Le grand soulagement après la victoire des Bleus contre la Roumanie

Le grand soulagement après la victoire des Bleus contre la Roumanie

Le Monde
| 11.06.2016 à 09h24
Mis à jour le
11.06.2016 à 11h06
|

Par Rémi Dupré

D’un pragmatisme à toute épreuve, Didier Deschamps a coutume de rétorquer aux journalistes trop pinailleurs que « l’essentiel est de marquer un but de plus que l’adversaire ». Doté d’une réputation de « gagneur » dépourvu d’états d’âme, le sélectionneur des Bleus ne risque pas de se départir de cette image après le court succès (2-1), acquis dans la douleur par ses protégés face à la Roumanie, vendredi 10 juin, au Stade de France, en match d’ouverture de l’Euro 2016. En proie à des fluctuations émotionnelles lors de ce piégeux baptême du feu, le patron des Tricolores a littéralement explosé de joie au coup de sifflet final.

La clameur qui émanait alors des travées de l’enceinte de Saint-Denis traduisait plutôt un grand soulagement. A défaut de verser dans l’extase, le public dionysien a entonné à plusieurs reprises La Marseillaise pour saluer l’abnégation de « son » équipe, victorieuse au terme d’une joute anxiogène. Nerveux, lessivés, les Bleus ont longuement communié avec leurs supporteurs avec le sentiment du devoir accompli. Ou plutôt celui d’avoir évité au football français une fâcheuse déconvenue. Voire un fiasco.

« C’est simple le foot quand on frappe dans les lucarnes, ça résout pas mal de problèmes »

Les Tricolores doivent leur salut à leur ailier Dimitri Payet, 29 ans, préféré au coup d’envoi au jeune Anthony Martial (20 ans) et élu homme du match par l’Union européenne des associations de football (UEFA). Redoutable tireur de coups francs, rentré, depuis mars, dans les bonnes grâces du sélectionneur, le joueur de West Ham s’est mué en sauveur de la nation. Son centre déposé sur la tête du buteur Olivier Giroud a d’abord remis en selle des Bleus sans moteur et anesthésiés. Dans les ultimes minutes de la partie, le Réunionnais a décoché une superbe frappe enroulée en pleine lucarne (89e), offrant in extremis un succès précieux à ses partenaires.

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« C’est simple le foot quand on frappe dans les lucarnes, ça résout pas mal de problèmes », a ironisé Didier Deschamps, pour qui « tout n’a pas été parfait, loin de là ». A la veille du coup d’envoi de cette quinzième édition de l’Euro, le technicien aux cheveux argentés avait pourtant prié ses hommes de faire abstraction de la dimension symbolique de l’événement. « Il ne faut pas s’en faire une montagne », avait déclaré le Bayonnais. Force est de constater que ses joueurs ont été tétanisés par l’enjeu, cueillis à froid par une formation roumaine roublarde, dont la défense n’avait encaissé que deux buts lors de la phase qualificative au tournoi.

Machine grippée

Au sortir d’un long tunnel de deux ans de matchs amicaux, les Bleus sont arrivés au Stade de France avec, sur leurs épaules, le poids des titres acquis à domicile par leurs aînés lors de l’Euro 1984 et du Mondial 1998. Les Tricolores ont pu mesurer l’attente du public de Saint-Denis dès leur séance d’échauffement. Après la cérémonie d’ouverture, qui se voulait un hommage au french cancan et aux jardins à la française, les hommes de Didier Deschamps ont pénétré sur la pelouse sous une nuée de drapeaux bleu-blanc-rouge.

Tandis que l’orchestre interprétait La Marseillaise, les joueurs ont fait bloc, comme soudés par leur préparation cauchemardesque, marquée par les nombreux forfaits (Raphaël Varane et Lassana Diarra pour ne citer qu’eux) et par la polémique suscitée par les récentes déclarations du banni Karim Benzema, qui accusait le sélectionneur « d’avoir cédé à la pression d’une partie raciste de la France » en ne le convoquant pas pour l’Euro.

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A défaut de bousculer leurs adversaires, les Bleus se sont rapidement embourbés. Si prolifique lors de ses quatre dernières sorties, la machine tricolore s’est soudainement grippée face aux Roumains, téléguidés par leur sélectionneur Anghel Iordanescu (66 ans), quart-finaliste du Mondial 1994 avec les Tricolorii.

Le public de Saint-Denis a d’ailleurs frémi en voyant Hugo Lloris, le capitaine et gardien français, sauver les siens dès l’entame du match. « Je n’ai pas oublié son arrêt décisif, qui nous permet de rester à 0-0 », a souri Didier Deschamps en conférence de presse d’après-match. Loin d’être sereine, la défense des Bleus a souffert, à l’image de la charnière centrale composée d’Adil Rami et de Laurent Koscielny, pataude et mal placée. Ironie du sort, c’est Patrice Evra, le vétéran (35 ans) et le plus chevronné des Tricolores, qui a provoqué l’égalisation des « visiteurs ». Sa faute grossière commise sur Bogdan Stancu a permis à ce dernier d’obtenir et de transformer un penalty sous les vivats de la coulée jaune massée en tribunes.

« On avait tout à perdre »

Au bord du gouffre, Didier Deschamps a alors lancé quatre joueurs à vocation offensive à l’assaut de l’inexpugnable forteresse. A l’unisson, les supporteurs français ont continué à encourager leur formation tout en scrutant l’horloge de l’enceinte. Le but libérateur de Dimitri Payet a mis un terme à cette séquence angoissante. Les larmes versées par le héros du soir, lors de son remplacement, ont d’ailleurs traduit l’intense charge émotionnelle causée par cette éprouvante entrée en lice.

« Ce match d’ouverture ressemblait à une finale, a assuré Didier Deschamps, le front perlé de sueur. On a payé le contexte de la cérémonie d’ouverture, du protocole. C’était fort émotionnellement et pas facile à gérer psychologiquement. Les joueurs sentent l’attente, la passion, la ferveur du public. Les Roumains n’avaient rien à perdre. Nous, on avait tout à perdre. »

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Dans les couloirs du Stade de France, les Bleus oscillaient entre agacement et douce satisfaction. « On n’a pas fait le match qu’on aurait voulu faire », a grincé le milieu Blaise Matuidi. « Ce soir, on n’a rien lâché. Il faut insister sur l’état d’esprit de l’équipe, ce bleu de chauffe qu’on a tous mis », confiait Patrice Evra, qui dispute avec la sélection sa cinquième compétition internationale.

« On sait ce qu’on n’a pas bien fait. On va corriger ça »

Ce succès ne doit pas camoufler les scories dans le jeu ainsi que les performances décevantes d’Antoine Griezmann et de Paul Pogba, les deux têtes d’affiche françaises. « On sait ce qu’on n’a pas bien fait. On va corriger ça », a promis Patrice Evra. Sommés d’atteindre au minimum le dernier carré de la compétition, les Bleus devront peaufiner leurs réglages avant d’affronter l’Albanie, mercredi 15 juin, à Marseille. Une formation robuste qui les avait fait chuter (1-0) en match amical, il y a presque un an.

En cas de succès, l’équipe de France validerait sa qualification pour les huitièmes de finale avant de défier, dimanche 19 juin, à Lille, la Suisse, sa principale rivale au sein du groupe A. « Notre victoire va nous donner de la confiance, de la sérénité », a martelé Didier Deschamps tout en rappelant, une énième fois, que « c’est le résultat qui compte avant tout ».

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