Euro 2016 de football , Fançois Hollande ne compte pas jouer les remplaçants

Euro 2016 de football , Fançois Hollande ne compte pas jouer les remplaçants

Le Monde
| 19.05.2016 à 06h36
Mis à jour le
08.06.2016 à 15h52
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Par David Revault d’Allonnes

La possibilité d’un rebond ‘ Alors que s’ouvre l’Euro 2016, vendredi 10 juin, François Hollande n’a pas l’intention de faire banquette. Plutôt de descendre sur les terrains et d’y mouiller le costume, sans s’économiser. Le président de la République assistera bien sûr aux trois premiers matchs de poule des Bleus, ainsi qu’aux suivants, si d’aventure ils se qualifiaient pour la suite des réjouissances. Il a rendu visite aux joueurs dimanche en leur centre technique de Clairefontaine (Yvelines), et dîné avec eux. Mais il devrait aussi accompagner plusieurs chefs de gouvernement européens, comme l’Italien Matteo Renzi ou le Portugais Antonio Costa, aux rencontres disputées par leurs sélections nationales. Et, évidemment, assister à la finale, le 10 juillet à Saint-Denis.

Ne rien rater de l’Euro, donc. Officiellement, l’objectif n’est pas de « prendre les trois points », selon la formule consacrée, et de profiter politiquement d’une éventuelle bonne trajectoire des Bleus dans la compétition, assure-t-on à l’Elysée. « Il n’y aura pas de lien de cause à effet entre les résultats de l’équipe de France et l’impact politique sur le président. Ça, ce sont les gros fantasmes post 1998, quand on avait réécrit l’histoire parce que les gens étaient heureux. Tout ceci est totalement fumeux. » Ce que confirment les études d’opinion. Directeur général délégué d’Ipsos, Brice Teinturier en atteste : « On a surestimé ce qui s’était passé en 1998. L’amélioration du climat datait d’avant la victoire en finale et les résultats sportifs ne l’avaient pas créé, juste consolidé. Cela reste des éléments mineurs par rapport aux variables lourdes. »

D’autant que la France, comme le rappelle Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique de l’IFOP, « n’est pas une véritable nation de foot, contrairement à l’Italie, l’Espagne ou la Grande-Bretagne. Ça peut contribuer à mettre du baume au c’ur des Français, mais il n’y a pas grand-chose à en attendre en termes de popularité. » Celle du chef de l’Etat, à un an de la présidentielle, a beau stagner dans les profondeurs du classement, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner, n’en demeure pas moins optimiste : « Ce serait une erreur totale de vouloir faire de la récupération politique, personne ne considérant que c’est le président qui joue numéro 10. Par contre, avoir pris toutes les mesures pour que l’événement soit réussi, personne ne le lui reprochera. Un parcours réussi de l’équipe de France, dans des stades magnifiques, sans incidents et sur fond de liesse populaire, je ne vois pas pourquoi cela lui serait négatif. »

« L’Euro peut être un des accélérateurs du ça va mieux’ »

M. Hollande, quoi qu’il en soit, a suivi au plus près la préparation de l’événement. Sécuritaire, d’abord, avec la protection des sites et en particulier des fan-zones (périmètres permettant aux supporteurs de suivre les matchs sur écran géant), alors que le risque terroriste demeure élevé. « Il s’est aussi beaucoup impliqué et intéressé à l’animation économique et humaine du territoire. L’objectif est que chacun, même s’il ne va pas au stade, puisse vivre l’Euro 2016 », poursuit-on à l’Elysée. Logistique, aussi, alors que les grèves, notamment dans les transports, menaçaient la bonne tenue de l’évènement et ternissaient l’image du pays, forcément scrutée de près à l’occasion de cette compétition d’audience internationale.

Au-delà de l’inversion promise de la courbe du chômage qu’il tient pour acquise dans les prochains mois, M. Hollande a plusieurs fois estimé que l’état d’esprit du pays et « l’ambiance » générale compteraient tout autant dans sa décision de concourir de nouveau en 2017. Un Euro sans encombre, dix mois avant la présidentielle, accompagné d’une confirmation de l’amélioration de plusieurs indicateurs économiques, pourrait aider le chef de l’Etat à convaincre les Français que « ça va mieux », comme il le martèle depuis le 14 avril. Alors que jusqu’ici, une météo peu engageante et surtout une crise sociale aigüe ont plutôt contribué à démentir l’optimisme présidentiel. « Une victoire le 10 juillet, c’est la liesse populaire et les Champs-Elysées envahis. L’Euro peut être un des accélérateurs du ça va mieux’ », souligne Patrick Kanner. « Huit mois après les attentats, ce serait formidable pour le pays, estime l’un des collaborateurs du président, cela voudra dire que la société va effectivement mieux. »

Amateur et excellent connaisseur du football, supporteur de l’AS Monaco, du FC Rouen et du Red Star, le président, ne pratique « jamais de sport ». En compétiteur éprouvé cependant, il sait combien compte une préparation rigoureuse. Le 10 mai, deux jours avant que Didier Deschamps annonce sa liste des 23 joueurs, il a convié à déjeuner le sélectionneur national et ses deux adjoints. Souvent harcelé sur sa future candidature ou ses velléités de remaniement et se refusant toujours à répondre, le chef de l’Etat a sur ce point fait preuve du tact nécessaire : « Je ne veux pas le savoir », a-t-il d’emblée indiqué à M. Deschamps. Non sans s’enquérir de l’état d’avancement de sa réflexion : « Vous l’avez déjà en tête ‘ » C’est au fond davantage de management qu’a semblé se préoccuper M. Hollande, lui-même confronté à des soucis de gestion de son vestiaire gouvernemental et à un phénomène de « zlatanisation » du ministre Emmanuel Macron, qui semble aujourd’hui filer vers le but sans plus se préoccuper des consignes du coach.

« Parfois les mous peuvent atteindre la perfection »

Au patron des Bleus, le président a demandé, avec force détails et précisions, ses techniques de gestion humaine. Comment il allait, pendant un mois, occuper ses joueurs entre les matchs. Comment il gérerait les remplaçants et les relations de ceux-ci avec les titulaires. Comment il considérait le buffet halal proposé aux joueurs, ce qui n’a, pour sa part, pas semblé l’émouvoir outre mesure. Comment M. Deschamps avait vécu les attentats du 13 novembre 2015, qui avaient débuté lors du match amical contre l’Allemagne au Stade de France. Et, surtout, comment « rester dans sa bulle pour demeurer concentré » sur l’objectif final.

Nul interventionnisme footballistique, cependant : M. Hollande, contrairement à Manuel Valls, n’a jamais donné son avis sur l’opportunité de sélectionner ou non Karim Benzema, englué dans « l’affaire de la sextape ». « Je vous laisse faire. A vous de décider », avait glissé à Didier Deschamps le président, descendu au vestiaire à l’issue du match amical contre la Russie, le 29 mars. Interrogé sur le sujet le 5 juin, sur France Inter, le président a persisté dans cette direction : « Il ne doit pas y avoir de polémique. Il y a un sélectionneur, Didier Deschamps, il choisit les joueurs qu’il estime être à leur poste dans des conditions que l’on connaît, ceux qui doivent être membres de l’équipe de France. C’est décevant pour ceux qui ne sont pas reçus mais c’est le seul critère qui vaille : le choix du sélectionneur. Et ne comptez pas sur moi pour entretenir quelque polémique que ce soit, quelque surenchère. »

Mais si le président aime le beau jeu, il ne considère pas non plus que l’essentiel est de participer. Recevant récemment à l’Elysée des écrivains ayant participé à l’ouvrage collectif « Football de légendes, une histoire européenne » (hors série de la revue Desports publié le 19 mai), le chef de l’Etat avait évoqué le célèbre penalty marqué d’une pichenette par le Tchécoslovaque Antonin Panenka contre l’Allemagne en finale de l’Euro 1976 : « Ça, c’était un ballon tout mou. Parfois les mous peuvent atteindre la perfection, la subtilité, l’élégance, la surprise », a commenté François Hollande.

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