Depuis le Festival de Cannes et déjà en salles Dumont et ses drôles de bouffons

Depuis le Festival de Cannes et déjà en salles Dumont et ses drôles de bouffons

Vous reprendrez bien un doigt de bourgeois Une louche de sang bleu (quelque peu vicié) Une bassine de surréalisme Bruno Dumont et André Breton, même combat, à en croire Ma Loute, tourné l’été dernier dans la baie de la Slack, du côté d’Ambleteuse, cadre idéal d’un cinéma ligne claire devant autant à Hergé qu’à Alfred Machin et puisant sa matière vive dans les chairs putréfiées du Chien andalou de Buñuel.

Vous avez dit anar

Dans le collimateur de l’un comme de l’autre, les bourgeois, les curés, les militaires’ L’uniforme, l’autorité, la société, les institutions’ Vous avez dit anar

Ma loute, féroce comédie de m’urs, ne dépare pas dans la filmographie de ce cinéaste qui depuis la Côte d’Opale, sa terre privilégiée de filmage, traque inlassablement les stigmates de la nature humaine. Témoin, le jeune héros nommé Ma Loute dont les regards laissent entendre qu’il pourrait bien être un ancêtre du Freddy de La Vie de Jésus. Une autre certitude, ce gars-là étreint à la manière du Pharaon de Winter de L’humanité.

Dans la foulée de P’tit Quinquin, Dumont assure ferme dans le registre de la comédie, de la farce bouffonne sur fond de lutte des classes, sans pour autant bêler et discourir sur l’inceste, les unions consanguines et les ambiguïtés sexuelles. Posté à la confluence des genres, admirablement photographié et décoré, il fuit le réalisme comme la peste et arpente des champs magnétiques dans lesquels ne poussent que des fleurs imaginaires.

Fabrice Luchini revient au jeu et à la bouffonnerie

Pourrait-on imaginer que des comédiens aient l’outrecuidance de ne pas respecter les partis pris du cinéaste dans l’univers duquel ils ont contractuellement accepté de s’immiscer Aux acteurs non professionnels habitués à hanter son cinéma, le cinéaste adjoint des fauves de la scène. Fabrice Luchini, enfin sorti de sa poussiéreuse redingote d’acteur officiel, revient au jeu et à la bouffonnerie. Juliette Binoche, impériale, prend la pose, s’exprime comme une héroïne de Paul Claudel ou d’Henry Bernstein, telles Elvire Popesco ou Maria Casarès avant elle. Face à ces monstres de comédie, des sosies de stars du slapstick et des jeunes premiers laissent entendre que la beauté sera convulsive ou ne sera pas !

Julia «Pretty» Roberts

De mémoire de cinéphile, Julia Roberts n’avait jamais foulé le tapis rouge, ni gravi les vingt-quatre marches menant au Grand Théâtre Lumière du festival. Certains affirment même qu’elle serait la seule star hollywoodienne à n’avoir jamais touché le sol cannois. Et ce malgré des films de la qualité d’Erin Brockovich, Coup de foudre à Notting Hill ou Ocean’s Eleven qui n’auraient pas tranché au sein des sélections officielles. Là voilà donc ici, prête à se pavaner au profit d’une célèbre marque de rouge à lèvres (et autres accessoires féminins) et à l’affiche du nouveau long-métrage réalisé par Jodie Foster. Money Monster étant présenté hors compétition, pas de prix d’interprétation en vue.

À voir le film, on comprend qu’il a été sélectionné pour offrir aux festivaliers une de ces montées de marches dont la nouvelle direction du festival semble friande. Face à un George Clooney plutôt expansif, l’ex-Pretty Woman ne récolte que des miettes de jeu. La mise en scène conventionnelle de Mlle Foster digne d’une mauvaise série télé n’est pas pour arranger les choses.

En compétition

Sieranevada ***

Quatrième long métrage d’un cinéaste natif de Roumanie, la patrie d’Ionesco et de Cioran. 2 h 53 durant, Cristi Puiu plonge dans les tréfonds de l’âme humaine tout en flirtant avec l’humour absurde et le pessimisme gai. Le temps d’une réunion de famille, il autopsie autant ses personnages que l’histoire de son pays toujours convalescent. Vérités et mensonges, idéaux bafoués irriguent ce film à fleur de peau qui réussit sacrée gageure ‘ à n’être jamais plombant.

Rester vertical *

Trois ans après L’Inconnu du lac qui à l’époque avait causé un petit scandale dû au goût immodéré du réalisateur pour l’exhibition des parties génitales de ses acteurs, Alain Guiraudie revient en petite forme et en eaux troubles. Sans jamais cesser de renoncer à ses obsessions anatomiques, l’auteur signe un film fourre-tout qui se noie dans ses enjeux politico-poétiques.

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