François Hollande endosse son habit de candidat

François Hollande endosse son habit de candidat

Photo Reuters

Son premier discours de candidat, François Hollande l’a prononcé mardi 3 mai au théâtre du Rond-Point, à l’occasion du 80e anniversaire de l’avènement du Front populaire, et c’était comme une transfiguration : ton ferme, âpreté à défendre le bilan, capacité à se projeter dans l’avenir. Il n’y avait, dans ce nouveau personnage, aucun des défauts de l’ancien. Juste une farouche détermination à se battre comme si, piqué au vif par les sondages, mordu au mollet par son ministre de l’économie, Emmanuel Macron, le président s’était libéré de ses entraves. Y compris de la promesse qu’il s’était faite d’attendre que la courbe du chômage s’inverse durablement pour partir à la reconquête du pays. La politique est un éternel recommencement, pourvu que l’acteur donne du sien et que la pièce soit léchée. C’était le cas mardi.

Le genre choisi collait à l’air du temps : une tragédie, soit l’histoire de « la gauche au pouvoir », perpétuellement accusée par une partie des siens de trahir. François Hollande n’a pas cherché à éluder le débat ni à le minimiser mais il a vigoureusement plaidé : « 1936, 1981, 1997, 2012… A chaque fois, la gauche a été appelée au pouvoir parce que le pays était en grande difficulté. » Dans la foulée de Blum, il assume le fait que « l’histoire soit tragique », considère comme l’« honneur » de la gauche de « relever le défi », défend l’idée d’une « adaptation permanente au réel », rappelle toutes les réformes de gauche qui furent décriées sur le moment mais finalement inscrites au patrimoine national.

L’ancien chef socialiste s’adresse en priorité à ses troupes mais il n’oublie pas le pays, invoque « l’intérêt général », évoque le terrorisme, insiste sur « l’unité nationale » comme rempart contre la « dislocation ». Bref, il assume la gravité de l’époque et, ce faisant, gomme l’image naïve du président trop « normal » de 2012 qui s’était fait élire sur la double promesse de la concorde et de l’harmonie.

Deux leviers d’action : l’Europe et le dialogue social

Sur son propre bilan, le candidat président est pugnace. Conspué par la droite, il ne concède que deux erreurs : avoir minimisé, à son arrivée, l’ampleur de la crise de la zone euro et n’avoir pas dit qu’il « prenait la direction d’une France accablée de déficits ». Le match contre Nicolas Sarkozy n’est jamais loin. Vis-à-vis de la gauche, François Hollande défend pied à pied ses orientations, qu’il juge conformes aux idéaux de son camp : « démocratie, justice, égalité », revendique la conquête « de nouveaux droits » en même temps que « la modernisation du pays ». Et n’oublie pas, sur ce dernier point, d’invoquer Mauroy, Delors, Bérégovoy et Jospin, pour ne pas avoir à endosser seul la politique de l’offre qui continue d’être vécue comme une trahison par tout un pan de la majorité.

Mais c’est sur les perspectives que François Hollande se dévoile le plus et démontre pour la première fois sa cohérence. Certes, le slogan de la campagne manque encore mais la tonalité est là, forcément positive : « La France va mieux », elle n’a pas à rougir de ce qu’elle est. Face à la droite qui veut « tout défaire », François Hollande se pose en sauveur du « modèle français » par la construction, pierre après pierre, d’un « compromis » qui se veut « dynamique et juste ». Ses deux leviers d’action sont conformes à ce qu’il a toujours défendu : l’Europe d’abord, avec très prochainement de nouvelles propositions pour consolider et mieux intégrer la zone euro ; le dialogue social, ensuite, mais rénové, développé dans l’entreprise, avec l’appui de la CFDT, qui se sera imposée au cours du quinquennat comme l’allié le plus fidèle du président. Le hollandisme se dévoile enfin.

La conséquence la plus immédiate est que le projet de loi El Khomri ne subira plus de modification substantielle. François Hollande reste sourd aux arguments de Force ouvrière et des amis de Martine Aubry, qui dénoncent la remise en cause des accords de branche et craignent que l’entreprise devienne une jungle. Pour « moderniser, protéger et permettre à la France d’aller mieux tout en restant elle-même », le président a choisi de s’appuyer sur le partenaire syndical le plus réformiste. Et pour une fois, il le fait sans aucune ambiguïté.

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