Emmanuelle Duverger la tête pensante de Robert Ménard

Emmanuelle Duverger la tête pensante de Robert Ménard

Le Monde
| 27.05.2016 à 06h49
Mis à jour le
28.05.2016 à 11h50
|

Par Olivier Faye

Juriste reconvertie dans le journalisme, l’épouse du maire de Béziers conseille son mari, qui ne fait rien sans son aval.

Robert Ménard aime son épouse. Beaucoup. Il le dit, lui dit, et le répète sur tous les tons sans craindre de gêner, ni lui, ni elle, ni son interlocuteur. « Elle est toute ma vie. C’est la rencontre de ma vie », avoue-t-il. On pourrait ignorer ces confessions volontairement indiscrètes si la femme du maire de Béziers (Hérault) n’était pas aussi sa conseillère la plus influente. Emmanuelle Duverger, 47 ans, juriste reconvertie dans le journalisme, occupe une place déterminante auprès du responsable d’extrême droite, élu avec le soutien du Front national. « Je ne fais rien sans elle, et n’ai jamais publié un texte qu’elle n’ait lu. C’est elle qui, de loin, pèse le plus sur mes décisions politiques, assure-t-il. Quand elle désapprouve une de mes idées, je ne la mets pas en uvre. »

A l’occasion des premiers Rendez-vous de Béziers, du 27 au 29 mai, l’ancien journaliste réunit dans sa ville une grande partie de ce que la « droite hors les murs » compte d’aristocrates. L’événement fédère une partie de cet aréopage d’intellectuels et d’hommes politiques issus de la droite identitaire qui ne se reconnaissent pas toujours dans Les Républicains ni dans le FN, mais qui veulent peser sur l’élection présidentielle de 2017 : Charles Beigbeder, Renaud Camus, Denis Tillinac’

Directrice du site Boulevard Voltaire

Emmanuelle Duverger, elle, coorganise l’événement en tant que directrice de la publication du site Boulevard Voltaire, cofondé en octobre 2012 avec son époux et le journaliste Dominique Jamet (qui l’a quitté en avril 2016, pour se consacrer au parti Debout la France, de Nicolas Dupont-Aignan). Elle doit même animer une table ronde. Sur les médias, bien sûr. L’intitulé « Médias : libérer l’information, libérer le réel » laisse assez peu de doutes sur le constat que vont dresser les intervenants.

Dans son travail de libération du « réel », Boulevard Voltaire, qui est animé par une équipe de quatre personnes et dépend en grande partie de contributions bénévoles, publie chaque jour une quinzaine d’articles aux thématiques récurrentes : immigration, identité, sécurité, etc. Ces derniers jours, le site a offert une bonne place aux consignes pas assez fermes à son goût données par Bernard Cazeneuve aux policiers, ou aux déclarations selon lui trop timorées du pape François sur les racines chrétiennes de l’Europe. « Ce qui intéresse les gens, ce sont les questions d’identité ou de société. Il n’y a pas que cette dimension, mais elle est essentielle », assume Emmanuelle Duverger. Quitte à se voir coller une étiquette de site « réac », dès les premières semaines de son existence.

Cette réputation accompagne Robert Ménard et sa femme depuis les dernières années de la revue Médias, qu’ils ont créée, et qui se faisait fort de montrer le « dessous des cartes » du système médiatique. Après huit ans d’une publication trimestrielle, le journal a été liquidé en juin 2012, faute d’argent. Les annonceurs auraient fui la revue en raison de sa « réputation sulfureuse », regrettent ses fondateurs.

Prélude insoupçonné à une future alliance avec le FN

A l’époque, pourtant, le couple jouit encore d’une lumière avantageuse sur la scène médiatique. Les plateaux de télévision accueillent Robert Ménard, qui anime une émission quotidienne sur iTélé. Dans les dîners en ville, les Ménard racontent l’histoire de leur rencontre, au Mali, en 2000 : celle du fondateur de Reporters sans frontières et de la responsable Afrique au sein de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), qui ont eu une fille ensemble. Mais les entretiens publiés par Médias, du polémiste antisémite Alain Soral, ceux de Pierre Cassen, fondateur de l’association islamophobe Riposte laïque, en passant par les interventions du romancier Renaud Camus ou de l’intellectuel de la nouvelle droite Alain de Benoist, ternissent au fil du temps l’image d’une revue de qualité.

« Je suis juste catholique, ni intégriste ni traditionaliste ni moderniste. » Emmanuelle Duverger

Le couple ne s’est pas facilité la tâche en publiant, en 2011, dans sa propre maison d’édition, un livre au titre provocateur, Vive Le Pen ! (éditions Mordicus). Le pamphlet se veut « un gant jeté au visage de ce monde de la presse qui joue les matamores face au Front national », et représente alors un prélude insoupçonné à une future alliance avec le FN.

Huit ans plus tôt, en 2003, Emmanuelle Duverger et son époux avaient commis un premier ouvrage, La Censure des bien-pensants (Albin Michel), dont les propos se voulaient tout aussi polémiques. Il remettait en question le bien-fondé de la loi Gayssot, loi honnie par une partie de l’extrême droite radicale, qui punit notamment la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité.

« Les opinions ne méritent pas d’aller en prison, juge encore aujourd’hui Emmanuelle Duverger. Quand elles sont démenties par les faits, autant argumenter, sinon cela alimente des courants de pensée souterrains qui nourrissent le complotisme. Quand quelqu’un argumente sur l’inexistence des chambres à gaz, nous avons des preuves matérielles pour le contredire. » Robert Ménard estime pour sa part que « la loi Gayssot est mauvaise, car elle a fait le bonheur des révisionnistes, elle en a fait des victimes ».

Elle a ramené son mari sur le chemin de la foi

D’une certaine manière, les réprouvés et les montrés du doigt attirent le maire de Béziers et son épouse. Catholique fervente, cette dernière a ramené son mari sur le chemin de la foi, lui qui voulait devenir prêtre étant enfant, mais s’est finalement marié quatre fois. « Je suis juste catholique, ni intégriste ni traditionaliste ni moderniste », défend Emmanuelle Duverger, qui reconnaît fréquenter parfois la chapelle Sainte-Rita, de Béziers, où l’office respecte le rite tridentin. Le couple assume depuis plusieurs années une amitié avec le vicaire de l’Opus Dei en France, Mgr Antoine de Rochebrune, venu à plusieurs reprises célébrer une messe dans leur appartement biterrois.

A Béziers, certains voient la main de l’épouse du maire dans l’installation d’une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel de ville, ou dans la décision de célébrer une messe publique au c’ur des arènes de la ville, en ouverture de la Feria. Ils l’imaginent aussi se porter candidate aux élections législatives, en 2017. « On verra en temps voulu », répond-elle. Elle sait en tout cas où trouver un supporteur.

Lire aussi : Sur le blog Droite(s) Extrême(s), les propositions radicales de Robert Ménard

Leave A Reply