Denis Baupin accusé d’agressions sexuelles ,  Nous étions au courant depuis presque un an 

Denis Baupin accusé d'agressions sexuelles ,  Nous étions au courant depuis presque un an 

A la suite de la publication, par Mediapart et France Inter, de témoignages de huit femmes rapportant avoir été victimes d’actes d’agressions et de harcèlement sexuels de la part du dirigeant historique des Verts Denis Baupin, de nombreux représentants politiques ont appelé à sa démission de la vice-présidence de l’Assemblée nationale, lundi 9 mai.

Claude Bartolone, président de la chambre, avait fait savoir dans un communiqué lui en avoir fait la demande lundi matin. Peu après, M. Baupin a annoncé avoir présenté sa démission. Ses avocats ont toutefois assuré qu’il contestait les accusations formulées à son encontre et envisageait de porter plainte. Le député de Paris a récemment quitté le parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le 18 avril.

Dans un communiqué publié en milieu d’après-midi, EELV « salue le courage des militantes qui ont brisé la loi du silence en apportant leurs témoignages accusant Denis Baupin d’agression et de harcèlement sexuels ». EELV ajoute que, « dans l’immédiat », le parti « entend mettre en uvre de nouveaux dispositifs internes pour faciliter la libération de la parole, en accompagnant les personnes victimes de comportements répréhensibles ».

« Europe Ecologie-Les Verts ne peut qu’espérer que le courage des lanceuses d’alerte soit contagieux et que la parole se libère à l’encontre de tous les harceleurs et agresseurs que ce soit en politique ou plus généralement. La peur et la honte doivent changer de camp. »

Dans la matinée, David Cormand, secrétaire national par intérim d’EELV et cosignataire du communiqué, avait affirmé au Monde que M. Baupin devait démissionner. Il a nié tout calcul politique alors que les écologistes sont en plein déchirement entre pro-gouvernement, comme M. Baupin, et anti-gouvernement.

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« On a essayé de regrouper les témoins »

Plusieurs membres d’EELV ont reconnu lundi ne pas être surpris ou tout au moins n’ont pas protesté de l’innocence du député. « C’était très, très connu dans le parti », a assuré lundi à l’Agence France-Presse un collaborateur des députés du groupe écologiste à l’Assemblée. « Oui, je savais, pas tout, pas complètement », a lui aussi expliqué Jean-Sébastien Herpin, cosecrétaire régional EELV Centre, sur son blog. « Autour d’un bon verre de vin, en soirées amicales, tour à tour, des camarades, pour certaines des amies, parlaient, se confiaient et je blêmissais, et je savais que ça tomberait un jour (‘) », écrit-il. Il dit avoir décidé de soutenir les femmes qui ont témoigné, « parce qu[‘il s’était] trop tu ».

Maryse Oudjaoudi, cadre nationale d’EELV, sort elle aussi du silence. Elle a participé à la mise en place il y a un an d’un système Internet pour recueillir « d’éventuels témoignages de harcèlement au sein du parti », explique le quotidien régional Le Dauphiné libéré, qui l’a interrogée. Elle raconte :

« Oui nous étions au courant depuis presque un an, quand les jeunes femmes ont commencé à se confier. Mais il a fallu qu’on fasse les choses tranquillement, avec l’aide d’avocats, de conseils, pour protéger nos copines qui acceptaient de parler, même si les faits pouvaient être prescrits (‘). On a essayé de regrouper les témoins pour qu’elles se donnent mutuellement du courage, car pour témoigner, il en faut ! Vous savez, la parole des femmes est souvent mise en cause. Regardez les tweets dégoûtants qu’ont pu recevoir celles qui ont parlé à visage découvert ce lundi matin. C’est horrible ! »

Elle précise que d’autres témoignages sont en train d’arriver, « maintenant que la parole est lâchée », peut-être même de la part « d’autres témoins plus importantes au sein du mouvement ».

Appel à témoignages

« Les écologistes ne sont pas épargnés par ce type de comportement », a déploré Noël Mamère, maire écologiste de Bègles et ex-EELV, qui souligne son malaise et sa honte, mais se dit « fier que les femmes se soient décidées à parler ». « Ça va sans doute aider d’autres femmes, qui aujourd’hui sont harcelées et victimes de violence », estime-t-il.

« J’étais au courant que Denis avait un comportement disons un peu lourdingue avec les femmes, je n’avais pas idée qu’il allait aussi loin », a déclaré sur RMC le conseiller de Paris EELV Yves Contassot. Ce dernier met en cause la responsabilité d’Emmanuelle Cosse, ex-secrétaire nationale d’EELV et épouse de M. Baupin : après des allusions à des rumeurs d’agressions sexuelles dans le parti « assez récemment dans un conseil fédéral, à la surprise générale la personne qui est montée à la tribune pour demander qu’on arrête de discuter ça, c’est sa compagne, c’est Emma Cosse (‘). Elle est montée à la tribune pour dire : Ça suffit, je refuse qu’on continue de débattre de cette question’ », a-t-il raconté.

Sandrine Rousseau (EELV), une des élues qui ont affirmé avoir été victimes d’agression sexuelle de la part de M. Baupin, a appelé d’autres femmes à témoigner. « S’il y a des femmes, qu’elles n’hésitent pas, on sera là en soutien, nous pour lesquelles les faits sont prescrits », a déclaré la porte-parole du parti écologiste sur BFM-TV. Les huit témoignages recueillis jusqu’à maintenant par Mediapart et France Inter ne peuvent plus faire l’objet d’une plainte.

Mme Rousseau a insisté pour que Mme Cosse ne soit pas accusée par rebond. « Ce serait trop facile qu’à la fin ce soit les femmes qui soient pointées du doigt (‘) et que lui s’en sorte indemne », a-t-elle insisté, rappelant que « Denis Baupin est l’auteur des faits que l’on dénonce ». « Emmanuelle Cosse, je ne sais pas si elle savait, si elle ne savait pas, peut-être qu’elle savait, sans doute qu’elle savait, mais de toute façon, ce n’est pas la question », a-t-elle ajouté.

La députée écologiste Eva Sas a affirmé qu’elle demanderait, avec d’autres parlementaires, le départ de Denis Baupin du groupe écologiste à l’Assemblée. Selon elle, le comportement de M. Baupin, dénoncé par des « témoignages dont la véracité ne fait aucun doute », est « contraire aux valeurs de l’écologie », liée « dès l’origine au mouvement féministe ».

« Il ne faut rien laisser passer »

François de Rugy, député de Loire-Atlantique et président du parti Ecologistes !, s’est dit « à la fois stupéfait et meurtri » par ces révélations qui touchent un « ami politique ». Sur France Inter lundi matin, il a affirmé qu’il n’avait « jamais eu à connaître des faits de ce type, sinon [il] les aurai[t] condamnés ». Quelques heures plus tard, il a affirmé dans un communiqué qu’il « n’a[vait] été informé que d’une seule situation le mettant en cause », concernant « une collaboratrice du groupe écologiste à l’Assemblée nationale » qui « affirme elle-même qu’il ne s’agissait pas de harcèlement », mais qui lui avait demandé d’intervenir car la situation la mettait « mal à l’aise ».

« Quand une femme dit non, c’est non », a rappelé Laurence Rossignol, la ministre des droits des femmes, interrogée sur l’affaire. Mme Rossignol a souligné le poids des paroles des victimes, car « parler sur des sujets de ce type, c’est pas facile ».

Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, a appelé sur Europe 1 M. Baupin à s’expliquer pour des faits qu’il juge « graves ». Pour Luc Carvounas, sénateur socialiste du Val-de-Marne, qui s’est exprimé sur LCP, « il ne faut rien laisser passer, que ce soit du harcèlement moral, du harcèlement sexuel », même si, à l’heure actuelle, « il y a présomption d’innocence qui existe pour Denis Baupin. Mais cela nécessite forcément (…) des explications ».

Catherine Coutelle, la présidente socialiste de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, a elle pris « acte » de la démission de M. Baupin et estimé que « cette affaire permet de parler du harcèlement, peut délier des langues de victimes de ce phénomène, faire connaître la conduite à suivre », mais aussi la législation, « revue plusieurs fois par la gauche » depuis 2012 pour « préciser la définition et alourdir les peines ». Comme d’autres élues PS, elle plaide pour un allongement de la durée de prescription.

Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la région Ile-de-France, a appelé le député de Paris à « tirer toutes les conséquences »  de ces accusations. « Les hommes politiques, vis-à-vis de ces pratiques de harcèlement sexuel, devraient être exemplaires et, visiblement, ce n’est pas le cas », a-t-elle constaté sur France Info, « extrêmement choquée » par les témoignages.

Clémentine Autain, conseillère régionale Front de gauche d’Ile-de-France, a affirmé sur France Info que « tout le monde savait » et que l’une des femmes qui témoignent, Isabelle Attard, lui « avait confié ces agissements ». Elle juge ceux-ci d’une « grande gravité », et attribue le fait que les femmes n’aient pas parlé avant au « climat politique façonné par le monde viril ». « Le monde politique est un terrain de chasse dans lequel les femmes essayent de survivre », où elles se sentent souvent « isolées, ou n’ont pas envie d’être perçues comme des victimes », a-t-elle assuré.

Pétition pour « lever l’omerta »

Dans un communiqué, l’association Osez le féminisme ! demande à « en finir avec l’impunité des puissants » :

« Penser que l’affaire Denis Baupin est isolée est une erreur : depuis plusieurs années, des hommes politiques ont été impliqués dans des affaires de violences machistes : Dominique Strauss-Kahn (qui mit fin à la procédure judiciaire américaine par une transaction financière), Georges Tron (renvoyé aux assises pour viols aggravés), plus récemment Jean-Michel Baylet (article paru dans Buzzfeed le 10 mars dernier), Michel Sapin, et maintenant Denis Baupin. Pour cinq affaires qui sortent publiquement, combien d’autres sont étouffées, dissimulées, condamnant les victimes au silence ‘ »

Une pétition, créée par le collectif Levons l’omerta et relayée par la militante féministe Caroline De Haas, a été lancée sur la plate-forme Change.org. Elle s’adresse aux responsables de partis politiques et aux présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, leur demandant notamment d’inscrire dans leurs statuts que tout responsable de parti ou élu auteur de violences sexuelles est exclu, et d’inscrire dans le règlement intérieur, déclaration de principe ou de statuts de leur parti ou institution la lutte contre les violences sexuelles comme une priorité.

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