Des minimas sociaux au CDI , la métropole lilloise candidate pour des territoires zéro chômeur

Des minimas sociaux au CDI , la métropole lilloise candidate pour des territoires zéro chômeur

C’est quoi l’idée

C’est d’utiliser l’argent public que coûte un chômeur de longue durée, c’est-à-dire, au chômage depuis au moins un an, pour lui financer un emploi en CDI.

L’« emploi aidé », puisque c’en est une forme, ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est de partir des chômeurs, pas des emplois. L’association ATD Quart monde, à l’origine du projet « Territoires zéro chômeur de longue durée », défend l’idée que «
s’il n’y a pas d’emplois, ce n’est pas le travail qui manque
», des travaux utiles à la société mais non réalisés parce que pas assez rentables pour des entreprises classiques.

ATD propose d’employer en CDI, dans des entreprises solidaires existantes ou à créer, des chômeurs longue durée, selon leurs compétences, pour réaliser ces travaux. Comme ces emplois ne sont pas «
rentables
», les entreprises solidaires seraient subventionnées grâce aux fonds avant utilisés pour verser des allocations et aides aux chômeurs.

On parle de quels boulots

Si on prend l’exemple de Pipriac et Saint-Ganton, deux communes d’Ille-et-Vilaine où le projet est expérimenté, du travail a été identifié dans quatre domaines principalement : les services à la personne (de l’aide aux devoirs aux travaux de jardinage, du ramassage des légumes à l’accompagnement de personnes handicapées ou âgées’), dans l’aménagement et l’entretien (des sentiers de randonnée, des squares, de la signalétique, du fleurissement’), les services aux collectivités, associations (surveiller la cantine, l’entretien des locaux publics etc.), dans l’animation culturelle ou sportive (bibliothèque, animations autour du patrimoine’).

Des petits boulots «
Contrairement à ce qu’on peut penser, faire du ménage chez une personne âgée, ça s’apprend
», illustre Patrick Valentin, responsable du projet chez ATD. Il ne s’agit pas de trouver des petits jobs bouche-trous pour occuper les gens mais de professionnaliser des travaux qui, aujourd’hui, ne le sont pas forcément et du même coup, de les valoriser. La formation des chômeurs fait partie intégrante du projet. C’est aussi pour cette raison que la première étape est d’identifier les savoir-faire des gens, leurs envies, les formations possibles, puis de recenser les travaux utiles pour faire correspondre les deux.

Pourquoi ce n’est pas simple

Les emplois créés ne doivent pas concurrencer des emplois « classiques » et risquer de les limiter, voire de les détruire. Ils doivent donc concerner un travail qui n’intéressera pas une société, un artisan’ parce qu’ils ne gagneraient pas d’argent à le faire. Et comme le marché du travail évolue en permanence, il faudra contrôler en permanence.

La réussite du projet tient donc à de bons rapports avec les artisans, les entrepreneurs du coin’

Elle dépend aussi bien sûr des élus locaux. Sans parler d’un gros travail de bénévolat, démarrer le projet demande un investissement financier initial (ne serait-ce qu’embaucher un chef de projet à temps plein) qui ne sera pas financé par l’État.

Il faut donc que la commune ou la communauté de communes, le département ou la région y croit suffisamment pour mettre la main à la poche au moins pour lancer le projet, créer l’entreprise solidaire’ Bref, il faut convaincre tout le monde.

Transférer le coût global d’un chômeur (aides directes, indirectes, coûts induits) en une subvention unique n’est pas non plus simple
: toutes ces aides viennent de lignes budgétaires, de ministères, de niveaux (État, département’) différents.

Il faut aussi chiffrer ce coût, ATD l’a estimé (15 000 par an, par chômeur) mais l’État suivra-t-il Les discussions sont toujours en cours.

Où est-ce expérimenté

En janvier dernier, les sénateurs ont voté la proposition de loi (portée par le député Laurent Grandguillaume) autorisant l’expérimentation sur dix territoires. Aux communes ou communauté de communes de se porter candidates pour en faire partie, le ministère du Travail les sélectionnera.

Quatre territoires candidats ont déjà débuté l’expérimentation et bien avancé
: la communauté de communes du pays de Colombey et du Sud toulois (11 500 habitants) en est à la première phase, la rencontre avec les chômeurs pour définir leurs compétences, leurs envies’ Pipriac (3 600 habitants) et Saint- Ganton (450 habitants), deux communes d’Ille-et-Vilaine en sont à l’étape suivante : ils recensent les travaux utiles. Même chose dans les Deux-Sèvres pour Le Grand Mauléon (9 000 habitants).

La communauté de communes Entre Nièvre et forêts (4 569 habitants), plus avancée encore, est en train d’élaborer le business plan de l’entreprise solidaire qui sera créée.

Margaux Gilquin, depuis huit ans sans CDI

Vous aurez du mal à retenir vos larmes : dans Le Dernier Salaire, Margaux Gilquin raconte le combat quotidien qu’elle, chômeur de longue durée, livre pour trouver du travail, depuis son licenciement après que l’entreprise où elle travaillait a été rachetée. Elle avait 48 ans à l’époque, elle en a 56 aujourd’hui, toujours pas de travail.

Pourtant Dieu sait qu’elle se bat avec une volonté de tous les diables. Voilà une femme qui a passé son bac à plus de 30 ans, un BTS, est devenue bilingue en anglais et une secrétaire de direction expérimentée quand le ciel lui est tombé sur la tête.

Ce qu’elle a fait pour trouver du travail, on s’avoue, honteux, qu’on n’aurait sans doute pas eu son courage : aller à l’aéroport de Roissy distribuer son CV à des hommes d’affaires au costume soigné, en partance pour New York, sous des regards au mieux surpris, au pire méprisants.

Margaux Gilquin ne nous raconte pas qu’une recherche d’emploi, elle dit tout ce qui l’entoure : les montagnes russes de l’espoir au désespoir, faire bonne figure devant des offres fantaisistes, devant une jeune recruteuse qui l’appelle «
mamie
», la gronde comme un enfant ou quand on lui balance qu’après 50 ans, le CDI c’est fini.

On finit par se demander ce qui est le pire à supporter : l’absence de boulot ou de bienveillance, l’abandon, la peur «
rampante, sourde, qui glace le sang
» tout au long de ces années, de finir dans la rue, sous un carton. Ce jour-là n’arrivera pas, elle préférera «
disparaître dans la montagne
». Avec élégance. Mieux encore, elle va décrocher un CDI, elle se bat encore.

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