Chez Canal+ la question de l’avenir du  Petit Journal  est posée

Chez Canal+ la question de l'avenir du  Petit Journal  est posée

Le Monde
| 19.04.2016 à 11h34
Mis à jour le
20.04.2016 à 13h01
|

Par Alexandre Piquard

Le « clair » de Canal+ est-il menacé et avec lui, son fleuron actuel, « Le Petit Journal » ‘ La question se pose en interne, à l’approche de la fin de la saison pour les émissions gratuites. « Les décisions ne sont pas encore prises », assure la direction de la chaîne cryptée, qui ne souhaite pas commenter davantage, à la veille de l’assemblée générale de Vivendi, jeudi 21 avril. Selon une source proche du dossier, l’actionnaire tient pourtant auprès de ses équipes un discours demandant une réduction des coûts et de la durée totale des émissions en clair.

« Ce sont des sujets sur lesquels réfléchissent tous les producteurs d’émissions gratuites en ce moment », explique un bon connaisseur de la chaîne. Cette réflexion est menée avec en tête le souvenir de la reprise en main de la chaîne et du « Grand Journal » par le nouveau patron, Vincent Bolloré, à l’été 2015, ainsi que le passage des « Guignols » en crypté.

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Les spéculations autour du « Petit Journal » de Yann Barthès et de son producteur Laurent Bon sont d’autant plus fortes que des contacts ont cette année été établis avec d’autres chaînes. Bangumi, la boîte de production née pour fabriquer ce JT décalé, vient de s’accorder avec France Télévisions pour créer une émission culturelle et artistique hebdomadaire, baptisée « Stupéfiant ». Celle-ci prendrait le créneau horaire, le vendredi, de « Ce Soir ou Jamais » de Frédéric Taddéï appelée à disparaître en fin de saison ou serait diffusée le mercredi.

Changement de philosophie

Faut-il pour autant imaginer que « Le Petit Journal » va migrer sur TF1 ou France 2 ‘ La chose n’est pas évidente : d’abord, Canal+ peut conserver la marque, car la chaîne coproduit l’émission avec Bangumi. Tenter une greffe ailleurs est aussi toujours un risque. Vivendi n’a pas jusqu’ici donné de signe qu’il voulait se séparer de la bande des Catherine et Liliane et autres Eric et Quentin, ni exercé de pressions sur les contenus cette saison, assure une source. Mais l’absence de certitudes sur l’avenir, ainsi que la perspective de devoir comprimer les budgets, ne sont pas rassurants pour la centaine de membres de l’équipe.

« Dans le secteur, il y a un traumatisme : le cas de KM, la société de Renaud Le Van Kim, qui produisait depuis des années le Grand Journal et qui a été décimée du jour au lendemain », raconte un membre du « Petit Journal ». Le talk-show de fin de journée a été confié à Maïtena Biraben et à la société de production interne à Canal+, Flab. Un schéma intégré qu’affectionne M. Bolloré. « Le Petit Journal », lui, est fier d’avoir conquis son indépendance économique en s’autonomisant du « Grand Journal » et en gérant sa production.

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« Il y a une inquiétude en interne à Canal+, nous n’avons pas assez d’information », regrette un représentant du personnel, tout en acceptant une réforme du clair. « Nous ne savons pas trop ce qui va se passer », ajoute un employé des émissions gratuites du week-end, « Le Tube » et « Le Supplément ».

Il faut bien sûr voir dans ces spéculations le jeu habituel des renégociations de fin de saison, qui implique souvent des fuites dans la presse pour obtenir des baisses de prix ou une reconduction. Mais il y a aussi un vrai changement de philosophie, insufflé par M. Bolloré : priorité à l’abonné, martèle-t-il. « Je me fous des recettes et des audiences. Ce que je veux, c’est que pour 40 euros l’abonné en ait pour son argent », avait-il résumé à des proches, selon Les Inrocks.

Une rupture avec l’histoire de Canal+, seule chaîne payante du monde à proposer plusieurs heures de gratuit par jour. A l’origine, c’était une condition posée par l’Etat, soucieux de ne pas privatiser un canal pour une chaîne 100 % cryptée. Mais le clair s’est mué en avantage : il véhicule une « image aspirationnelle » pour que les abonnés se sentent valorisés de regarder Canal+, grâce à des programmes sophistiqués. De plus, c’est une publicité massive gratuite, qu’il faudrait sinon financer, argumente un vétéran de la chaîne. Surtout, pointe-t-il, c’est un créneau rentable, grâce à la publicité : en 2014, le clair a rapporté 150 millions d’euros environ, pour un coût de 110 millions environ, soit environ 40 millions d’euros d’excédent.

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Mais le marché publicitaire est aujourd’hui dégradé et les recettes de la chaîne souffrent de la baisse d’audience des émissions en clair. « Le Grand Journal » oscille entre 500 et 600 000 téléspectateurs, contre 1,3 million un an plus tôt. Cela n’est pas forcément un problème si le coût des émissions en clair, jugé élevé par la direction, baisse’ Toutefois, la facture de l’émission de Maïtena Biraben n’aurait reculé que de 25 à 23 millions d’euros par an, selon Le Parisien, cité par BFMBusiness.

« Tout est une question de curseurs », reconnaît une source interne. Selon cette dernière, une suppression totale du clair n’est pas à l’ordre du jour : une émission gratuite comme « Canal Football Club » crée, par exemple, une envie de s’abonner, en proposant des débats autour des matches de football cryptés, pointe-t-on. Pour trancher, il s’agit de sonder les motivations parfois complexes des abonnés, dont le nombre recule en France. Reste un dernier élément de l’équation : D17 et D8, dont la locomotive incontestée est « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna, prolongé pour cinq ans. Certains veulent en interne que ces chaînes « en clair » jouent à l’avenir un rôle plus important dans le groupe.

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