Euro 2016 , Kolbeinn Sigthorsson de l’ombre nantaise à la lumière islandaise

Euro 2016 , Kolbeinn Sigthorsson de l'ombre nantaise à la lumière islandaise

Le Monde
| 29.06.2016 à 12h07
Mis à jour le
29.06.2016 à 14h38
|

Par Clément Brault

Trouvé aux abords de la surface, il s’ouvre le chemin du but d’un contrôle parfait. Il ne lui faut ensuite que deux appuis pour enfoncer la défense anglaise et placer une frappe puissante à ras de terre qui trompe la vigilance de Joe Hart. En à peine trois secondes, Kolbeinn Sigthorsson efface les rêves de quarts de finale de la sélection anglaise et fait taire toutes les critiques qui ont émaillé sa saison sur les bords de Loire. « Trop lent », « nonchalant », « pataud », « peu réaliste devant le but »’ Autant de qualificatifs peu flatteurs qui lui ont été adressés tout au long de sa première saison en France.

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« Il n’est pas assez présent dans l’attitude. Pour avoir un bon feeling avec tes partenaires, il faut s’entraîner souvent avec eux. Etre respectueux de ce que le club attend de toi. Et donner. Si tu perds 4 ou 5 kg, tu te déplaces mieux quand même. Il doit faire attention à son hygiène de vie. Il a du poids en trop », déclarait même son entraîneur, Michel Der Zakarian, qui ne souhaitait pas sa venue.

Des critiques aussi bien sportives que comportementales, donc, qui prouvent que l’Islandais de 26 ans est loin de faire l’unanimité du côté de la Jonelière, le centre d’entraînement du FC Nantes. De fait, il n’a marqué que quatre buts, cette saison, toutes compétitions confondues. Trop peu pour un joueur recruté pour porter sur ses épaules le poids de l’attaque de son club. Et il a surtout commis un crime de lèse-majesté en se faisant expulser dans le bouillant derby contre le Stade rennais.

Un attaquant pivot plutôt qu’un buteur

Arrivé pour 3 millions d’euros à l’été 2015, l’avant-centre islandais cristallise les attentes de la Beaujoire qui peine à se trouver un véritable buteur depuis le départ de Filip Djordjevic. En voyant débarquer ce no 9 à la stature imposante et aux cheveux blond platine, la tribune Loire a peut-être trop rapidement cru avoir recruté le nouvel Eidur Gudjohnsen, attaquant islandais vedette de Chelsea ou encore du FC Barcelone, au début des années 2000. Grave erreur.

Car Kolbeinn Sigthorsson n’est pas un renard des surfaces. Ses 76 buts en 203 matchs chez les professionnels sont des statistiques relativement quelconques dans le football moderne. Du haut de son mètre 86, l’avant-centre se plaît mieux dans le duel aérien, à rivaliser avec les défenseurs centraux, qu’il s’efforce d’épuiser. Avec sa capacité à garder les ballons, il permet à ses partenaires de remonter sur le terrain en attendant une passe de leur numéro 9 pour créer le décalage.

Mais face aux défenses regroupées de Ligue 1, force est de constater que Sigthorsson n’a jamais réellement pu faire étalage de ses qualités. Qualités qui conviennent mieux au style de la sélection islandaise, qui joue plus vite vers l’avant, souvent avec des ballons hauts, dont Sigthorsson se repaît, pour mieux trouver l’intervalle pour ses partenaires autour de lui. Le système à deux attaquants, utilisé par l’Islande, met en valeur le jeune homme au regard bleu azur, qui comptabilise 21 buts en 43 sélections. Lars Lagerbäck et Heimir Hallgrimsson, les deux sélectionneurs islandais, ne se plaignent pas de son rendement.

A l’instar d’un Olivier Giroud, Sigthorsson est donc régulièrement pointé du doigt pour son manque de réalisme devant le but. Des critiques qui passent sous silence son travail de l’ombre, dos au but, qui libère des espaces à ses coéquipiers. Et qui négligent ses indéniables qualités techniques, malgré ses caractéristiques physiques au-dessus de la norme.

De Reykjavik à Nantes en passant par Amsterdam

Le natif de Reykjavik commence à taper dans le ballon rond dès l’âge de 6 ans. Il est rapidement repéré par un club de deuxième division, le HK Kopavogur, pour lequel il effectue cinq matchs pour une réalisation. Il a alors 16 ans, et de grands clubs, qui commencent à prospecter en Islande, se penchent sur son profil. Les recruteurs du Real Madrid, d’Arsenal ou encore de West Ham, s’intéressent à lui, mais c’est finalement l’AZ Alkmaar, en Eredivisie, la première division néerlandaise, qui l’enrôle. Un choix de raison pour celui dont le frère aîné a été recruté par le Bayern Münich sur la seule foi de ses caractéristiques sur la simulation Football Manager, et qui a arrêté sa carrière à 27 ans, en Norvège.

Il fait ses classes à Alkmaar, dans l’équipe réserve, avant de débarquer chez les professionnels en 2010. « Il fait une bonne première saison, pendant laquelle il marque 15 buts, et joue même parfois ailier droit. Au point d’être recruté par l’Ajax d’Amsterdam », raconte Frédéric Datta, chroniqueur du football néerlandais pour le site Hors-Jeu.

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« Quand l’Ajax le prend, ils espèrent en faire un joueur complet, comme Klaas-Jan Huntelaar. Au Pays-Bas, il n’a pas la même image de dilettante qu’en France. Il a un peu le cliché de la mentalité nordique, appliqué, travailleur, qui lui colle à la peau. Mais il traîne régulièrement des blessures qui l’empêchent de faire des saisons pleines », poursuit Frédéric Datta. Et, de fait, il n’égalera plus son meilleur total de quinze buts.

Après une saison manquée au FC Nantes, qui souhaite se séparer de lui et réaliser, si possible, une belle plus-value à la revente, Kolbeinn Sigthorsson joue son va-tout lors de cet Euro. Ses bonnes performances avec la « Strakarnir Okkar » pourraient bien plaire. Déjà, la Premiere League anglaise lui fait de l »il. De quoi mettre en valeur ses qualités physiques et faire taire les critiques nantaises.

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