas de troubles du sommeil liés à l’aménagement du temps ».

Activités périscolaires : la même qualité pour tous ‘

On le sait, la réforme des temps de l’école s’est, dans les esprits, très vite transformée en réforme du périscolaire. Au point d’être jugée par les familles non plus à l’aune de son impact sur les apprentissages, mais au regard des activités proposées aux enfants une fois que la cloche a sonné leur intérêt, leur diversité, leur gratuité’

L’image statistique qu’en offre le gouvernement, en mêlant à l’enquête menée par la sénatrice Françoise Cartron (PS, Gironde) les rapports de la Caisse nationale d’allocations familiales et de l’Association des maires de France, est plutôt balancée : plus de neuf communes sur dix déclarent avoir organisé un accueil périscolaire sur les trois heures dégagées par la réforme. Reste qu’un tiers des communes a renoncé à la gratuité. Et, si la fréquentation des ateliers est présentée comme importante, 30 % des élèves les boudent tout de même en élémentaire ; 47 % en maternelle.

Difficile de gommer le sentiment qu’ont encore bien des parents d’une école « à plusieurs vitesses ». Avec une offre plus riche dans les grandes villes que dans les petites ; des ateliers mieux pensés dans les agglomérations pionnières, comme Paris, que dans celles qui, jusqu’à la date butoir de la rentrée 2014, ont traîné des pieds, à l’image de Marseille.

« Avec plus d’activités pour plus d’enfants, les communes rurales ont pleinement relevé le défi », nuance Mme Cartron. A-t-on fait mieux dans les villages qu’en ville ‘ « Il y a pour les communes rurales un enjeu vital à faire vivre leur école et proposer aux habitants une vraie offre’ C’est une question de survie », répond la sénatrice.

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