En Australie la gay panic defence sur la sellette
Le Monde
| 19.05.2016 à 10h48
Mis à jour le
19.05.2016 à 11h09
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Par Violaine Morin
Se justifier d’un meurtre devant la justice en disant que la victime vous a fait des avances, c’est encore possible dans deux États australiens, le Queensland et l’Australie-Méridionale. Les tribunaux locaux peuvent ainsi prendre en compte l’« Homosexual Advance Defence », une ligne de défense invoquant des « avances homosexuelles » pour, par exemple, requalifier un meurtre en homicide involontaire.
Les tribunaux de ces deux États autorisent un accusé à avancer l’argument suivant : « Je l’ai tué, certes, mais il m’avait provoqué. » Pour que la défense fonctionne, il faut que la « provocation » consiste en des avances non violentes d’une personne de même sexe et que le meurtre ne soit pas prémédité.
Selon une expertise réalisée par un service juridique de soutien à la communauté LGBT et publiée dans le Law & Justice Journal de l’université de technologie de Queensland, le code pénal ne fait pas mention de cette ligne de défense, également connue sous le nom de « gay panic defence ». Il ne s’agit donc pas d’une loi, mais d’un usage hérité d’une culture viriliste qui a fait jurisprudence, et que certains espèrent voir disparaître cette année.
Un prêtre, une pétition et des promesses
L’utilisation de cet argument juridique a été enregistrée pour la première fois en Australie en 1992, dans l’Etat de Victoria, et reprise dans plusieurs procès entre 1993 et 1995. La plupart des États australiens ont réexaminé cette ligne de défense au début du XXIe siècle, et considéré, soit que les avances homosexuelles non violentes ne pouvaient pas justifier un meurtre, soit que la « provocation » en général ne constituait pas une circonstance atténuante, quelle que soit sa « nature ».
A l’exception notable du Queensland, où le dernier meurtre requalifié en homicide involontaire pour « avances homosexuelles » date de 2008, et de l’Australie-Méridionale où, selon le Daily Mail, un homme condamné pour avoir égorgé un homme qui lui aurait fait des avances a obtenu, le mois dernier, le droit d’être rejugé.
C’est un cas similaire dans le Queensland qui semble devoir faire bouger les lignes. Wayne Robert Ruks a été battu à mort par deux hommes dans la cour de l’église St Mary de Maryborough en 2008. C’est le prêtre de cette paroisse, Paul Kelly, qui a découvert la scène du crime.
Depuis que les deux meurtriers de Wayne Ruks ont été condamnés pour homicide involontaire et non pour meurtre en 2011, il s’est « donné pour mission » de faire abolir la circonstance atténuante des « avances homosexuelles ».
Il y a cinq ans, il a lancé une pétition qui compte désormais près de 250 000 signatures pour demander la fin de ce procédé juridique « qui appartient au Moyen Age », et qui a refait parler de lui à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, le 17 mai. L’abolition de la « gay panic defence » traîne depuis 2012, et, malgré l’arrivée d’un nouveau gouvernement local en 2015, elle est restée simple promesse.
Evaluation par le Parlement du Queensland
La nouvelle avocate générale du Queensland, Yvette D’Ath, a annoncé que le Parlement local évaluerait cette semaine l’entrée au code pénal d’une « interdiction » d’invoquer les « avances homosexuelles » comme circonstance atténuante.
Mais le prêtre Kelly s’inquiétait, la semaine dernière, de la nonchalance législative.
« 240 000 personnes et moi-même avons signé une pétition. Nous espérons que l’exécutif local adopte urgemment cette législation et s’assure que plus personne n’utilise cette défense choquante de gay panic defence’. »
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