Judo , Gneto et Euranie dos à dos avant les championnats d’Europe

Judo , Gneto et Euranie dos à dos avant les championnats d'Europe

Priscilla Gneto et Annabelle Euranie sont alignées toutes deux aux championnats d’Europe, jeudi 21 avril à Kazan. Mais seule l’une d’elles ira aux Jeux. La bataille fait rage chez les -52 kg.

Priscilla Gneto et Annabelle Euranie, en avril, à l’Insep. Photo: Florent Bouteiller

Entre Priscilla Gneto et Annabelle Euranie, le c’ur des entraîneurs de l’équipe de France balance. Quitte à parfois faire du yoyo. Voilà deux ans maintenant que les deux judokas leaders de la catégorie des -52 kg sont engagées dans une course à la sélection olympique sans merci. Une épreuve d’endurance, aussi bien psychologique que physique, qui devrait s’achever sur les rives de la Volga, à Kazan, en Russie, à l’issue de la première journée des championnats d’Europe, jeudi 21 avril. Au soir de cette épreuve couperet, l’une des deux Françaises aura normalement son ticket en poche, laissant sa rivale au vestiaire avec les éternels regrets qui vont avec.

« C’est le dernier gros événement. Toute l’année, on s’est tiré la bourre avec Annabelle sur les tournois. Sur mes sept participations, j’ai ramené six médailles », constate Priscilla Gneto qui, fair-play, relève également les performances flatteuses de sa compatriote, avant tout rivale. « Elle a gagné le Tournoi d’Abu Dhabi et quelques médailles aussi’ C’est donc difficile de nous départager. Les Europe, ce sera le moment de nous séparer donc c’est à nous de faire la différence pour montrer qu’on est la personne adéquate qu’il faut envoyer aux Jeux », poursuit, lucide, la sociétaire de Levallois. « Je suppose que celle qui fera une perf’ aux Europe aura une longueur d’avance », anticipe Annabelle Euranie, plus prudente, qui mise aussi sur le Masters de Guadalajara (27 au 29 mai), au Mexique, pour dépasser sa concurrente.

Annabelle Euranie, -52 kg. Photo: Florent Bouteiller

Il y a trois ans, personne n’aurait misé un kopeck sur Annabelle Euranie pour faire les Jeux olympiques de 2016. Et pour cause, cela fait sept ans que la judoka n’avait plus remis un kimono. Championne d’Europe et vice-championne du monde en 2003, le nom cette ancienne évoquait une gloire passée qui avait décidé, sur un coup de tête, de prendre sa retraite à l’âge prématuré de 24 ans. Le retour semblait d’autant plus impossible qu’entre-temps, l’athlète était devenue mère de deux enfants, alternant vie de famille et son travail aux douanes, à la sûreté aérienne à Roissy. « Je m’étais arrêtée du jour au lendemain, peut-être pour de mauvaises raisons’, raconte la judoka de Blanc-Mesnil, la voix chargée d’émotion. J’étais lassée mais ça avait un goût d’inachevé. Et aujourd’hui, je finis ce que j’avais commencé. »

C’est un banal entraînement, au cours de l’été 2013, qui raviva la petite flamme qui sommeillait en elle. Dès le mois d’octobre, à 31 ans, elle pointait le bout de son nez aux championnats de France 2e division qu’elle remportait haut la main. Une performance qui lui ouvrait grandes les portes de l’élite, aux championnats de France 1ère division à Marseille où elle fit de sacrés dégâts avec ses grands uchi-mata (technique de hanche) acérés. Troisième, la Française eut tôt fait, en à peine quatre mois, de retrouver le circuit international. Il faudra attendre 2014 pour qu’elle parvienne à retrouver ses marques, mais c’est en 2015 qu’elle explose au plus haut niveau. Victorieuse du Grand Prix de Zagreb et du Masters de Rabat, elle s’offre une médaille d’argent inattendue aux championnats d’Europe à Bakou, ce qui lui permet de prendre le leadership national de la catégorie des -52 kg qu’elle n’a depuis plus lâché.

« Parfois, je pense à ces trois dernières années et je me dis que c’est assez incroyable. Mais plus j’en fais et plus j’en veux. C’est ça l’âme de compétiteur », assure la judoka de 33 ans qui aura bien besoin de son mental de « guerrière » pour participer à nouveau à des JO, douze ans après ceux de Sydney où elle avait terminé au pied du podium (5e). Car entre-temps, rassérénée par la montée en puissance de son illustre aînée, Priscilla Gneto a réalisé un retour tonitruant, en octobre 2015, en s’emparant de la médaille de bronze au Tournoi de Paris (une épreuve qui a traditionnellement lieu en février, mais décalée en 2015 pour cause de travaux à Bercy).

Cinq mois plus tard, dans un Tournoi de Paris plus relevé, en février 2016, les deux judokas se rencontrent en quarts de finale. En battant sa rivale, Annabelle Euranie pense avoir marqué de précieux points dans la course olympique. Mais en demi-finale, elle butte violemment sur la prodige Kosovare Majlinda Kelmendi qui la renverra sur la troisième marche du podium, aux côtés, tout sourire, de sa compatriote, bronzée comme elle. D’autant que deux semaines plus tard, Priscilla Gneto enfonce le clou en atteignant la finale du Grand Slam de Düsseldorf en Allemagne. Une performance qui remet les deux athlètes sur un même pied d’égalité. « Cette concurrence nous a tirées vers le haut, ça nous a donné les crocs. D’ailleurs, la catégorie des -52 kg est celle qui ramène le plus de médailles. Ce n’est pas anodin, analyse Annabelle Euranie. On se bat pour cette place et cela nous rend plus fortes. Après, je ne dirais pas non si j’étais qualifiée d’office mais ça me plaît aussi. J’ai toujours aimé la concurrence… »

Même son de cloche du côté de Priscilla Gneto qui a, elle aussi, l’expérience des retournements de dernière minute et préfère volontiers la place de challenger. En 2012, alors que sa rivale Pénélope Bonna était pressentie pour disputer les JO de Londres, la Levalloisienne avait été préférée au tout dernier moment. Une sélection honorée de fort belle manière puisque l’athlète avait ramené d’outre-manche une médaille de bronze obtenue avec panache en battant le Belge Ilse Heylen sur un somptueux harai-goshi. « C’est magique, je ne l’oublierai jamais. D’ailleurs, quand j’ai des coups de mou, je vais regarder ce combat pour me redonner du peps. »

Priscilla Gneto, à l’Insep en avril. Photo: Florent Bouteiller

Malheureusement, l’état de grâce sera de courte durée. Immédiatement après l’euphorie des Jeux, la judoka passe sur le billard pour être opérée de l’épaule. Une blessure au genou achèvera de gâcher totalement sa saison 2013 et 2014 quelques mois plus tard. « C’était rageant d’être stoppée comme cela sur ma lancée. C’était dur de voir les copines en plein progression. Parfois, j’ai eu envie de tout arrêter, confie Priscilla Gneto. Je me disais : « C’est bon, tu l’as eu ton moment de gloire, t’as fait ta médaille aux Jeux' » Mais ça sonnait faux. Mon corps et mon c’ur n’étaient pas en accord avec ce que je disais. »

Annabelle Euranie, elle, ne se pose pas de question. L’éventualité de ne pas être sélectionnée pour l’épreuve planétaire au Brésil ne lui a d’ailleurs jamais effleuré l’esprit. « Je suis dans une démarche où je donne tout ce que j’ai pour être plus forte. Après, c’est pas juste pour être sélectionnée. Je sais que lorsque je mets tout en application, je suis forte et je peux faire de belles choses. Donc je ne me dis pas que je n’y serai pas. » Sur le sujet, Priscilla Gneto relativise davantage même si elle reconnaît qu’une non-sélection serait l’occasion d’une « grosse remise en question ». « Après, la vie continue, mais c’est clair que je serai dégoûtée. L’essentiel, c’est de tout donner pour ne pas avoir de regrets. » Et des regrets, la Levalloisienne pourrait en avoir si jamais elle ne voit pas la cité carioca. Car le représentant de l’équipe de France en -90 kg n’est autre qu’Alexandre Iddir, son compagnon dans la vie. Et vivre l’aventure olympique main dans la main serait « fabuleux », décrit Priscilla Gneto.

Alexandre Iddir et Priscilla Gneto. Photo: Florent Bouteiller

Indépartageables, les deux Françaises le sont aussi sur un autre point. Jusqu’à maintenant, aucune d’elle n’a réussi à inquiéter Majlinda Kelmendi, une Teddy Riner version poche qui domine de la tête et des épaules leur catégorie. Double championne du monde en 2013 et 2014, la Kosovare est la grandissime favorite au titre olympique à Rio. Et à chacune de ses sorties, elle massacre ses adversaires à grands coups de uchi-mata après avoir dominé ses adversaires grâce à son puissant bras gauche. « Cette fille est une machine. Physiquement, c’est quelque chose quand on l’a entre les mains. Après, il faut se dire qu’elle a deux bras et deux jambes comme nous. Le truc qui fait la différence, c’est son mental et son envie », explique Priscilla Gneto qui refuse d’imaginer la terreur des -52 kg sur la plus haute marche du podium olympique cet été : « Quoi ‘ C’est une blague ‘ En tout cas si j’y suis, je ne lui laisserait pas ce plaisir. »

Toujours est-il que pour s’emparer des lauriers dans la cité carioca, l’une ou l’autre des Françaises devra passer l’obstacle Kelmendi. Car c’est bien l’objectif que se fixent, au final, les deux rivales qui voient le titre olympique comme un aboutissement. « Je pense que j’aurais l’impression d’atteindre le sommet, d’être allé au bout de ce que je peux réaliser, se prend à imaginer Annabelle Euranie. C’est tellement de sacrifices que ça serait juste beau, merveilleux. Je pense que c’est pareil pour Priscilla. Mais bon’ on sait bien que si l’on ne peut pas aller toutes les deux aux JO, on a les mêmes rêves finalement. »

Florent Bouteiller

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Suivez les championnats d’Europe sur L’Esprit du judo

Les journalistes de L’Esprit du judo, le magazine de référence des judokas, sera à Kazan, en Russie, pour suivre les championnats d’Europe. Commentaires en direct, récits, analyses, interviews, vidéos’ Une belle couverture de cet événement crucial avant les Jeux olympiques sera proposé sur le site Internet de L’Esprit du judo.

Vous pourrez aussi suivre l’événement sur L’Equipe 21 (gratuit) avec aux commentaires Frédéric Lecanu, Cécile Nowak et Jean-Philippe Lustyk. Jeudi 21 avril à 16 h 30 pour le bloc final (-48 kg, -52 kg, -57 kg chez les féminines, -60 kg et-66 kg chez les masculins). Vendredi 22 avril à 16 h 30 pour le bloc final (-63 kg, -70 kg chez les féminines, -73 kg, -81 kg chez les masculins). Samedi 23 avril à 17 h 15 pour le bloc final (-78 kg, +78 kg chez les féminines, -90 kg, -100 kg, +100 kg chez les masculins). Dimanche 24 avril à 18 heures, place aux équipes.

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