La zone euro tient enfin un accord  global  sur la dette grecque

La zone euro tient enfin un accord  global  sur la dette grecque

Le Monde
| 25.05.2016 à 02h36
Mis à jour le
25.05.2016 à 05h37
|

Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)

La réunion des ministres des finances de l’Eurozone sur la Grèce fut interminable, « constructive mais difficile » pour reprendre les termes du commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici. Mais finalement, tous ont eu ce qu’ils voulaient. Le Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement Tsipras à Athènes et les Européens ont enfin pu brandir, à l’issue d’une dizaine d’heures de négociations, mercredi 25 mai, vers 2 heures du matin à Bruxelles, un accord « global » devant une salle de presse à moitié vide du Conseil européen. Le but était d’éviter à tout prix une nouvelle crise grecque, qui aurait risqué de polluer le référendum britannique à venir sur le « Brexit », la sortie de l’Union.

Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, s’est félicité de ce résultat :

« C’est un moment important dans le long programme grec, un moment important pour chacun d’entre nous, depuis l’été dernier, quand nous avons été traversés par une crise majeure de confiance. »

« Cet accord est d’abord un acte de confiance vis-à-vis de la Grèce d’aujourd’hui », a commenté de son côté le ministre français des finances, Michel Sapin. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est réjoui de cette annonce, saluant un « message fort pour la stabilité de la Grèce, de l’Europe et de l’économie mondiale ».

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Alléger l’énorme dette grecque

Même s’il est illisible pour les non initiés, ceux qui ne suivent pas au jour le jour les négociations bruxelloises autour de la crise grecque, cet accord permet deux choses, importantes : le déblocage de nouvelles tranches de prêts et un allégement de la dette.

L’accord ouvre la voie, dès juin, au déboursement d’une tranche de prêts de 7,5 milliards d’euros pour la Grèce. Quelque 2,8 milliards d’euros supplémentaires devraient suivre au début de l’automne, à condition qu’Athènes avance dans la privatisation de certains actifs publics, continue à réformer son secteur de l’énergie, améliore la gouvernance de ces banques, etc.

Ce montant total de 10,3 milliards d’euros va permettre au troisième plan d’aide au pays de 86 milliards d’euros, lancé en août 2015, de reprendre son cours. Il était à l’arrêt après un premier versement de plus de 20 milliards d’euros à l’automne 2015. Il va surtout éviter à l’Etat grec un défaut de paiement, alors qu’il commençait à manquer de liquidités et qu’il devait rembourser courant juillet plus de 3 milliards d’euros à la Banque centrale européenne, l’un de ses créanciers, avec le FMI et le Mécanisme européen de stabilité (MES).

L’Eurogroupe a aussi accepté d’alléger l’énorme dette grecque (180 % de son produit intérieur brut), au moins jusqu’à la fin 2018, à la fin du troisième plan d’aide au pays. Le processus passera par des opérations très techniques de rachats et de levées obligataires par le MES pour lisser les taux d’intérêts liés aux différents prêts à la Grèce. Les Européens ont encore accepté de considérer, à la fin du programme, si tout le contrat « réformes contre prêts » a été rempli, de nouvelles mesures de restructuration de la dette (allongement des durées d’amortissement, déjà conséquentes, des périodes de grâce, sans paiement ni des intérêts ni du capital), afin de maintenir les besoins bruts de financement du pays (l’épargne brute) sous la barre des 15 % du PIB « à moyen terme ».

Participation, ou non, du FMI

Tous ces points étaient déjà quasiment acquis mardi après midi quand les grands argentiers européens sont arrivés à Bruxelles pour leur réunion marathon. De fait, le gouvernement Tsipras, en bon petit soldat depuis qu’il a cédé au chantage au Grexit des Européens, à l’été 2015, a fait adopter quasiment toutes les réformes de rigueur exigées par ses créanciers. Le 8 mai, le leader du parti de gauche radicale Syriza avait réussi à imposer au Parlement grec, malgré sa courte majorité, une ambitieuse réforme des retraites. Dimanche 22 mai, c’était notamment la mise en place du fonds de privatisations exigé par Berlin qui était à son tour validé. Plus rien ne s’opposait, théoriquement, au déboursement d’une nouvelle tranche de prêts.

Pour ce qui est des mesures d’allégement de la dette à court terme (avant 2018), les Européens s’étaient engagés depuis des mois à s’y atteler et c’était le moins qu’ils pouvaient faire après les efforts grecs. Des efforts que même Poul Thomsen, l’intransigeant directeur du département Europe du FMI, a salués.

En réalité, l’essentiel de la discussion a tourné autour de la participation, ou non, du FMI au troisième plan d’aide, et à quelles conditions. Cela fait des mois que le Fonds de Washington, impliqué au côté des Européens depuis 2010 dans les deux premiers plans de sauvetage de la Grèce, hésite à débloquer de nouveaux prêts pour Athènes.

Au sein de son conseil d’administration, des membres, pays d’Asie en tête, estiment que le Fonds a déjà bien assez bien trop aidé Athènes. Pour justifier d’un nouveau plan, le FMI doit s’assurer que la dette grecque est « soutenable », et ses techniciens estiment qu’à ce stade, elle ne l’est pas. Pour le FMI, les Européens (qui, au travers du MES, en détiennent l’essentiel), doivent en conséquence accepter une réduction significative de la dette sur le long terme dans les décennies qui viennent.

Bras de fer entre le FMI et Berlin

Le problème, c’est qu’un certain nombre de pays de l’Union, Allemagne en tête, refusent obstinément un tel allégement massif de la dette grecque. Mais, paradoxe, Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, a promis au Bundestag que le pays ne versera pas un euro de plus à Athènes si le FMI ne participe pas au troisième plan’ Pour les Allemands, le Fonds est une garantie de sérieux, de sévérité, par rapport à une Commission européenne jugée trop politique, voire laxiste vis-à-vis d’Athènes.

Ces dernières semaines, le débat entre Athènes et ses créanciers s’est donc résumé à un bras de fer entre le FMI et Berlin. Et mercredi dans la nuit, il apparaissait que c’était plutôt les Allemands, la ligne Schäuble, qui l’avait emporté. L’Eurogroupe, dans le communiqué final, accepte d’activer un « mécanisme » avec des mesures d’allégement de dettes supplémentaires afin de respecter la cible de besoin brut de financement, entre 15 % et 20 %, mais sans entrer davantage dans les détails.

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De son côté, le FMI s’engage à « proposer à son conseil d’administration un arrangement financier avant fin 2016 », avant d’avoir la preuve, chiffrée, que la dette grecque est soutenable. Alors qu’il était censé procéder à l’exercice inverse il y a encore quelques jours : d’abord se convaincre que la dette grecque serait soutenable, puis engager son conseil d’administration’ « Le Fonds a cédé, il a dit juste ce qu’il faut pour que les Etats membres puissent obtenir de leurs parlements le droit de débourser une tranche de prêt supplémentaire pour Athènes », témoignait une source diplomatique, mercredi.

Qu’en pensaient les Grecs, mercredi ‘ Euclide Tsakalotos, le très efficace et très apprécié (à Bruxelles), ministre des finances hellène a salué un accord historique, qui marquerait un tournant pour le pays, etc. Obtenir une nouvelle tranche d’aide et des concessions, même partielles, était nécessaire, côté Tsipras, pour justifier sa docilité à l’égard du programme de réformes exigé ses créanciers. Mais à Bruxelles, mercredi, les Grecs semblaient largement spectateurs de leur destin, résignés à ce qu’il soit en partie pris en otage par Berlin et le FMI.

En a-t-on pour autant fini avec la « crise grecque » ‘ Pas sûr : à en croire la « roadmap » définie par l’Eurogroupe, mercredi, les discussions sur la dette hellène devraient reprendre de plus belle à la fin de l’année’

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