Championnats d’Europe de judo , pour Cyrille Maret fini les gentillesses

Championnats d'Europe de judo , pour Cyrille Maret fini les gentillesses

A 28 ans, le leader tricolore des -100 kg n’a toujours pas de palmarès au plus haut niveau mondial. Un constat rageant pour cet athlète talentueux, victime de sa bonté naturelle. Aux championnats d’Europe à Kazan, samedi, il vise l’or pour arriver avec un statut de favori aux Jeux olympiques.

Cyrille Maret, à l’Insep en avril. Photo: Florent Bouteiller

La scène se passe le 29 août 2015, à Astana, au Kazakhstan. Il est un peu plus de 19 heures lorsque Cyrille Maret se présente dans la zone mixte. Spectral, le regard sombre, le judoka répond avec la spontanéité franche qui le caractérise à des journalistes médusés. « C’est un cauchemar, commence-t-il avant d’essuyer quelques larmes. J’ai dû prendre un peu pitié. Au lieu d’abréger ses souffrances, je l’ai ménagé. Et encore une fois, ce combat a prouvé que j’étais trop gentil. »

Le combat en question, c’est celui dont il vient tout juste de sortir perdant face à Toma Nikiforov. Atteint du syndrome des loges, les avant-bras tétanisés avec en prime un doigt déboîté, le Belge est clairement incapable de combattre dès qu’il fait son entrée sur le tatami. Pendant 4 minutes et trente secondes, le garçon fait peine à voir, ployant sous la garde dominante du Français en se tordant de douleurs. Au fur et à mesure que les pénalités tombent pour son adversaire, Cyrille Maret, compatissant, se fait nounours. Il sait que le combat est dans la poche. Et à défaut d’enfoncer le clou pour éliminer son adversaire ou lui coller une boîte, le sociétaire de l’ACBB gère tranquillement son avance, comme dans un vulgaire randori (combat à entraînement).

Le problème, c’est que Toma Nikiforov, lui, n’a pas l’intention de lâcher. En plein milieu d’un championnat de seconde zone, le Belge aurait sûrement abandonné. Mais pour une première médaille de bronze mondiale, pas question. A trente seconde de la fin du temps réglementaire, Cyrille Maret lance une action sans conviction. L’occasion est trop belle pour Nikiforov qui contre l’attaque et marque waza-ari. Le Français se relève fou de rage. Il sait que la médaille vient de changer de camp, qu’il lui sera presque impossible de remonter la marque en si peu de temps. Il se jette alors sur son adversaire qui le déroule sur un makikomi. Un ippon cruel mais logique pour Cyrille Maret ; libérateur pour le Belge.

Huit mois après ce terrible échec, la plaie est refermée mais la douleur toujours là. « C’est quelque chose qui me suivra toujours. Ça fait partie de mon histoire, explique Cyrille Maret. J’espère que ça va me servir car il ne faut pas que ça se reproduise. » A défaut de s’apitoyer sur son triste sort, le judoka a préféré se relancer dans la bataille et se rassurer. En octobre 2015 et en février dernier, il remportait pour la deuxième et la troisième fois consécutives le Tournoi de Paris. Mais la véritable épreuve test avant les Jeux olympiques de Rio commence ce week-end avec les championnats d’Europe, samedi 23 avril, à Kazan (Russie). « ça fait trois ans que je piétine sur la troisième place du podium et j’aimerais bien gravir les échelons. Un titre européen, ça me mettrait en confiance », se plaît à rêver Cyrille Maret.

De la confiance, il lui en faudra pour l’épreuve planétaire qui s’annonce quatre mois plus tard, à Rio. Car si Cyrille Maret refuse de se considérer comme un « prétendant au titre des +100 kg », il est bel et bien l’un des favoris dans cette catégorie où, l’admet-il, « aucun athlète ne domine vraiment ». Et c’est tout le paradoxe de la situation dans laquelle est englué Cyrille Maret. Capable de battre tous les meilleurs, il n’a aucune médaille mondiale ou olympique à faire valoir pour être gratifié d’un statut de favori. « Je me considère donc comme un outsider pour le titre. J’ai gagné plein de tournois mais je n’ai rien glané en championnat. Or c’est avec ce genre d’événement qu’on crée un palmarès », analyse-t-il, lucide.

Un constat que partage également Teddy Riner, son partenaire et ami à l’Insep. « Cyrille, c’est un champion, mais il ne le sait pas encore. Le jour où il prendra conscience de ça, il le deviendra », affirme le champion olympique des lourds aux huit médailles d’or mondiales. Le temps presse pourtant. A 28 ans, celui qui entretient « le rêve de gosse d’être champion du monde ou olympique » va devoir laisser sa bonté naturelle -et ses doutes- au vestiaire s’il veut atteindre cette destinée qui lui tend les bras. Et se dire dès maintenant et pour un long moment : fini les gentillesses !

Florent Bouteiller

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Suivez les championnats d’Europe sur L’Esprit du judo

Les journalistes de L’Esprit du judo, le magazine de référence des judokas, sont à Kazan, en Russie, pour suivre les championnats d’Europe. Commentaires en direct, récits, analyses, interviews, vidéos’ Une belle couverture de cet événement crucial avant les Jeux olympiques sera proposée sur le site Internet de L’Esprit du judo.

Vous pourrez aussi suivre l’événement sur L’Equipe 21 (gratuit) avec aux commentaires Frédéric Lecanu, Cécile Nowak et Jean-Philippe Lustyk. Samedi 23 avril à 17 h 15 pour le bloc final (-78 kg, +78 kg chez les féminines, -90 kg, -100 kg, +100 kg chez les masculins). Dimanche 24 avril à 18 heures, place aux équipes.

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