Le bachelor séduit les étudiants… mais dérange les universités

Le bachelor séduit les étudiants... mais dérange les universités

Le Monde
| 20.04.2016 à 11h32
Mis à jour le
21.04.2016 à 09h54
|

Par Benoît Floc’h

Le bachelor séduit, et cela commence à rendre les universités nerveuses. Au point que celles-ci tapent du poing sur la table et demandent officiellement à l’Etat de mettre de l’ordre dans le premier cycle postbac. La Conférence des présidents d’université (CPU) a ainsi diffusé un communiqué le 8 avril : «’Bachelor et licence’: stop à la confusion.’»

Difficile, pour les bacheliers, de se retrouver dans l’offre pléthorique d’après-bac. A côté de la licence (le cycle universitaire public), des classes préparatoires ou des instituts universitaires de technologie, de plus en plus d’écoles proposent des formations en trois ou quatre ans juste après le bac.

En France, les universités détiennent le monopole de la « licence », unique diplôme à bac +3 reconnu par l’Etat

Traditionnellement positionnées sur le bac + 5, elles investissent massivement le bac + 3. Ces cursus, facturés de 4’000 à 8’000 euros par an, seraient une centaine, principalement dans les écoles de commerce. Mais d’autres établissements, comme les écoles d’ingénieurs publiques ou le Centre de formation des journalistes, par exemple, s’y mettent. Ils débouchent donc sur un «’bachelor’», nom donné dans les pays anglo-saxons au premier diplôme universitaire. En France, en effet, seules les universités détiennent le monopole de la «’licence’», unique diplôme à bac + 3 reconnu par l’Etat.

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Or, si les universités s’inquiètent de cette concurrence de plus en plus acharnée sur le premier cycle universitaire, c’est que les écoles souhaitent dorénavant obtenir la reconnaissance officielle du bachelor. L’enjeu’: qu’il ouvre droit à poursuivre ses études en master. Pour les universités, c’en est trop. La CPU demande que «’l’Etat affirme clairement, y compris réglementairement, que l’appellation licence est la seule en France pour les formations reconnues par l’Etat de niveau bac + 3 et que sa traduction à l’international est bachelor »». «’Le terme de bachelor’, déplore-t-elle, est utilisé de façon anarchique pour désigner des diplômes qui se revendiquent de niveau bac + 3 ou bac + 4, de qualité et de reconnaissance hétérogènes.’»

Toulouse Business School indique par exemple sur son site que son bachelor «’est reconnu à bac + 3 comme une licence universitaire. C’est une question importante, car les bachelors ne sont pas forcément tous des diplômes, ce qui peut poser problème pour la poursuite des études’». Le directeur de l’école, François Bonvalet, souligne que la formation est « visée » par l’Etat. « Donc, assure-t-il, de facto, il s’agit bien du même niveau qu’une licence universitaire ». Pour le reste, «’nous avons la même position que la CPU, dit-il. Nous aussi, nous voudrions que du ménage soit fait, y compris dans les licences universitaires d’ailleurs, car il y a des licences de mauvaise qualité’».

Les esprits s’échauffent

Ce que souhaitent les écoles, c’est que l’Etat délivre le grade licence sur le seul critère de la qualité de la formation, indépendamment du statut de l’établissement qui la délivre. «’La France est dans une situation singulière, justifie Arnaud Poitou, pour la Conférence des grandes écoles. Elle compte plus de diplômés à bac + 5 que de diplômés à bac + 3. Par ailleurs, partout dans le monde, l’enseignement supérieur explose. Entre 2000 et 2015, il y a eu 250 millions d’étudiants supplémentaires. Cela représente 2’500 milliards d’euros. La France veut-elle participer à cette bataille » Si oui, universités et grandes écoles doivent proposer des formations lisibles à l’étranger.’»

Sauf que «’la CPU ne peut pas accepter que l’Etat reconnaisse, voire finance (que ce soit comme diplôme ou comme grade), de nouvelles formations sélectives, payantes, au contenu pédagogique variable, ouvrant aux mêmes droits que les licences, alors que dans le même temps il est demandé aux universités, seuls établissements habilités à délivrer le diplôme national de licence, d’accueillir en licence tous les bacheliers sans aucun prérequis et avec des niveaux de financement notoirement insuffisants’».

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Bref, les esprits sont passablement échauffés. Et le secrétariat d’Etat chargé de l’enseignement supérieur se montre donc prudent. Il a certes demandé à la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion de réfléchir au cas des bachelors. Mais «’il n’y a aucun objectif de délivrance du grade licence à ce jour’», indique l’entourage du secrétaire d’Etat, Thierry Mandon. Pour le reste, on rappelle de même source que «’l’Etat n’a pas vocation à réglementer le bachelor. Cela relève de la liberté d’organisation de l’enseignement supérieur. Nous veillons cependant à ce qu’il n’y ait pas de tentative de s’attribuer le soutien de l’Etat quand il n’y a pas lieu’».

Bien choisir son bachelor

La formation est-elle certifiée » L’Etat tient à jour le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Ce n’est pas un label de qualité, mais la reconnaissance d’un degré de qualification d’un diplôme à finalité professionnelle.

L’école est-elle reconnue » Après évaluation de l’établissement, et non de la pédagogie, une école privée peut être reconnue par l’Etat. Par ailleurs, la Conférence des grandes écoles rassemble les écoles reconnues délivrant un diplôme en cinq ans ayant le grade de master.

L’école est-elle accréditée » Trois labels donnés par des organismes étrangers indépendants sont un gage de qualité’: EQUIS, AACSB et AMBA.

Le diplôme est-il visé » En donnant son visa, après évaluation du contenu, l’Etat garantit une qualité minimale de la formation.

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