Le dialogue social est grippé à la Lufthansa

Le dialogue social est grippé à la Lufthansa

Les pilotes de la compagnie allemande ont commencé, mardi, leur 15e grève en deux ans et demi. L’entreprise a connu d’importants débrayages au cours des dernières années, pas seulement à l’initiative des pilotes.

A la Lufthansa, les grèves se suivent. Inexorablement. Et durent. Longtemps, souvent. Mardi 29 novembre, les pilotes de la compagnie aérienne allemande ont ainsi repris leur mouvement, engagé mercredi 23 novembre. Il s’agit de leur’ quinzième arrêt de travail en l’espace de deux ans et demi.

Mercredi, 890 vols ont été annulés, affectant environ 98 000 passagers, selon la Lufthansa. Au total, les six journées de grève depuis la semaine dernière ont entraîné l’annulation de 4 461 vols, selon un calcul de la Lufthansa.

Pourquoi les pilotes font-ils grève ‘

L’appel à la grève a été lancé par Vereinigung Cockpit (VC), qui représente les 5 400 pilotes de la compagnie. Le syndicat déplore que ces derniers, faute d’accord, n’aient pas bénéficié d’une revalorisation salariale depuis plus de cinq ans. VC réclame une augmentation annuelle moyenne de 3,66 %, mettant en avant les bénéfices de plus de 5 milliards d’euros dégagés par la Lufthansa durant cette période. La direction a fait une offre très éloignée, qu’elle a revue vendredi 25 novembre en proposant une prime représentant 1,8 mois de salaire pour compenser l’absence de revalorisations depuis 2012, ainsi qu’une augmentation salariale de 4,4 % sur deux ans. Ce qu’a rejeté le syndicat.

La compagnie est-elle en situation difficile ‘

La compagnie allemande est le premier transporteur aérien européen (107,7 millions de passagers en 2015, + 1,6 % par rapport à 2014). Mais, comme toutes ses homologues européennes, elle est malmenée par les compagnies à bas coûts, Ryanair ou easyJet, et par les compagnies du Golfe sur ses vols long-courriers. Autant de raisons de vouloir réduire les coûts.

Pour répondre à ces défis, la compagnie accélère le développement de ses filiales à bas coûts, comme Eurowings, dont elle veut faire la troisième compagnie low cost d’Europe. C’est d’ailleurs cette volonté de développement dans le bas coût qui a contribué aux premiers mouvements de grève des pilotes, il y a deux ans et demi. Au début de la mobilisation, en avril 2014, le syndicat VC contestait les projets de révision du système des départs en retraite anticipés et s’inquiétait des plans d’embauche de pilotes moins bien payés dans le cadre de l’essor d’Eurowings.

Pour la direction de la Lufthansa, les pilotes de la compagnie sont parmi les mieux payés du secteur. Selon elle, un copilote en début de carrière gagne 6 550 euros brut par mois, un commandant de bord en fin de carrière plus de 22 000 euros.

Pourquoi cette grève dure-t-elle depuis si longtemps ‘

La direction a proposé au syndicat VC une procédure d’arbitrage. Sans succès. Le groupe a également tenté de faire interdire la grève par la justice. En vain. La semaine dernière, le tribunal du travail de Munich a rejeté sa demande, en référé. La Lufthansa a interjeté appel, a précisé le tribunal.

Pour autant, la durée de ce conflit n’est pas inédite. La compagnie a déjà fait face à des conflits de longue durée avec d’autres catégories de personnel. Les personnels au sol. Ou encore les personnels navigants. Et, à chaque fois, la résolution de ces conflits a nécessité de longs mois de discussions.

En février et mars 2012, les personnels au sol de l’aéroport de Francfort et Berlin Tegel s’étaient mis en grève à l’appel du syndicat Verdi (Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft, « syndicat uni des services »), autour de questions salariales. Ce n’est qu’à la fin de novembre 2015 que la direction de la Lufthansa était parvenue à régler ce dossier en concluant un accord sur les salaires, mais aussi sur les retraites.

En ce qui les concerne les personnels navigants commerciaux (PNC stewards et hôtesses de l’air), ils avaient observé, à partir de septembre 2012, une série de grèves à l’appel de l’UFO (Unabhängige Flugbegleiter Organisation, organisation des personnels de bord). Là aussi il était question de salaires : demande d’une hausse de 5 % sur douze mois après trois ans de stagnation, la direction ne voulant accorder que 3,5 %. Les PNC s’opposaient également au recours à du personnel intérimaire.

Après des mouvements très suivis en septembre 2012, direction et syndicat s’étaient mis d’accord pour faire intervenir un médiateur, procédure classique dans les conflits sociaux allemands, qui entraîne la suspension des grèves. Mais les négociations avaient traîné en longueur. Jusqu’à une nouvelle grève des PNC en novembre 2015 (sept jours d’affilée).

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Ce n’est que le 30 juin 2016, au terme d’une médiation menée par Matthias Platzeck, un ancien dirigeant du Parti social-démocrate (SPD), que direction et syndicat étaient parvenus à un compromis : pas de licenciement sec parmi le personnel de bord jusqu’en 2021 ; pas de recours à du personnel extérieur sur les vols jusqu’en 2023 ; hausse de salaire pour les 19 000 stewards et hôtesses de l’air ; modification du système de retraite.

La Lufthansa est-elle la seule compagnie concernée par les mouvements sociaux ‘

D’autres conflits sociaux restent en suspens dans le groupe, qui englobe, outre la Lufthansa, les compagnies Swiss, Austrian Airlines et les filiales à bas coût Eurowings et Germanwings. A la fin d’octobre et en novembre, Verdi et UFO ont appelé le personnel au sol et les PNC à faire grève chez Eurowings et Germanwings. Les revendications d’UFO portent sur plusieurs sujets, dont les rémunérations et la garantie de l’emploi. A Germanwings, elles concernent le temps de travail. Verdi demande la négociation d’une convention collective spécifique.

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