Emmanuelle Cosse, Ma priorité ce n’est pas de créer un parti

Emmanuelle Cosse, Ma priorité ce n'est pas de créer un parti

Vous avez accepté de rentrer au gouvernement le 11 février. Vous ne regrettez pas ce choix

Non aucun regret ! Avec le logement, je suis dans le concret, C’est un sujet tellement important dans la vie quotidienne et qui suscite énormément de demandes et d’attentes.

Mais vous avez dû quitter votre parti’

Je ne l’ai pas quitté, je me suis mise en retrait, et ce mouvement que j’ai dirigé a souhaité m’exclure en dépit des procédures statutaires, notamment, contradictoires. J’ai fait ce choix d’entrer au gouvernement pour agir et arrêter d’être seulement dans le commentaire, notamment, parce que j’ai été extrêmement choquée du poids du Front national aux régionales. L’attitude des écologistes en Nord-Pas-de-Calais-Picardie a bien montré l’échec total de cette stratégie. Si on est vraiment mû par l’urgence de l’action écologique on doit être dans l’action. Ce n’est pas ce que souhaite le mouvement que j’ai dirigé.

Vous avez participé lundi à la réunion de « Eh ho la gauche ». Vous étiez il n’y a pas si l longtemps très critique sur l’action de François Hollande. C’est une conversion tardive

Il faut arrêter de caricaturer mes propos d’hier et d’aujourd’hui. Depuis 2012 j’ai toujours dit, y compris quand j’étais secrétaire nationale d’EE-LV, que je souhaitais la réussite de la gauche au pouvoir et de ce gouvernement. J’ai dit très clairement mon désaccord sur des sujets comme la déchéance de nationalité. Mais ce qui me semble très important et c’est pour cela que je suis entrée au gouvernement c’est de montrer qu’on peut faire des choses même si on n’est pas d’accord sur tout. Pour moi la question n’est pas tant de défendre le bilan du gouvernement que de l’expliquer. Il est temps de parler des sujets qui concernent le quotidien des Français : la réforme du tiers payant, la prime d’activité, l’encadrement des loyers, entre autres avancées sociales très fortes.

Les départs d’EELV se succèdent mais chacun crée sa propre chapelle. Où est le nouveau pôle alternatif à EE-LV

Le mouvement écologiste connaît une crise très importante depuis plusieurs mois, avec le refus de faire des listes d’union aux régionales qui a eu les conséquences que l’on connaît. Aujourd’hui ma priorité ce n’est pas de constituer un parti, comme si on ne savait pas faire de la politique sans un parti. Ma priorité, c’est de répondre aux engagements que m’a demandés le président de la République. Je suis venue là pour aider à la relance de la construction, améliorer les relogements au titre du DALO, poursuivre la politique d’encadrement des loyers’

Tirer les leçons des régionales, cela signifie qu’il ne faut pas de candidat écologiste en 2017

Il faut absolument que l’écologie soit au c’ur des candidatures, mais il n’y a pas un monopole de candidature sur le sujet. Dans une élection où il n’y a que deux candidats au second tour les chiffres annoncés pour la FN interrogent tout le monde, à droite comme à gauche. Moi je n’ai absolument pas renoncé à la victoire de la gauche en 2017, si elle est capable de faire vivre sa diversité, de parler aux Français, de répondre aux aspirations sociales et économiques du pays ; et bien sûr si la question écologique n’est pas un simple supplément d’âme mais bien au c’ur du projet. Avec des traductions concrètes sur la qualité de vie, l’alimentation, la rénovation des logements, la lutte contre la pollution de l’air liée au trafic automobile qui est un fléau pour nos grandes métropoles. Je me bats très clairement pour que le candidat le mieux placé à gauche soit porteur de ce projet-là.

Et pour vous aujourd’hui c’est François Hollande

J’espère que ce sera François Hollande mais c’est un peu tôt pour en parler quand on voit qu’on est encore en plein débat entre les partis de gauche sur l’organisation d’une primaire.

Vous y êtes favorable

Je trouve l’idée intéressante car elle dépasse l’organisation même des partis. On voit bien avec Nuit Debout qu’il y a chez beaucoup de Français une volonté de participer à des discussions politiques. Mais pour qu’il y ait primaire, il faut que les partis se mettent d’accord sur le résultat final. Aujourd’hui j’ai l’impression que si beaucoup de partis sont intéressés par la primaire, ils ne veulent pas en assumer le principe et le résultat’

Dans votre ministère vous avez hérité de la loi ALUR de Cécile Duflot et des critiques nombreuses sur un texte qu’on accuse d’avoir bloqué le marché immobilier’

Certains acteurs du logement ont trouvé une victime facile pour expliquer la crise de l’immobilier ! Cette crise a commencé dès 2008 et s’est accentuée dès 2011, notamment, parce qu’on avait mis en place en France des dispositifs fiscaux sans aucune conditionnalité. Cela nous a amenés à construire des logements là où il n’y avait aucune demande, ce qui a causé un sinistre grave pour les finances publiques et laisse aujourd’hui des propriétaires endettés avec des logements qui ne trouvent pas preneurs. Depuis plusieurs mois l’évolution de la construction est positive et la reprise concerne l’ensemble du secteur, logement social, maison individuelle, bâtiments économiques et bureaux.

Il faudrait construire 500 000 logements par an pour répondre à la demande. Où en est-on

On est plutôt autour de 397 000 logements actuellement. Notre objectif est de construire davantage de logements plus abordables, là où sont les besoins. Et pas de le faire avec des dispositifs inflationnistes. Aujourd’hui, je constate que les chiffres de la construction augmentent mais que les prix de vente et les loyers n’augmentent pas. Cela démontre que les dispositifs du gouvernement sont bien calibrés.

La difficulté, c’est que dans les années 80, on n’a pas du tout anticipé l’évolution de la population et qu’aujourd’hui on est toujours en train de courir pour répondre à des urgences comme le logement des jeunes actifs, celui des personnes qui arrivent à la retraite avec des baisses de revenus significatives, et il faut le dire, un marché de la résidence secondaire dans certains territoires qui commence à avoir des effets très négatifs avec un phénomène d’éviction des populations locales. Sur la reprise de la construction, il y a encore des disparités régionales fortes. Dans la région Hauts de France, l’activité est encore atone.

L’encadrement des loyers ne risque-t-il pas de freiner l’investissement locatif

Non ! L’expérience parisienne donne des enseignements très intéressants. Partout où est mise en place l’observation des loyers même sans encadrement, on a vu que les prix se régulaient du fait de cette transparence. Et à Paris, l’encadrement des loyers n’a pas retiré de logements du marché ni freiné l’investissement locatif comme on le voit avec le succès du dispositif Pinel. Beaucoup de propriétaires trouvent même dans l’encadrement des loyers une légitimité supplémentaire au loyer qu’ils demandent et qui correspond à ceux observés dans le secteur. À Paris l’encadrement a aussi redonné du pouvoir d’achat aux locataires. C’est pour cela que l’on va continuer dans ce sens. Il y a d’autres territoires où le marché est extrêmement spéculatif sur les petites surfaces, comme Lille ou Grenoble avec beaucoup d’étudiants, une forte mobilité professionnelle. Comme je l’ai déjà annoncé, on pourra mettre en uvre l’encadrement des loyers à Lille d’ici la fin 2016. Cela n’a pas été simple. La ville s’est beaucoup mobilisée, notamment, avec Audrey Linkenheld. Les professionnels ont mis du temps à faire remonter les données. On est maintenant dans un processus plus vertueux. L’encadrement répond à des abus qui dépassaient l’entendement sur des petites surfaces. On a vu à Paris des annonces à 60 euros le mètre carré !

Qu’est-ce que la loi Égalité et citoyenneté va changer pour le logement social

Dans le passé les politiques de logement ont pu être utilisées pour faire des ghettos. Notre volonté est d’imposer que 25 % des attributions de logements sociaux pour les familles les plus défavorisés se fassent en dehors des quartiers de la politique de la ville pour remettre de la mixité dans les quartiers plus favorisés. Nous allons aussi renforcer les pouvoirs des préfets contre les communes qui ne respectent pas la loi SRU et les taux de construction de logements sociaux. J’ai d’ailleurs, en amont de la discussion du projet de loi Égalité et Citoyenneté, décidé de rendre publique l’ensemble des données sur le sujet. Sur le site du ministère du logement, vous pouvez maintenant aller voir si votre commune respecte la loi ou pas, comme la ville de Séquedin qui est à moins de 7 % de logements sociaux !

Vous voulez aussi libérer des logements sociaux occupés par des occupants qui n’y ont plus leur place

On parle de ménages qui dépassent le plafond de revenus de 200 %. Cela représente 4 % des locataires du logement social. Aujourd’hui 65 % de la population est éligible aux logements sociaux et il me semble important que des personnes qui sont vraiment très au-delà des plafonds soient amenées à libérer cette place parce que la pression est très forte avec des jeunes couples, des personnes qui travaillent mais n’ont pas la capacité de louer dans le privé.

Ou en est le plan de relogement des migrants de Calais que vous avez lancé en mars avec Bernard Cazeneuve

Un comité de pilotage se réunit régulièrement avec toutes les associations qui interviennent à Calais et également dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO) sur le territoire national. Pour Calais, nous avons mis à l’abri 3400 personnes dans ces centres dispatchés sur l’ensemble du territoire et 80 % d’entre elles ont déposé une demande d’asile en France. Je suis aussi en contact étroit avec le maire de Grande-Synthe, Damien Carême, que je connais bien et nous travaillons avec Bernard Cazeneuve pour trouver une solution financière et humaine à ce camp. Nous travaillons, par ailleurs, sur Calais à augmenter, les capacités de mise à l’abri pour les mineurs, car il n’est pas acceptable que certains d’entre eux continuent de vivre seuls dans la lande. Pour ceux qui relèvent du regroupement familial en Grande-Bretagne, nous avons chaque jour des dossiers acceptés et des mineurs pris en charge.

Vous allez venir sur place avec d’autres annonces

J’espère me rendre à Calais d’ici trois semaines.

Leave A Reply