La gazette de la Croisette #11 , derniers visages dernier virage

La gazette de la Croisette #11 , derniers visages dernier virage

Isabelle Huppert étincelle dans le long-métrage de Paul Verhoeven, présenté en séance de presse vendredi 20, qui a enthousiasmé Jean-François Rauger : « Près de dix ans après son précédent film pour le cinéma (Black Book), produit aux Pays-Bas et considéré alors comme un retour au giron natal de celui qui avait subverti en profondeur le cinéma hollywoodien, ses blockbusters, ses mondes imaginaires et cauchemardesques, Paul Verhoeven revient. Et il est très en forme. Elle est une production française. Isabelle Huppert en est la vedette. C’est l’adaptation du roman de Philippe Djian, Oh’ (Gallimard, Prix Interallié en 2012). Pour qui est persuadé de l’importance du cinéma de l’auteur de Robocop, le projet semble à la fois incongru (premier titre francophone du Néerlandais) et superficiellement évident (un sujet sulfureux, adjectif accolé trop souvent à l »uvre du cinéaste). » Et d’ajouter : « Il serait pourtant insuffisant d’aimer Elle avec le sentiment que le film opérerait une transgression scandaleuse, une inversion morale réjouissante qui épaterait le bourgeois. Les enjeux y sont bien plus complexes que cela. Car le film apporte, avec une évidence presque trop intense, une pierre supplémentaire à l’édifice construit par le cinéaste édifice s’adaptant insolemment à toutes les économies et toutes les géographies. »

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Paul Verhoeven, la chair et le sang

Parmi les films en compétition projetés hier, The Last Face, de Sean Penn a fait l’unanimité contre lui. Isabelle Regnier estime que « le grand film engagé du président du jury 2008, Sean Penn, pulvérise tous les records d’obscénité enregistrés à Cannes et Dieu sait qu’ils sont élevés ». Elle explique : « Ce pourrait n’être qu’une croûte boursouflée de plus, avec Jean Reno et Adèle Exarchopoulos au générique. Mais c’est hélas plus que cela : le cri hystérique d’une superstar en plein ego-trip, qui instrumentalise la violence affolante de deux des pires conflits qui aient ravagé l’Afrique ces dernières années, pour en faire un spectacle gore et dégoulinant de pathos. »

Par ailleurs, le documentaire de Bernard-Henri Lévy, Peshmerga sélectionné (hors compétition) à la dernière minute alors que le Festival avait déjà commencé n’a pas convaincu Thomas Sotinel : « Peshmerga est un long-métrage de propagande, à la gloire des combattants kurdes. C’est un film nomade qui suit la ligne de front jusqu’à la frontière syrienne (‘) Il y a là un matériau dont la richesse est sapée par le commentaire incessant de l’auteur. La finalité avouée de ce film est de susciter assez d’enthousiasme à l’égard des peshmergas pour que ceux-ci soient mieux soutenus par la coalition à l »uvre contre l’EI. Le moyen emprunté est désuet (‘) Les termes belliqueux, un peu naïfs, renvoient à la propagande filmée du siècle dernier, tirant entre les images et la compréhension qu’on pourrait en avoir un rideau opaque. »

Enfin, du côté des sections parallèles, l’heure est au bilan : « plus mitigé qu’en 2015 » pour la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique, qui tiennent leur rang mais n’en sortent pas selon Thomas Sotinel, et marqué par « une idée du cinéma aventureuse, ouverte aux quatre vents » pour l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), d’après Isabelle Regnier.

Adolescent, « je considérais Rimbaud et Baudelaire comme des rockstars, des chamans. A mes yeux, la même rébellion courait d’Iggy Pop à William Blake, du MC5 à Walt Whitman. J’ai déménagé à New York, pour étudier la poésie. J’y ai découvert les vers exubérants de Frank O’Hara, de Ron Padgett. Vous pouvez me tuer ou me jeter en prison, ces types-là resteront en moi », confie Jim Jarmusch à Aureliano Tonet. Le cinéaste américain présentait deux films à Cannes, Paterson (en compétition) et Gimme Danger (en séance de minuit, hors compétition), un documentaire consacré aux Stooges, le groupe d’Iggy Pop. Et il précise à propos de Paterson, la ville du New Jersey qui donne son titre au film : « Cette ville est un microcosme de l’Amérique. Les premières manufactures de textile du pays y ont vu le jour, à cause de ses cascades. Elles ont attiré des générations d’immigrés, d’abord irlandais ou italiens, puis des Noirs, des Sud-Américains, beaucoup d’arabophones aussi si bien que Donald Trump a prétendu que des milliers de musulmans y auraient célébré les attaques du 11-Septembre, ce qui est faux, bien sûr. Paterson a marqué l’histoire de l’anarchisme, du syndicalisme. Ainsi, étrangement, que celle de la poésie : Ginsberg y a vécu, William Carlos Williams, l’un de mes poètes préférés, lui a consacré un livre c’est par lui que j’ai découvert cette ville, il y a vingt-cinq ans. Il était médecin ; parmi ses patients figurait Robert Smithson, autre artiste que je révère. »

« Au banquet, une bande de septuagénaires chasse à grands cris deux jeunes gens pour occuper une table tout entière. Personne n’intervient. Ici, la racaille, c’est les retraités. Ils se croient tout permis’, souffle un serveur. Je reconnais quelques policiers en civil devant des assiettes d’aïoli. A Cannes, ce sont eux qui reçoivent les premiers la sélection officielle. On vérifie qu’il n’y a pas de films à scandale.’ La notion a une valeur toute locale ici : Rien sur la guerre d’Algérie’. » Dans sa chronique Red Carpet de ce samedi, Florence Aubenas raconte le traditionnel banquet de l’aïoli, offert chaque année par le maire de Cannes aux journalistes et à quelques notables. Elle y a croisé, entre autres, Mourad, « chauffeur de femmes » pour une famille saoudienne, et une fanfare aux expressions imagées : « La Palme, coup de pied au cul » ou « Pas de Palme, du Ricard ».

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Les stars du Festival de Cannes en 29 portraits

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