Le numéro un des drones de loisir accusé d’être  l »il de Pékin 

Le numéro un des drones de loisir accusé d'être  l''il de Pékin 

(AP Photo/Shizuo Kambayashi)

« La prochaine fois que vous ferez voler un drone DJI à Hong-Kong, sachez qu’il se pourrait que les autorités de Pékin voient ce que vous voyez ». Dés le premier paragraphe, l’article de Bloomberg publié le 21 avril donne le ton. Au point de provoquer un certain émoi dans la communauté des amateurs de drones de loisirs, en particulier dans l’ex-colonie britannique, désormais sous le contrôle de la Chine populaire. Selon cet article, DJI – société chinoise qui détient près des trois quarts du marché mondial des drones de loisirs – se déclare disposé à transmettre aux autorités de son pays les données (localisation, photos, vidéos) enregistrées voire transmises en live par ses utilisateurs. L’agence de presse se référait aux propos tenus, à Shenzen au siège de la société, par l’un de ses porte-parole. Celui-ci avait reconnu que DJI se trouvait en discussion avec les autorités de Pékin. « Nous avons formulé des suggestions aux régulateurs et leur avons indiqué que nous étions disposés à partager nos données » avait-il fait savoir. La même source avait, selon Bloomberg, ajouté que la façon de répondre à des demandes similaires qui pourraient émaner d’autres gouvernements, en Amérique ou en Europe, n’était pas encore clarifiée.

A (AP Photo/Shizuo Kambayashi)

Ces propos ont provoqué un vaste tollé, particulièrement à Hong Kong où l’on dénonce régulièrement les ingérences de la Chine continentale. « Cet affaire met DJI dans une position très inconfortable à l’égard des consommateurs internationaux. La société récupère énormément de données et nul ne sait exactement combien de temps elle les conserve » s’est inquiété Lokman Tsui, professeur à l’école de journalisme au sein de l’université de Hong Kong. DJI, surnommé « l’Apple chinois » pour son souci de jouer la carte des produits sophistiqués, pourrait-il être l’oeil de Pékin à Hong-Kong, voire ailleurs Selon le New York Times, l’idée selon laquelle la société s’apprêterait à partager ses data avec les autorités chinoises « pourrait faire tiquer les amateurs de drones de Hong-Kong ». D’autres média américains se sont également inquiétés de cette éventualité.

(AP Photo/Kin Cheung)

DJI a du monter au créneau pour désamorcer la polémique. « Dans l’éventualité ou la société recevrait une demande formulée dans le cadre de la légalité en provenance d’une agence gouvernementale, elle  transmettrait les informations demandées – exactement comme le feraient d’autres entreprises – dans le respect de notre politique de protection de la vie privée » qui prévoit notamment de signaler à l’intéressé que ses données ont été communiquées, a fait savoir un porte-parole. « C’est le cas en Chine mais aussi aux Etats-Unis et partout dans le monde » a-t-il ajouté. Pour sa part, le site The Verge considère que le numéro un mondial des drones de loisirs « ne peut pas faire fonctionner en permanence un oeil dans le ciel ». S’ils le souhaitent, les utilisateurs de drones de la marque chinoise, peuvent en effet partager leurs images et vidéos sur le réseau social SkyPixel au sein de l’application DJI.  Quant aux données de vols, elles peuvent être communiquées par le pilote à la « communauté DJI » mais à condition qu’il effectue une démarche volontaire. Ce sont là les seuls éléments dont la société peut avoir connaissance: le streaming vidéo entre le drone et le smartphone/tablette du pilote ne lui est pas accessible. Idem lorsque ces données sont stockées, à moins bien sûr de les hacker.

FRANCOIS NASCIMBENI

Comme toute entreprise chinoise, DJI n’est certes pas du genre à défier les autorités. Elle a, de son propre chef, programmé tous ses drones – qui déterminent leur position par GPS – afin qu’ils ne puissent décoller à proximité de la place Tiananmen. Un dispositif de « No fly zone » élargi au périmètre de la Maison Blanche et à d’autres lieux sensibles après qu’un Phantom de DJI se soit écrasé début 2015 dans les jardins de la Maison Blanche. De là à y voir le bras armé des services de renseignement de la Chine communiste, il y a cependant un pas difficile à franchir… Il n’en demeure pas moins que ce genre d’alerte, fut-elle un peu exagérée, est sans doute nécessaire pour maintenir en éveil les indispensables garde-fous relatifs à la protection de la vie privée que nécessite l’usage des drones.

Jean-Michel Normand 

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