Damien Meslot le maire de Belfort qui ne veut pas plier face à Alstom

Damien Meslot le maire de Belfort qui ne veut pas plier face à Alstom

Le Monde
| 14.09.2016 à 07h49
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Par Jean-Pierre Tenoux (Besançon, correspondant)

Lorsqu’un territoire est sinistré, ou supposé en passe de l’être, ses élus entonnent aussitôt le chant de « l’union sacrée ». A Belfort, le maire et député (Les Républicains), Damien Meslot, n’a pas dérogé à cette règle. Afin d’incarner ce « bloc » démocratique, lui et la présidente (PS) de la Région Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, font depuis le début de la semaine « délégation commune », que ce soit chez le secrétaire d’Etat à l’industrie, Christophe Sirugue, ou chez le président d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge.

Entre deux rendez-vous, l’une et l’autre répondent aux invitations des télévisions et des radios. A chaque fois, ou presque, M. Meslot en profite pour rappeler que « Nicolas Sarkozy avait fait ce qu’il fallait pour sauver Alstom ». Il le reconnaît avec un sourire. « On est quand même en campagne présidentielle’ », glisse ce soutien actif de l’ancien président de la République pour la primaire 2016. M. Meslot reste avant tout un militant.

Le maire de Belfort est de ces êtres clivants, qu’on aime ou qu’on déteste, voire les deux parfois, mais qui ne laissent pas indifférent. Au conseil municipal de Belfort, conquis en 2014, celui qui a adhéré au RPR dès l’âge de 14 ans ne donne jamais dans la nuance face à une gauche qu’il voit toujours comme un agglomérat de « rouges », plutôt « incompétents » à ses yeux. Alors que celle-ci est morcelée entre chapelles et ego, douloureux héritage de décennies de luttes entre socialistes et chevènementistes du cru, la majorité de M. Meslot lui est entièrement dévouée.

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« Faubourg des coups de trique »

« Savoir s’entourer de fidèles, c’est une des forces du personnage, admet l’un de ses adversaires, qui requiert l’anonymat par prudence. Dans le territoire de Belfort, il s’est construit une base militante de plus d’un millier d’adhérents, ce qui est un exploit dans une région qui était acquise de longue date à la gauche. Il sait aussi promouvoir les jeunes qui l’entourent. Ainsi, deux de ses ex-attachés parlementaires, Cédric Perrin et Florian Bouquet, sont aujourd’hui sénateur et président du conseil départemental. »

S’il fallait dresser le portrait d’un « Belfortain type », l’histoire de M. Meslot conviendrait. A 52 ans, celui-ci souligne sur son blog être né « faubourg des coups de trique », ainsi qu’on nomme l’avenue Jean-Jaurès, la plus longue de la cité du Lion, en souvenir des bagarres qui opposaient les buveurs des différents bistrots de l’endroit autrefois. Cette artère, où M. Meslot réside actuellement, menait aux usines de la SACM, l’ancêtre d’Alstom, lorsque des patrons alsaciens et lorrains étaient venus s’installer en 1872 à Belfort pour fuir leur province annexée par l’Allemagne.

Etudes à l’école de commerce de Reims, puis à la Middlesex Business School à Londres, DESS de droit à la faculté de Strasbourg, bref passage dans l’encadrement d’une banque et M. Meslot est revenu à Belfort. C’est là qu’il a effectué son service militaire, au 35e Régiment d’infanterie. Et c’est à Belfort qu’il a bâti sa carrière politique : conseiller municipal, conseiller départemental, député en 2002 après avoir éliminé Raymond Forni, le président (PS) sortant de l’Assemblée nationale, enfin maire et président de l’agglomération en 2014. L’homme a été de tous les combats.

Comme il est « droit dans ses bottes » et ne s’embarrasse guère de nuances, l’ambiance est souvent houleuse. En 2004, le Parti socialiste porte plainte contre lui pour « man’uvres frauduleuses » aux cantonales. Il bénéficie d’un non-lieu en août 2009. En novembre 2010, le député est condamné en appel pour « outrage à magistrat ». Selon l’accusation, à un policier qui lui apportait une convocation un an plus tôt, il aurait dit : « Ce gaucho de m’ de procureur nous fait c’ » Lui assure qu’il n’en est rien et que, au pire, il a peut-être évoqué « un procureur de gauche ».

Les vielles recettes politiques

En septembre 2015, il défraye à nouveau la chronique en affirmant « étudier la possibilité d’accueillir des familles de chrétiens syriens et d’Irak, parce que ce sont les plus persécutés », mais se défend de vouloir « faire le tri ». Cette fois, c’est Bernard Cazeneuve qui « condamne » une « distinction religieuse » qui lui paraît « funeste ». Le député-maire proteste encore de sa bonne foi. Afin de battre le maire (PS) sortant Etienne Butzbach, l’année précédente, n’a-t-il pas « passé un accord avec une association musulmane locale ‘ », se hâtent de souligner ses amis.

En campagne électorale permanente, pour parer à toute éventualité, sans cesse à labourer son terrain, celui qui fut en son temps l’un des plus jeunes conseillers généraux de France, que beaucoup décrivent comme un « sanguin » ou un « rouleau compresseur », use et abuse volontiers des vielles recettes politiques qui ont fait leurs preuves.

Son affabilité séduit. Si la gauche lui semble relever de l’anomalie génétique, c’est avec une exception de taille : Jean-Pierre Chevènement, dont il a défendu les positions sur les grands sujets structurants pour le territoire de Belfort : le TGV Rhin-Rhône, le nouvel hôpital médian de l’Aire urbaine constituée avec Montbéliard, le pôle métropolitain. Mais il n’était pas rare, dans ce nord-est de la Franche-Comté, que des élus de droite partagent cette même indulgence ou éprouvent du « respect pour le ministre régalien ».

Avec Alstom, Damien Meslot sait qu’il n’a pas grand-chose à craindre personnellement, même si son opposition lui reproche un certain « aveuglement » lors de la reprise de la branche énergie par General Electric. Si le site de production est en partie sauvé, il aura été aux avant-postes. S’il ferme, le député s’empressera de pilonner le gouvernement. Avec une « pensée particulière » pour Emmanuel Macron.

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